Les significations des deux mots clés "néant " et "vide " que la poète utilise dans ce texte ont toujours été l’objet de controverses entre les physiciens. D’abord ils ne sont pas synonymes : le néant veut dire l’inexistence absolue tandis que le vide renvoie à un espace donné et cet espace existe. Mais qu’est-ce qu’un espace ? Si Einstein a prouvé que la notion de temps disparait complètement à la vitesse de la lumière personne n’a pu définir après lui celle de l’espace .
Dans ce poème-ci , l’auteure tente de dévoiler l’essence de ces deux notions non à l’aide de l’instrumentation sophistiquée et des méthodologies qu’utilisent les hommes et les femmes de science mais en empruntant la voie spécifique des poètes , munie uniquement de sa sensibilité aiguisée et de son imagination féconde. Et le résultat est ahurissant : les dimensions perdent leurs mesures logiques (des années-lumière de vide entre la table et le fauteuil / chaque cellule du corps, laquelle devient une galaxie ) et les sons se confondent avec le silence (Le chant des nuits, chant de grillon; leurs pépites de néant creux; leurs traînées de silence aigu effondré sur sa propre masse ) comme si les objets n’avaient aucune existence en dehors de l’illusion perceptive des humains et autres créatures vivantes . Ces vérités effroyables que découvre l’auteure ne manquent pas de susciter chez elle le vertige , l’incertitude et la sensation de solitude qu’elle projette à son tour sur le monde environnant régi par l’illogique et le non-sens .
Bref Patricia nous a fait part dans ce texte extrêmement condensé et bourré d’images déroutantes d’une expérience certes subjective mais dont les physiciens ont tout intérêt à avoir connaissance. Peut-être qu’ils y trouveront quelques réponses aux questions qu’ils se sont toujours posées sur les notions de "néant" et de " vide " .
Mohamed Salah BEN AMOR
Des années-lumière de vide entre la table et le fauteuil.
Une distance exacerbée, aussi profonde qu'un canyon, hiatus interposé soudain entre deux objets immobiles.
L'incomplétude d'une chair, en apesanteur dans la nuit.
Le chant des nuits, chant de grillon; leurs pépites de néant creux; leurs traînées de silence aigu effondré sur sa propre masse.
Un exil. Un manque. Un appel. Cul-de-basse-fosse muet.
Un vertige qui s'établit, insinué dans la chair des choses. Entre chaque atome d'objet, entre chaque cellule du corps., laquelle devient une galaxie; un îlot nu de solitude. Un cri de séparation.
*
Le milieu de la nuit se tait.
Le vide est fait, par soustraction.
L'incertitude est un frisson; qu'entretient le froid orphelin.
Tous les vieux cordons sont coupés. Ne reste plus que cet à-vif. Ce décharnement sidéral. Cette immense ligne de fuite...
P.Laranco.