Un parasol géant au dessus de l'Union européenne, des nuages artificiels injectés dans l'atmosphère, le remorquage d'un iceberg pour donner accès à l'eau potable dans les pays touchés par la sécheresse... La géo-ingénierie a déjà séduit certains pays, mais pas les ONG. Le Parlement européen vient également de lui faire barrage.
Alors que de plus en plus de pays pauvres ou en développement subissent de plein fouet sécheresse et pénurie d'eau potable, les solutions faisant appel à la géo-ingénierie et aux rêves prométhéen d'un homme capable de lutter contre la nature vont bon train ! Une des idées serait par exemple d'injecter des millions de tonnes de soufre dans l'atmosphère, au risque de sérieusement l'embrumer, avec l'intention d'abaisser la température au sol. Une autre consisterait à recouvrir les déserts de plastique blanc afin de réfléchir le rayonnement solaire...
Mais toutes ces idées, un peu farfelues, il faut le dire, ne sont pas prises au sérieux par les parlementaires européens. En effet, dans la position officiellement adoptée pour le sommet Rio+20 en juin prochain, les députés européens ont exprimé leur opposition à ces projets à grande échelle. Cet avis du Parlement européen pourrait déboucher sur un projet d'accord international lors du sommet de Rio. Ainsi, il n'y aura pas de parasol géant au dessus de l'Union européenne, ni de nuages artificiels en Grande-Bretagne... Bonne ou mauvaise nouvelle pour le climat ?
Pour les associations écologistes, la géo-ingénierie est surtout "une façon pratique pour les pays du Nord d'esquiver leurs engagements de réduction" d'émissions de CO2, en choisissant de guérir plutôt que de prévenir les bouleversements climatiques. Parmi les arguments avancés : leur coût monstrueux et le manque de connaissances sur l'impact de telles interventions humaines sur les mécanismes climatiques ainsi que sur la biodiversité.
La Terre, un laboratoire à ciel ouvert ?
De plus, miser sur ces technologies revient également à violer les traités internationaux : lors de la 10e Conférence des parties à la Convention à Nagoya en octobre 2010, un moratoire a été décidé contre les technologies de géo-ingenierie. De son côté, dans un rapport publié en novembre 2007, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qualifiait les projets de géo-ingénierie comme "largement spéculatifs" et comportant "un risque d'effets collatéraux inconnus".
La Terre n'est pas un laboratoire à ciel ouvert et les scientifiques ne peuvent se permettre de faire courir des risques supplémentaires à ceux qui l'habitent. Heureusement, tous les scientifiques ne sont pas aussi mégalo, certains rappelant la nécessité de sélectionner des projets réversibles et testables dans des laboratoires clos, à plus petite échelle.
Ainsi, comme le soulignait le physicien José Achache dans une interview, la géo-ingénierie est dangereuse quand elle justifie la perpétuation de notre mode de vie actuel mais peut devenir intéressante dès lors qu'elle vise à restaurer la capacité des écosystèmes à rendre les services naturels épuisés. Il s'agirait ainsi de se contenter de donner " un coup de pouce " à la nature. Ce qui est déjà un défi majeur...
Célia Garcin