Pour PLANETE PHOTOS, Karl Grünberg, travailleur social et animateur de ACOR SOS Racisme entame une série d’articles sur l’UDC, un parti qu’il a suivi depuis sa création.
Le nationalisme xénophobe comme attrape-nigaud
La campagne électorale prend fin et l’UDC ajoute 2 slogans à son affiche «Stopper l’immigration massive»: «Ca suffit» et «Les Suisses votent UDC». Sa campagne s’offre le luxe d’ignorer son propre programme : «UDC 2011-2015, le parti de la Suisse».
Présenté comme la plaquette touristique d’une station de montagne, ce programme décline les clichés comme des légendes de carte postale : «L’UDC s’engage pour le cas particulier suisse avec ses piliers, qui sont la souveraineté, la démocratie directe, la neutralité permanente, le fédéralisme et la subsidiarité».
Ca ne mange pas de pain. Et ça pose en porte-parole légitime des traditions de la classe dominante de ce pays.
«UDC 2011-2015», un florilège antisocial et réactionnaire
L’UDC prétend fonder son combat contre l’Etat social sur l’article 6 de la constitution suisse selon lequel «Toute personne est responsable d’elle-même et contribue selon ses forces à l’accomplissement des tâches de l’Etat et de la société».
Et ses tâches, quelles sont-elles? «Pour la protection de la propriété privée», «pour plus d’économie de marché», «pour un Etat qui baisse les impôts»… c’est clair, l’UDC défend les possédants. La croissance de leurs ressources se fait au détriment de la société, de la classe moyenne, des travailleurs et les travailleuses.
L’UDC présente son programme comme la promotion de la responsabilité individuelle alors qu’il décline un catalogue anti-social qui menace tous les acquis sociaux des trois dernières générations.
Un nombre croissant de personnes ne trouvent pas de logement et l’UDC veut «assouplir le droit du bail au profit du libre jeu du marché».
S’opposant à l’impôt progressif, «qui violerait le droit de propriété», elle préconise la concurrence fiscale entre cantons et la conservation du secret bancaire.
Elle veut chasser de l’école «le romantisme social et l’égalitarisme forcené», «la pédagogie anti-autoritaire qui ne fait pas de différence entre les forts et les faibles».
Les études universitaires devraient «davantage tenir compte des exigences du marché», «l’UDC ne veut pas des universités de masse, mais des universités de pointe».
L’UDC veut augmenter à 65 ans l’âge de la retraite pour les femmes et affirme «s’engager à ce que les rentes AVS soient durablement garanties». Sans rire. En effet, elle «combat toute augmentation de celles-ci».
Non contente de mettre en cause le droit à l’AVS, l’UDC veut amplifier le pillage spéculatif des caisses de deuxième pilier et leur soumission au marché des capitaux. Elle veut supprimer les taux minimaux de conversion et d’intérêt. «La LPP doit être dégraissée et la concurrence ranimée entre les institutions de prévoyances vieillesse».
L’UDC veut «alléger l’AI d’au moins 4000 rentiers par an» et «réformer les rentes basées sur les risques car certaines nationalités (Etats balkaniques, Turquie) sont surreprésentées». «Les rentes AI exportées doivent être adaptées au pouvoir d’achat local», c’est-à-dire baissées! Il n’y a aucune raison de «privilégier les rentiers AI» ayant des enfants à charge. Aujourd’hui, avec cinq enfants à charge un rentier a droit à 3 rentes AI complètes: «Rien d’étonnant donc à ce qu’un rentier AI vivant avec ses cinq enfants dans un village des Balkans puisse entretenir la moitié de la population locale aux frais de la Suisse».
Et l’assurance-chômage? «Il sera indispensable de procéder à de nouvelles diminutions de ses prestations». Et l’aide sociale? «Les personnes qui ne cherchent pas de travail ne doivent plus en recevoir».
La LAMal doit bien sûr elle aussi «être réformée dans le sens de l’économie de marché». «Le catalogue des prestations de base doit être allégé: interruptions de grossesse, thérapies aux hormones, césariennes non indispensables ou changements de sexe ne doivent plus être financés par la collectivité». Et pourquoi ne pas supprimer l’obligation de s’assurer? L’UDC veut soigner l’assurance-maladie en la libérant de l’obligation de payer des soins!
Son indifférence à l’intérêt public est sans limite: «Il faut construire de nouvelles centrales nucléaires et opter pour le stockage en profondeur des déchets en Suisse».
Pour l’UDC «l’homme et la femme sont des partenaires égaux en devoirs et en droits». «Qu’un travail égal mérite un salaire égal pour les hommes comme pour les femmes relève de l’évidence». Ce parti privilégie pourtant «l’engagement responsable entre partenaires conjugaux dans la famille, la société, le monde professionnel et la politique». Galimatias incompréhensible dont une chose est claire, elle fleure bon son machisme bovin.
L’UDC siphonne la richesse sociale et propose un supplément d’âme
«Notre identité (serait) basée dans la culture occidentale et chrétienne». Elle rejette pourtant «les prises de positions unilatérales et gauchisantes des fonctionnaires ecclésiastiques», «une vision égalitariste et socialiste du monde contredit le message du christianisme qui prône le libre épanouissement de l’individu».
Cerise sur le gâteau, l’UDC professe l’islamophobie. «Le nombre de musulmans vivant en Suisse est estimé à plus de 400 000 et les immigrés musulmans amènent dans leurs bagages des conceptions du droit et de l’ordre incompatibles avec notre système juridique et nos règles démocratiques». Ne devrait-elle pas soutenir le printemps arabe? Ou celui-ci a-t-il le tort de renverser des dictateurs dont les fortunes sont en Suisse à l’abri du secret bancaire?
Attrape-nigaud? Pas seulement, hélas!
Dans le contexte mondial d’un capitalisme débridé vivant de rapine, du démantèlement des acquis sociaux, de la spéculation sur les biens de première nécessité et les matières premières, l’Etat-nation se rétracte sur ses fonctions répressives et le peuple souverain n’a plus grand-chose à ronger. Comment former des gouvernements, comment réunir des majorités parlementaires lorsque l’internationale des puissances financières brise le contrat social, bafoue la citoyenneté?
Fondé sur le clash des civilisations, le nationalisme identitaire propose un véritable «vivre-ensemble» qui exerce sa force d’attraction sur tous les partis gouvernementaux. Dans de telles conditions, s’opposer simultanément à cette vision raciste de l’humanité et aux désastres sociaux qu’elle provoque suppose non seulement un projet politique qui rompe résolument avec les rapports sociaux qui nourrissent ces deux fléaux mais aussi un engagement internationaliste et antiraciste.
Karl Grünberg
ACOR SOS Racisme