Ça commence comme un mauvais film d'auteur. L'introduction de Coupable alterne témoignages d'un couple au bord du divorce, face caméra, et images d'une mer calme illustrant (?) des propos énoncés par Michel Onfray, qui ondule de Platon à Lacan. Pour un peu, le film de Laetitia Masson ne s'en remettrait pas. Il aurait pourtant été dommage de passer à côté de ce faux polar absolument bizarroïde, qui désarçonne autant qu'il séduit. Coupable est une expérience rare, qui sera certainement rejetée en bloc par une grande partie de ceux qui s'y seront risqués. Regretteront-ils pour autant de s'être abandonnés pendant une centaine de minutes à cette ritournelle polymorphe ?
Après un Pourquoi (pas) le Brésil ? un peu en marge du reste de sa filmographie, Masson renoue avec deux types de personnages qu'elle affectionne particulièrement : la femme énigmatique, tellement en demande d'amour qu'elle finirait presque par s'offrir au premier venu, et l'enquêteur mâle et solitaire, épris de sa proie au point de perdre pied dans sa vraie vie, happé par celle qu'il poursuit. La nouveauté, c'est que chacun de ces deux archétypes est incarné par deux personnages, et donc par deux interprètes : Anne Consigny et Hélène Fillières d'une part, Jérémie Rénier et Denis Podalydès de l'autre. Mis à part pour ce dernier, impérial, il est difficile d'établir clairement la qualité de leur prestation, tant le ton de Coupable est incomparable, comme volontairement à côté de la plaque.
Masson filme en DV une réflexion sur le désir, le besoin de l'assouvir, le besoin de s'en créer. Par moments, le propos et la mise en scène s'embrouillent et nous emmènent sur des pistes un peu vides de sens. Mais cette folie palpable est également l'essence d'un film qui passe sans rougir de scènes de vaudeville très réussies mais parfois hors de propos à des séquences plus dramatiques et torturées. Le titre peut être trompeur (mais colle finalement très bien au film) : Coupable n'a rien d'un film policier, le meurtre qui accapare les personnages n'agissant que comme un révélateur de leurs désirs. S'il n'a donc rien pour plaire aux fans de Mary Higgins Clark, le film de Laetitia Masson est en revanche à conseiller aux amoureux de la marginalité.
6/10
(également publié sur Écran Large)