L’ancienne ministre Corinne Lepage est de nouveau candidate pour 2012. Pour la troisième fois consécutive. Elle était
allée jusqu’au bout en 2002, et elle avait abandonné à un mois du premier tour en 2007 pour rejoindre François Bayrou.
Décidément, les journaux vespéraux de TF1 sont très fréquentés.
Deux jours après le forfait de Jean-Louis Borloo, c’est Corinne Lepage qui s’est invitée ce mardi 4 octobre 2011 chez Laurence Ferrari pour annoncer sa candidature à
l’élection présidentielle de 2012.
Elle n’a eu droit qu’à quatre petites minutes au milieu du journal (avec quelques impatiences de la
journaliste) pendant lesquelles elle a sorti des phrases apprises par cœur sur les institutions (elle veut une nouvelle République) et sur le nucléaire.
Négociations avec TF1 ?
Elle avait tout préparé à l’avance, jusqu’à la date anniversaire de la Constitution. Elle ne savait évidemment pas que ce serait le surlendemain de la prestation du
président du Parti radical (« Tout était réglé avec la chaîne bien avant. » selon son assistant), si bien que l’annonce de Corinne Lepage a
de grandes chances de passer inaperçue dans le grand flux médiatique.
On peut même être très surpris par une préparation si minutieuse. Elle a refusé de donner le contenu de son
message avant même l’interview de Laurence Ferrari. Son entourage avait en effet confié avant l’émission : « Nous ne pouvons ni démentir, ni
confirmer car l’exclusivité a été négociée voici une semaine avec la direction de TF1. ». Corinne Lepage aurait-elle eu un cachet pour sa prestation ? De quelle négociation
s’agit-il ? De la promotion de son nouveau livre ?
C’est assez incroyable de savoir qu’il y a des négociations entre
les invités politiques qui aspirent à la magistrature suprême et la chaîne de télévision privée. On connaissait Yves Montand (dont on fêtera le vingtième anniversaire de la disparition dans un
mois) qui avait obtenu un cachet de 800 kF en repoussant à la fin de l’émission politique "Questions à domicile" du 19 décembre 1987 sa déclaration de non-candidature, mais il s’agissait d’une
star et d’un chanteur. Je n’imagine pas Jacques Delors encaissant un tel cachet bien qu’il ait attendu, lui aussi, la fin de l’émission "Sept sur Sept" du 11 décembre 1994 pour annoncer son
désistement.
Tout est prévu
Corinne Lepage pense pouvoir recueillir ses cinq cents parrainages sans trop de difficultés et elle a déjà
assuré le financement de sa campagne. L’association de financement de madame Corinne Lepage vient d’être créée il y a quelques jours (Journal officiel du 24 septembre 2011) et le jeudi 6 octobre
2011 sortira son nouveau livre "À vos droits citioyens" (éd. ILV Bibliotheca) parallèlement à l’ouverture d’un site Internet du même nom.
On a l’impression de revivre 2002 : Christine Boutin, peut-être Jean-Pierre Chevènement (probablement pas) et
maintenant Corinne Lepage, tous les trois petits candidats en 2002 (ayant obtenu respectivement 1,2% ; 5,3% ; 1,9%), absents de la scène présidentielle en 2007 et qui font un come back
pour 2012 avec à peu près les mêmes chances de succès qu’en 2002.
Une apolitique en politique
Née deux semaines avant François Bayrou et un mois après Jean-Louis Borloo, Corinne Lepage (60 ans) est
d’abord une avocate spécialisée dans l’environnement où elle est intervenue dans les dossiers de deux catastrophes pétrolières (Amoco Cadiz en 1978 et Erika en 1999). Elle entend incarner
l’écologie indépendante, tant vis-à-vis de la gauche (elle a eu un flirt avec Europe Écologie en 2010) que
vis-à-vis de la droite (elle a été le Ministre de l’Environnement du Premier Ministre Alain Juppé entre 18
mai 1995 et le 2 juin 1997).
Elle s’est toujours définie centriste, si bien qu’elle a rejoint l’équipe de campagne de François Bayrou le 10 mars 2007 (elle comptait aussi se présenter en 2007), séduite par la
doctrine indépendantiste du candidat centriste.
Élue députée européenne le 7 juin 2009 à la tête d’une liste du MoDem, Corinne Lepage, vice-présidente du
MoDem, s’est finalement "fâchée" avec François Bayrou à partir de l’été 2009, lui reprochant l’exercice solitaire du leadership dans l’organisation interne du mouvement centriste, ce qui a
conduit au "divorce" officiel le 17 mars 2010, au lendemain des élections régionales qui furent la
bérézina pour les listes du MoDem (à l’exception de l’Aquitaine).
Elle est ainsi repartie dans l’aventure solitaire avec sa
structure légère, Cap 21, déçue tant par François Bayrou que par Eva Joly (qui a, elle-même, flirté en
2009 avec le MoDem qui avait su attirer deux secrétaires nationaux des Verts, Jean-Luc Bennahmias et Yann Wehrling).
Pourquoi se présente-t-elle ?
La motivation profonde de sa candidature n’a pas été vraiment expliquée ce soir du 4 octobre 2011 si ce n’est
qu’elle désapprouve complètement le pouvoir actuel. Dans l’éventail de l’offre politique actuelle, sa spécificité est assez peu lisible : contre le pouvoir actuel, pas vraiment de gauche et
écologiste.
Entre centrisme et écologisme, Corinne Lepage aurait pu soutenir François Bayrou qui, lui aussi, défend un centre indépendant de la droite et de la gauche, ou alors Eva Joly qui,
elle aussi, réclame la fin du nucléaire en France. Elle préfère prendre sa petite structure pour aller porter sa bonne nouvelle.
Inutile de dire que Corinne Lepage semble bien partie pour "apporter de la confusion à la confusion"
(l’expression va faire école !)… mais qui peut avoir peur d’elle ? Son potentiel électoral est si faible qu’elle comptera pour partie négligeable dans la bataille présidentielle qui
s’engage, au même titre qu’Hervé Morin, invité à "Preuve par 3" le 4 octobre sur Public Sénat, ou Christine Boutin, qui inaugure son siège de campagne rue Jules Guesde à
Levallois-Perret le 8 octobre.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (5 octobre
2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Jean-Louis Borloo
abandonne.
François
Bayrou rassembleur.
Les Verts en route pour 2012.
Lettre de Corinne Lepage expliquant sa démission du MoDem.