Crevaisons

Par Pierre-Léon Lalonde
La pluie froide trempe mes vêtements et me coule dans le dos.
Je suis penché à côté du taxi depuis 20 minutes et m’acharne sur un écrou qui refuse de se décoincer. Ma petite barre à pneu ne vaut pas grand-chose à comparer au serre-écrou pneumatique qui a servi à le fixer.
Je sautille en vain, debout sur la barre. Je cherche des yeux autour de moi, un bout de tuyau pouvant me servir de levier. Je pense retourner dans le taxi pour appeler de l’aide d’un confrère, mais je suis orgueilleux et avec cette pluie qui tombe, pas sûr que l’aide viendrait rapidement.
Je rage, car ma soirée est foutue. Si je parviens à ôter cette maudite roue, je devrai la remplacer avec celle beaucoup plus petite avec laquelle c’est interdit de travailler. De toute façon, avec l’état des rues de la ville, ce serait dangereux de tenter la chance, surtout avec des passagers à bord.
C’est d’autant plus frustrant que ma soirée vient à peine de commencer et que cette pluie froide d’automne était un cadeau du ciel pour entamer ce début de mois.
Je continue de m’acharner dans la pluie qui redouble d’intensité. L’eau me coule dans la craque des fesses et je commence à en avoir plein le... Quand le taraud décide enfin de se lâcher lousse dans un couinement aigu.
Complètement trempé et frissonnant, j’ai posé le pneu de secours et remis le crevé dans le coffre.
C’est avec un sale rhume que j’écris cette courte histoire qui tient mal la route et qui s’arrête ici.
Je le sais, je ne manque pas d’air! Mais je suis crevé...