La cinquantaine élégante, il aime et est aimé des femmes. Il voyage à bord du somptueux yacht de la riche américaine au corps de rêve dont il est épris et qui le traite en esclave. A l’escale de Nagasaki, il accepte de réaliser le portrait de la marquise Yorisaka, jeune épouse très occidentalisée du marquis Yorisaka Sadao, officier de la toute récente marine nipponne formé à l’école britannique, un couple tout à fait acquis aux idées modernes de l’occident, et dont l’ami intime est l’officier de liaison anglais Herbert Fergan. Nous sommes en 1905 et on annonce l’arrivée imminente de l’escadre russe qui s’apprête à défier la flotte de l’Empire du Soleil Levant près de l’île de Tshou Shima.
Passée la difficulté que représente pour le lecteur contemporain le côté délicieusement désuet de la langue, on est vite emporté dans l’intrigue qui se noue entre le marquis Yorisaka, avide d’arracher au lieutenant de vaisseau Fergan, aide de camp de Sa Majesté de Roi d’Angleterre, le maximum d’enseignements et de secrets pour que la marine japonaise soit en mesure de vaincre une marine occidentale, son épouse soumise Mitsouko et le vicomte Hirata, opposé à l’imprégnation du Japon par les manières et techniques occidentales.
Le roman nous entraîne sur la tourelle du Nikko, qui pointe ses énormes pièces de 305 sur l’escadre russe. La bataille est vécue en direct, elle ne touche pas seulement deux grandes puissances, mais aussi deux versants de l’âme japonaise, écartelée entre les vertus antiques de l’honneur et les nécessités du progrès. Une tragédie antique, dans le plus pur style des Daïmios.
Curieux tout de même qu’aucun exemplaire d’une édition récente ne soit disponible en librairie : j’ai dû acheter le livre d’occasion, publié en 1957 par la collection « J’ai lu » bien populaire (dont c’est le numéro 8), et affublé d’une horrible couverture ….
La bataille, roman de Claude Farrère. Editions Flammarion 252 p.