Une « commission stratégique » pose la question.
L’aéroport d’Orly a-t-il encore un avenir ? Les ministres de tutelle des transports, Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani, de concert avec Maurice Leroy, ministre de la Ville, posent la question et se donnent un an pour y répondre. Comme toujours dans ces cas-là, les mots sont soigneusement choisis : «alors que le tracé du Grand Paris prévoit de relier l’aéroport d’Orly aux grands pôles économiques et bassins d’emplois de la Région Ile-de-France ainsi qu’au réseau à grande vitesse à l’horizon 2020, il est important de doter l’aéroport d’une feuille de route pour un développement du territoire à la fois ambitieux sur le plan économique et respectueux du bien-être des riverains et de l’environnement».
Voici une actualité qui rajeunit tout le monde : on se croirait revenu aux années quatre-vingt quand Jacques Douffiagues, ministre des Transports de la première cohabitation François Mitterrand-Jacques Chirac, s’interrogeait sur la nécessité de prévoir un nouvel aéroport pour la région parisienne. D’où de savantes études, une prospection tous azimuts, un comité Théodule de plus et l‘idée d’une ambitieuse plate-forme internationale à construire au cœur de la Beauce. Très loin de Paris, parce qu’il est toujours plus simple de faire compliqué et que, de toute manière, tout cela était d’entrée condamné à l’oubli.
Du coup, bien sûr, on avait aussi reparlé des deux doublets de pistes de CDG, approuvés contre l’avis des écologistes par un autre ministre, Jean-Claude Gayssot. Ce dernier avait par ailleurs mis fin à une polémique de plus en plus vive au sujet d’Orly : l’aéroport préféré des Parisiens, situé à 14 kilomètres à peine de Notre-Dame, avait été prudemment plafonné à 250.000 mouvements annuels. Et, de ce fait, à 25 millions de passagers environ. A titre de comparaison, avec deux pistes seulement, Londres Heathrow enregistre près de 68 millions de passagers mais, il est vrai, accueille une proportion importante de gros porteurs.
Il suffit de flâner dans les rues de Villeneuve-le-Roi pour comprendre que les riverains des pistes d’Orly sont soumis à rude épreuve. Mais nombre d’entre eux n’en défendent pas moins l’aéroport historique, source de dizaines de milliers d’emplois. Les voyageurs, eux, le plébiscitent, bien que la desserte assurée par Orlyval et le RER soit loin d’être idéale. Et on ose à peine rappeler qu’une station de métro prête à l’emploi dort depuis un demi-siècle sous l’aérogare Sud. Ainsi vont les transports parisiens…
Aujourd’hui, langage technocratique aidant, il est question d’une nécessité «nouvelle», celle de développer l’intermodalité. Mais, déjà, on craint le pire, à savoir que la «commission stratégique» qui vient d’être installée, placée sous la présidence d’un préfet, André Viau, tout à la fois nombreuse, hétéroclite, soucieuse de respecter les susceptibilités, ne débouche sur un volumineux rapport destiné à se couvrir de poussière dans les oubliettes des archives ministérielles.
Personne, à n’en pas douter, n’est prêt à aller à l’essentiel, à regarder la réalité en face. Orly devrait être «déplafonné» mais strictement réservé aux vols court-courriers et il conviendrait d’envisager de toute urgence la deuxième grande plate-forme capable de compléter CDG. Le trafic aérien double tous les 15 ans et, même dans l’hypothèse d’un ralentissement progressif de cette croissance, en Europe tout au moins, de nouvelles pistes devront être construites, qui plus est entourées d’infrastructures adéquates. En cette matière, l’Ile-de-France a accumulé les manquements et les échecs : par exemple, on attend toujours «CDG Express», liaison directe entre la gare de l’Est et l’aéroport, les voyageurs qui renoncent au taxi et cherchent à éviter les inextricables embarras de l’autoroute A1 étant livrés sans scrupules aux sauvageons du RER. Peut-être devrait-on exhumer l’Aérotrain de Bertin, ou tout au moins s’en inspirer, étudier à nouveau les mérites de Vatry, trop loin de la capitale, certes, mais susceptible de jouer les seconds rôles.
Le constat est malheureusement inchangé : c’est l’imagination qui fait défaut, tout autant que le bon sens et l’audace. A moins que Nathalie Kosciusko-Morizet, d’ores et déjà candidate à l’élection présidentielle de 2017, nous démontre qu’elle est capable de sortir le dossier de l’ornière. Après tout, il n’est pas interdit de rêver.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: ADP)