America

Publié le 05 octobre 2011 par Litterature_blog
Cane Ridge, Kentucky, 1801. Un couple de pionniers du Far West participe à un rassemblement religieux réunissant des dizaines de milliers de personnes. Persuadés que la puissance divine va se manifester, ils sont emportés par la folie mystique qui envahit les lieux.
En 1886, dans l’Idaho, une communauté de mineurs ayant créé la ville de Solomon’s Gulch se déchire et bascule dans la folie par pure avidité.
Au début des années 1920, une équipe de baseball juive sillonne les Etats-Unis et doit faire face à l’antisémitisme ordinaire. En mal de liquidités, les Stars of David créent de toutes pièces un Golem pour attirer la foule à leurs matchs.
Les trois récits regroupés dans ce recueil plongent leurs racines au cœur du folklore américain. Religion, argent et Baseball : David Sturm revisite la sainte trinité du pays de l’oncle Sam. L’amertume est le sentiment qui traverse ces trois "nouvelles graphiques". Peuplée d’illuminés cupides, violents et racistes, cette Amérique là n’est pas belle à voir. Mais au-delà des faits avérés qui ont servi de trame à chaque histoire, l’auteur expose une vision très contemporaine de son pays. Car après tout, rien n’a vraiment changé. Et en utilisant le passé pour mieux éclairer le présent, James Sturm démontre que ces maux américains font en quelque sorte partie de l’ADN de son pays. Le propos est donc assez désespéré. Difficile de voir d’où pourrait provenir la lumière. Une œuvre atypique que certains pourront qualifier de lucide. Pas sûr pour autant que cette vision du pays soit partagée par beaucoup d’américains.
Ces trois histoires ont été réalisées à trois périodes différentes (1996, 1998 et 2001) et le fait de les réunir en seul volume permet de voir l’incroyable évolution graphique de James Sturm. Dans The Revival, la plus ancienne, le trait frôle l’amateurisme. Le noir et blanc est brouillon, les personnages semblent raides comme des poteaux, bref, c’est franchement moyen. Dans la seconde, le trait charbonneux s’affine et l’utilisation des ombres est beaucoup plus pertinente. Dans la dernière, l’évolution est encore plus palpable. Même si le trait reste épais, il se rapproche de la ligne claire et est beaucoup plus lumineux. Sans compter que l’utilisation des teintes grises donne davantage de caractère à l’ensemble. Au niveau du découpage, on est dès le départ dans une narration très maîtrisée. Je ne sais pas si James Sturm s’est beaucoup inspiré de Will Eisner, mais force est de reconnaître qu’il sait raconter une histoire en bande dessinée.
Pour finir, un mot sur le travail de l’éditeur. Un grand merci aux éditions Delcourt qui permettent aux lecteurs français de découvrir une œuvre plus proche de l’underground que des productions grand public. Une certitude, ce recueil ne fera jamais partie des meilleures ventes. Mais pour ceux qui aiment les BD singulières de grande qualité, vous pouvez foncer les yeux fermés.
PS : le swing du Golem a été récompensé du titre de roman graphique de l’année 2001 par le Time.
America, de James Sturm. Delcourt, 2011. 192 pages. 19 euros.

The revival (1996)




Cent pieds sous la lumière du jour (1998)



Le swing du Golem (2001)