Ce sont de nouvelles données à ajouter au dossier Bisphénol A (BPA) qui rappellent une autre histoire douloureuse, celle du distilbène (DES). Car le BPA peut aussi se transmettre à l'enfant pendant la grossesse et l'allaitement, selon cette nouvelle étude de la Faculté des sciences de la vie de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Ces chercheurs, qui publient dans la revue scientifique Molecular Endocrinology, démontrent, certes sur l'animal, un lien potentiel entre l'exposition de la mère et un risque accru de cancer du sein pour la descendance « fille ».
Le BPA, composant très controversé présent dans de multiples emballages alimentaires, peut aussi se transmettre à l'enfant par la mère au cours de la grossesse ou durant l'allaitement. Alors que l'utilisation de ce composant de nombreux emballages alimentaires sera prochainement interdite, ces chercheurs concluent aujourd'hui que la transmission du BPA à l'enfant ne se fait pas uniquement par contact direct du bébé au biberon par exemple, mais aussi durant la grossesse puis lors de l'allaitement si la mère a été exposée au BPA. ll est détecté dans les fluides corporels de plus de 90% de la population humaine, rappellent les chercheurs.
Les chercheurs craignaient que l'exposition à de faibles doses de BPA, définies comme inférieures ou égales à 5 mg / kg / j, puissent avoir des effets sur le développement de différents organes hormono-dépendants, dont la glande mammaire. Ils montrent ici que le BPA a des effets très précoces dès la période périnatale, comparables à ceux du distilbène (DES), un médicament donné aux femmes enceintes de 1948 à 1977 et dont les effets indésirables se sont « transmis » à 3 générations de femmes.
Les scientifiques ont regardé sur la souris si l'exposition périnatale à une gamme de faibles doses de BPA est suffisante pour modifier la réponse hormonale des glandes mammaires plus tard dans la vie, avec un impact possible sur le risque de cancer du sein. Pour imiter l'exposition humaine, ils ont ajouté du BPA à l'eau potable des souris.
Une simple dose suffit pour modifier le comportement hormonal de la glande mammaire: L'analyse des glandes mammaires de la descendance « fille » montre, à la puberté, que des évolutions ont été perturbées et que des proliférations induite par les œstrogènes apparaissent de manière dose-dépendante. Les femelles souris, devenues adultes montrent une augmentation du nombre de cellules épithéliales mammaires comparable à celle observée chez les femelles exposées au distilbène.
Sur le plan moléculaire, les chercheurs expliquent que des ARNm codant pour 2 gènes clés médiateurs de la fonction hormonale impliquée dans le contrôle de la prolifération des cellules souches mammaires et de la carcinogenèse, sont stimulés de manière accrue par la progestérone du tissu mammaire des souris exposées. Ainsi, l'exposition périnatale au BPA modifie la réponse hormonale à long terme et augmente le risque de développer un cancer du sein.
Cette étude, bien que menée sur l'animal, démontre la possibilité d'une transmission mère-fille, très précoce et sans contact direct de l'enfant avec le BPA. Car, en pratique, les souris mères qui ont absorbé du bisphénol-A, même en faible dose, ont transmis la substance à leur progéniture. L'analyse des glandes mammaires des enfants femelles à la puberté et à l'âge adulte démontre une modification des fonctions hormonales et un risque accru de carcinogenèse.
Sources: Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne « Bisphenol A exposure increase the risk for breast cancer.” et Molecular Endocrinology Published online before print September 8, 2011, doi: 10.1210/me.2011-1129 « Perinatal Exposure to Bisphenol A Increases Adult Mammary Gland Progesterone Response and Cell Number”
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