- Faut-il s’attendre à un nouvel « octobre noir » sur les places boursières ? Le prologue de la Grande Dépression de 1929, qui avait vu les marchés s’effondrer de 30%, et plus récemment celui de la Grande Récession dont les répercussions sont encore sensibles aujourd’hui, font évidemment jurisprudence.
- Toutefois, toute une série de facteurs politico-économiques en voie de stabilisation militent en faveur d’un redressement des marchés boursiers.
- Dans les deux cas, une mutation historique est d’ores et déjà en cours. La crise des dettes souveraines a imposé un nouveau modèle de valorisation boursière pour les banques, salutaire : les activités dedétail et d’investissement d’une même banque pourraient être cotées séparément en bourse…
Aujourd’hui, toute la question est de déceler la nature et la portée à moyen terme, des tendances boursières actuelles. Le rebond qui a succédé à la déroute des valeurs bancaires le jeudi 22 septembre, semble d’ores et déjà épuisé. Dès lors, sommes-nous à l’orée d’une crise désormais économique (si les soubresauts actuels des marchés financiers impactaient fortement la santé, encore relativement bonne, des entreprises) ou au contraire d’un puissant rebond à l’image de mars 2009? Les deux scénarii sont plausibles au vu des facteurs de soutien à l’économie et des craintes récessionnistes en présence :
Des indicateurs économiques et des signaux politiques encourageants
Parmi les moteurs de hausse potentiels, relevons tout d’abord la tendance récente à la normalisation des indicateurs économiques. Sur le front américain, la croissance a été révisée à la hausse pour le second trimestre (+1.3% en rythme annualisé) et le marché de l’emploi se stabilise, avec la baisse des inscriptions hebdomadaires au chômage (391 000 la semaine du 26 septembre, contre 420 000 la semaine précédente). L’ISM manufacturier en nette progression révèle même une accélération de l’activité en septembre. Même constat en Allemagne, où l’indice du climat des affaires s’est avéré meilleur qu’attendu.
D’autre part, la mise en perspective des annonces politiques est probablement le levier auquel les marchés sont le plus sensibles aujourd’hui. De ce point de vue, les derniers messages livrés publiquement semblent aller dans le bon sens. A l’échelle de la zone Euro, le Parlement allemand a approuvé le renforcement du FESF. De son côté, le gouvernement grec a réaffirmé son implication dans la mise en œuvre (concrète) des mesures d’austérité, entre privatisations, réformes structurelles et tour de vis budgétaire. La prévision du déficit public hellène pour 2011 est d’ailleurs ressorti en deçà des estimations initiales, à 8.5% (contre 10.5%). Enfin, la BCE pourrait de nouveau apporter son écot à la stimulation de la croissance, en abaissant ses taux directeurs (à 1% avant fin 2011 ?). La Fed a elle choisi d’allonger la maturités des emprunts d’Etat américains qu’elle détient , afin de lisser le coût refinancement de la dette U.S.
Ces indications démontrent que la feuille de route établie le 21 juillet dernier pour sortir de la crise de la dette est tenue. Certes, l’échéancier politique et l’impact des décisions engagées sont généralement tardifs par rapport au rythme des marchés boursiers. Il n’en reste pas moins que les avancées récentes semblent aller dans le sens d’une plus grande cohésion entre les acteurs politiques européens.
La dimension systémique du secteur bancaire, véritable talon d’Achille
Pour autant, ces améliorations ne suffisent pas à immuniser les marchés boursiers contre de nouveaux mouvements erratiques et brutaux. Le risque de contagion systémique de la crise grecque demeure vivace, dans une configuration de psychologie boursière où les hypothèses irrationnelles défient les standards les plus pragmatiques, pourtant solides.
Actuellement, la principale crainte relève du secteur bancaire. Les marchés anticipent et « pricent » le pire, c’est-à-dire une recapitalisation massive voire une nationalisation partielle des banques. L’opacité sur le bilan des banques (exposition aux actifs « pourris »), qui quoi qu’il en soit, est bien trop important (BNP Paribas représente 2 000 milliards de créances), met potentiellement en danger l’ensemble du système financier. En dégradant le marché interbancaire, mais également in fine, la santé des entreprises qui pourraient voir leurs conditions de financement et d’accès à l’investissement se rétrécir. D’où la similitude avec la situation de 2008, quand la crise financière s’est muée en crise économique.
Vers un nouveau paradigme : les activités de détail et d’investissement d’une même banque cotées séparément en bourse ?
Evidemment, gageons que les moteurs de hausse prendront le pas. Quoi qu’il arrive, il y aura un avant et un « après crise de la dette ».
Premièrement, concernant le modèle d’activité des banques : alors qu’elles se sont renflouées après la crise des subprimes, ce qui leur a permis de rembourser les gouvernements et de reprendre leurs activités, la dégringolade boursière de l’été 2011 à annoncé le changement radical du modèle de banque, dite « universelle ». A l’instar des mesures exceptionnelles prises aux Etats-Unis lors de la crise des années 30 avec l’instauration du Glass Steagall act, l’idée d’une séparation entre banque de détail et banque d’investissement fait son chemin des deux côtés de l’Atlantique. Un nouveau paradigme se construit probablement. L’activité de Financement et d’Investissement ne pourrait plus être noyée dans le bilan des banques de détail et répercutée sur le cours du titre en bourse. Il en va de la bonne gestion du risque de contagion.
Ensuite, concernant la place dévouée aux actions dans les portefeuilles des investisseurs. Déconcertés par une décennie boursière de perdue, ceux-ci diversifient de plus en plus leur allocation. De nouvelles pratiques émergent au profit d’autres supports d’investissement, tels que les CFD ou plus simplement les devises.
Car les investisseurs ont besoin de plus de lisibilité, ce que n’apportent plus nécessairement les marchés d’actions. « Octobre est un moins réputé particulièrement dangereux en bourse. Mais il y en a d’autres: juillet, janvier, septembre, avril, novembre, mai, mars, juin, décembre, août et février ». Cette célèbre maxime de Mark Twain exprime assez bien l’état d’esprit qui règne aujourd’hui en bourse.
Cette chronique est signée Fabrice Cousté, DG de CMC Markets France
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