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CULTURE
Ma femme. (d'après Maupassant)
Publié le 04 octobre 2011 par
Dubruel
À trente ans, je ne pensais pas me marier.
Je fus invité en février
À la noce de mon cousin Valande
En Normandie.
Je m’y rendis.
Ce fut une vraie noce normande.
On se mit à table à cinq heures,
On mangeait encore à onze heures.
Comme voisine, j’avais, pour la circonstance,
Une demoiselle Coraithe,
Fille d’un colonel en retraite.
C’était une jeune blondinette,
Bien en forme, hardie et verbeuse.
Toute cette journée de fête
Elle m’accapara,
M’assomma.
Je me disais : Passes pour aujourd’hui
Mais demain je file. Ça suffit.
Vers onze heures les femmes se retirèrent.
Les hommes restèrent
À fumer en buvant
Ou à boire en fumant,
Si vous aimez mieux.
À deux heures, le château dormait, silencieux,
Je montais me coucher.
Ayant trop bu, étant repu de nourriture,
Je titubais tant j’étais éméché.
Je trouvai avec peine ma serrure.
La porte s’ouvrit.
Je heurtais mon lit.
Je m’étendis et m’endormis
Un bon moment.
Je fus réveillé brusquement
Par une grosse voix
Qui disait près de moi :
-Encore couchée ? Il est dix heures, Éva !
Une femme répondait : -Déjà !
Je me demandais
Ce que cela signifiait.
Où étais-je ? Qu’avais-je fait ?
Mon esprit flottait dans un nuage épais.
-J’ouvre tes rideaux, reprit la grosse voix.
J’entendis des pas qui s’approchaient de moi :
-Qui est là ?
Une lutte effroyable débuta.
Accoururent les voisins, affolés.
On ouvrit les volets :
Je me colletais avec le colonel Coraithe !
J’avais dormi auprès de sa fille cadette.
Enfin assagi,
Le colonel s’assit :
-Quoiqu’il en soit,
Je ne vois pour toi
Qu’un moyen de te tirer d’affaire,
C’est d’épouser ma fille.
Que comptes-tu faire ?
Il me fit sortir de ma coquille :
-Mais…m’en aller !
-Ne plaisantons pas, s’il te plait.
Je vais te brûler la cervelle !
Ou tu as séduit une prude demoiselle
Et c’est tant pis pour toi
Ou tu t’es trompé, étant gris ;
Alors pour toi, c’est encore pis.
On ne se met pas
Dans d’aussi sottes situations !
En tout cas,
Ma fille est perdue de réputation.
-Dites ce que vous voulez, je ne l’épouserai pas.
Sur ce, mon oncle et ma tante discutèrent :
-Qu’il la demande en mariage. On trouvera
Le moyen de le tirer d’affaire
En négociant les conditions du contrat.
Cette perspective me soulagea.
Et j’y consentis.
Une heure après je partais pour Paris.
Le lendemain je fus avisé
Que ma demande était agréée.
Après trois semaines, bans publiés,
Billets de faire-part envoyés,
Contrat signé,
Je me trouvai dans une église illuminée
À côté d’une jeune fille pleurant
Que je regardais avec étonnement.
Au soir, j’entrai dans la chambre avec l’intention
De lui faire connaître mes résolutions,
Car j’étais le maître maintenant.
Elle vint à moi gravement :
-Je suis prête à faire ce que vous ordonnerez.
Je me tuerai si vous le désirez !
Je l’embrassai
Et fus bien récompensé.
Je suis marié depuis cinq ans.
Je ne le regrette nullement.