Le presque trop parfait Adachi garden ...

Publié le 04 octobre 2011 par Asiemute

Je viens d'entamer le livre 2 et je me rends compte que je n'ai pratiquement pas publié d'extraits de 1Q84 livre 1 "avril - juin" . Je ne suis pas déçue par cette oeuvre de Murakami, bien au contraire, je retrouve ici son écriture simple, épurée, ses personnages toujours aussi attachants et je me laisse, une fois de plus, entraîner dans son univers irrationnel, étrange et fascinant ...

"Après avoir remanié "La Chrysalide de l'Air" durant dix jours, après l'avoir perfectionnée et avoir peiné à en faire une oeuvre, somme toute, nouvelle, après l'avoir transmise à Komatsu, Tengo connut une période paisible, comme dans une bonace. Il se rendit à l'école préparatoire trois fois par semaine, rencontra sa petite amie mariée. Le reste du temps, il s'occupa de son ménage, se promena, se consacra à l'écriture de son roman. Et le mois d'avril s'en alla ainsi, les fleurs de cerisiers s'éparpillèrent, les jeunes pousses firent leur apparition, les magnolias s'épanouirent, la saison amorça une nouvelle phase. Les jours s'écoulaient sans dérèglement, sans heurt ni incident. C'était précisément la vie que souhaitait Tengo - une semaine se liait à la suivante mécaniquement, comme en continu.

Pourtant, il lui semblait qu'un changement était intervenu. Un bon. Il avait l'impression que, en écrivant, une nouvelle source jaillissait en lui. Non que l'eau en sorte à profusion. C'était plutôt une source modeste qui sourdrait d'entre des rochers. Mais, même si son débit était faible, il semblait ininterrompu. Tengo ne devait pas se hâter. Ni s'impatienter. Il pouvait attendre le temps qu'il faudrait pour qu'il y ait suffisamment d'eau dans le creux des roches et qu'il y puise avec les mains. Ensuite, assis à sa table, il n'avait plus qu'à transcrire sous forme de phrases ce qu'il avait glané. Et ainsi l'histoire avançait naturellement.

En s'absorbant sans relâche dans la réécriture de "La Chrysalide de l'Air", peut-être avait-il déplacé la roche qui obstruait cette source. Tengo ne comprenait pas très bien la raison qui avait rendu cela possible. Pourtant, par contrecoup, il était certain qu'un "pesant couvercle avait enfin été ôté". Il se sentait léger, comme s'il s'était extirpé d'un espace trop confiné. On aurait dit que ses membres pouvaient enfin s'allonger à leur guise. Le texte de "La Chrysalide de l'Air" avait peut-être activement stimulé quelque chose qui se trouvait à l'intérieur de lui depuis toujours.

Tengo constatait qu'une sorte de désir était né en lui. Il ne se souvenait pas d'avoir été gratifié de ce genre d'émotion jusque-là. Depuis le lycée jusqu'à l'université, ses aînés ou ses entraîneurs de judo lui avaient souvent répété : "Tu as l'étoffe, tu as la force, tu t'entraînes bien. Mais tu ne possèdes pas ce qui s'appelle le désir." C'était peut-être vrai. La volonté de "vaincre à tout prix" était vacillante chez Tengo. Du coup, s'il arrivait souvent jusqu'en demi-finale ou en finale, il finissait par être battu et n'avait jamais gagné une compétition importante. Il ne s'agissait pas seulement de judo. Tengo se comportait ainsi dans tous les domaines. Il était sans doute trop accommodant et ne voulait pas réussir coûte que coûte. Il en allait de même pour les romans. Ses textes n'étaient pas mauvais, il parvenait à construire des histoires intéressantes, mais pas assez puissantes pour vraiment captiver les lecteurs. Une fois la lecture achevée subsistait une insatisfaction, la sensation d'un manque. C'est pourquoi il avait souvent figuré dans la dernière sélection, mais sans jamais parvenir à être lauréat. Comme le lui avait bien fait observer Komatsu."

Extrait de 1Q84 / livre 1 / avril - juin
Chapitre 16
... que le résultat te plaise ...
MURAKAMI Haruki

Pour se rendre à l'Adachi muséum, il faut prendre le train de la gare - très bien entretenue ;) - de Matsue jusqu'à Yasugi où un shuttle bus gratuit vous conduit jusqu'au musée.  Ce musée fondé en 1980 par Adachi Zenko abrite de belles oeuvres que l'on ne peut malheureusement pas photographier et ce remarquable jardin que l'on doit se contenter de contempler derrière de grandes baies vitrées, comme autant de tableaux ... Ce lieu empreint de sérénité certes, mais si parfait, m'a laissé une impression un peu étrange : c'est pourquoi, en lisant certains passage de 1Q84 où il est notamment question de sectes, j'ai fait le lien avec le décor et l'atmosphère de l'Adachi garden ...

Photo de Adachi Zenko ... que je viens d'ajouter pour compléter mon post et j'en ai aussi profité pour rectifier quelques coquilles ;)
Quand je parlais de sectaire - sauf le respect que je dois à ce généreux mécène, cet amoureux de la nature et de la botanique (dont vous trouverez la bio en cliquant sur le lien ci-dessus) - il pourrait avoir une belle tête de gourou, non ? ^^!
Petite précision : quand je parle d'amoureux de la botanique je ne fais aucune allusion à l'Amoureux d'une certaine CB, celui-là même que j'enverrais volontiers cultiver des tulipa dans le jardin  de LB, alias mamie Zinzin  ..

En fait, je ne m'en souvenais plus du tout, mais arrivée en fin de post, je me suis rappelée que j'avais pris quelques photos en catimini à l'intérieur avec mon petit Nikon ... quand je vous disais que cet endroit était étrange ... mais bon, je ne suis pas si facile à manipuler ;)

 

Photos à Adachi Museum of Art / Yasugi / province de Shimane / Japon / 30 juin 2011