Franz Josef Czernin, né en 1952, est un des grands poètes germanophones actuels. Il est issu d’une tradition avant-gardiste autrichienne qui comprend le Groupe de Vienne, Hans-Carl Artmann, Ernst Jandl, ou Friederike Mayröcker. Sa propre expérimentation est rigoureuse, liée à une obsédante recherche de sens. Si l’art du langage doit penser pour explorer jusqu’au seuil de la métaphysique, Czernin préfère le soumettre à une analyse critique. Son écriture dense - Dichtung = poésie mais aussi « condensation » - remodèle des processus poétiques inhérents au langage : ainsi la métaphore, action de trans-poser, lui permet de relier et métamorphoser tout en réfléchissant sur le fonctionnement de cette transformation. Czernin a ciselé ses deux formes de prédilection, le sonnet et l’aphorisme, pendant une vingtaine d’années, aboutissant à deux styles semblant provenir de deux auteurs différents. Ses « sonnets des éléments » (elemente-sonette) présentent une forme baroque passée au constructivisme : des dispositifs de langage développent des méditations d’entrelacs au rythme hoquetant, en tressant les expressions idiomatiques qui contiennent un des 4 éléments (terre, eau, air, feu). Quant aux aphorismes, partant de la philosophie de Wittgenstein qui démystifie la langue courante, ils étirent les limites de la grammaire comme pour incarner les connexions de la pensée : la voix d’un auteur disparait dans une multiplication des points de vue, les citations sont clonées, la syntaxe suit une logique outrée, les phrases paraissent parler d’elles-mêmes mais pas seulement. Franz Josef Czernin ne recherche pas un absurde ironique de surface, il travaille une écriture qui peut exiger des efforts du lecteur, mais qui conduit à des réflexions, interrogations ou épiphanies, parfois d’une beauté escarpée.
Bibliographie sélective :
die kunst des sonetts, Droschl, 1985
die aphorismen. eine einführung in die mechanik, Sonderzahl 1992
gedichte, Droschl, 1992
die kunst des sonetts, 2. teil. / die kunst des sonetts, 3. teil, Droschl, 1993
natur-gedichte, Hanser, 1996
Anna und Franz. Sechzehn Arabesken, Hanser, 1998
William Shakespeare: Sonnets, Hanser, 1999 (traduction expérimentale)
elemente, sonette, Hanser, 2002
Briefe zu Gedichten, Engeler, 2003, (lettres sur la poétique, avec le chercheur Hans-Jost Frey)
das labyrinth erst erfindet den roten faden. Einführung in die Organik, Hanser, 2005
staub.gefässe. Hanser, 2008 (anthologie)
Traduction en français :
Le Labyrinthe d’abord invente le fil rouge, traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle, Grèges, Montpellier, à paraître fin 2011.
Sitographie
Entendre Franz Josef Czernin lire un sonnet de l’air, sur Lyrikline, avec le texte allemand visible et une traduction française cliquable
Visionner Franz Josef Czernin lisant en allemand le poème final (« Fanfares ») du livre de sonnets sur une petite télé :
[Jean-René Lassalle]
mardi 4 octobre 2011