[Critique DVD] Guerre et paix

Par Gicquel

Oscar® du meilleur film étranger en 1968-Golden Globe® du meilleur film en langue étrangère en 1969

Des scènes de bataille pouvant durer 45 minutes, et regrouper 120 000 figurants affrétés par l’armée russe, 300 rôles, des costumes réalisés en musées… et presque 7 heures de film  ! Fidèle adaptation de la gigantesque fresque de Léon Tolstoï, Guerre et Paix est un film démesuré, grandiose, et bien plus encore, au point qu’il est difficile d’en parler en quelques lignes. Avec un souci du détail extrême ( la longueur facilite l’exercice ), Sergei Bondartchouk ( par ailleurs l’un des interprètes majeurs de ce film ) enchaîne les scènes de batailles hallucinantes et les fresques de la vie quotidienne de la Russie du XIXe siècle. Sentiments nobles, amours, gloire, patriotisme, désillusions, rêves de grandeur, passion, alternent pendant des heures, avec un sens de la mesure et du rythme qui font aussi la grandeur de ce film.

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Des moments flamboyants pour les scènes de bal au  tragique parfaitement rendu entre l’ombre et la lumière qui se jouent d’une mort (celle du comte Bézoukhov ), le réalisateur a souvent tutoyé la grande Histoire , au point de rendre l’œuvre de Tolstoï encore plus accessible.

Avec l’anecdotique, quand il s’enfonce au cœur des rangs de militaires où chacun va de son petit commentaire. Et le clinquant des salons de Saint-Pétersbourg que l’on quitte, sans transition, pour les champs de batailles, gigantesque reconstitution dans son désordre indescriptible.

Sergei Bondartchouk a ainsi pris toute la mesure des paysages gigantesques qui s’offraient à sa caméra , pour filmer des chasses à cour pittoresques, proches de l’œuvre picturale , que l’on retrouve aussi dans la magnifique scène de la mort du prince Nicolas. Au cadre du tableau parfaitement composé, la mise en scène théâtrale cette fois dédouane le spectateur de tout attentisme suspect.

La bataille de la Moskova

Les histoires de cœur («  l’attrait poétique du désir » selon Tolstoï) ne manquent bien évidemment pas au tableau, avec ses intrigues amoureuses et ses attentes déçues ou  malmenées par les nombreuses batailles de la campagne napoléonienne.

Car le fond du récit cinématographique demeure cette incroyable aventure militaire qui conduira à la perte de l’armée française et à son retrait calamiteux dans la neige, le froid et le vent.

Le réalisme est ici de tous les instants, des villages en feu, détruits par ses habitants (Smolensk) ou Moscou laissé à l’abandon et pillé par les soldats français. Ce sont des images très fortes qui s’impriment dans votre regard, mais aussi dans votre esprit. Quelques séquences plus légères, plus reposantes aussi, détendent alors l’atmosphère. Ne manquez pas l’arrivée du commandant Koutouzov ( quasiment aveugle) dans un village perdu, et accueilli  tel un vainqueur alors que son armée, rabibochée avec les autrichiens n’arrête pas de reculer. C’est fabuleux .

LES COMPLÉMENTS


  • Sergueï Bondartchouk-DVD 2 – 14 minutes

Un portrait à travers plusieurs extraits de film (« Le destin d’un homme » …) et quelques pas dans sa vie privée ou professionnelle. Scènes de tournage,enseignement au centre cinématographique, projets, dont un certain …. «  Tarass Boulba »

  • Vie de Tolstoï-DVD 3 – 21 minutes

«  L’homme le plus complexe du XIX ème siècle »  disait Gorki qui lui rendait visite dans sa maison, telle qu’elle se visite aujourd’hui. En la découvrant,  la vie et l’œuvre de l’écrivain s’installent autour de ses principaux ouvrages dont «  Je ne puis me taire » (contre la peine de mort) «  qui sera le sens qu’il donnera à toute son existence ». Il dénoncera à plusieurs reprises  la guerre «  qui n’est pas un état normal de l’humanité ».
On l’aperçoit un court instant dans un film réalisé pour ses 80 ans, alors que plusieurs extraits de «  La défense de Sébastopol » sont repris autour d’un bastion du même type que Tolstoï commandait au moment de la guerre de Crimée

  • Sur les lieux du tournage-DVD 4 – 28 minutes

Un excellent document, que ce making of avant la lettre qui nous montre depuis les studios de Mosfilm, le travail préparatoire autour du film, le choix des  costumes, la participation de l’armée, mais aussi des scènes de répétitions, ou de  tournage, édifiantes (nous sommes en 1967), avec des caméras pilotées à distance, et des effets spéciaux qui aujourd’hui peuvent apparaître  archaïques (un pyrotechnicien est aux commandes …)

Le plus stupéfiant est peut-être d’assister au tournage d’une scène de bataille : à partir d’une grue un caméraman se retrouve dans la foulée,  sans raccord possible sur un travelling en train de filmer la suite des combats. A  l’inverse sur la scène du premier bal de Natacha l’équipe filme sur des patins à roulettes et puis le caméraman se retrouve assis sur une grue pour la vue d’ensemble. C’est ahurissant à voir et chapeau la colo !

Après quoi, ne manquez pas  la construction des décors pour Moscou avant l’incendie … « Nous cherchions une forme supérieure de communion avec le public, qui soulève en retour dans la salle obscure, une onde de créativité » commente un membre de l’équipe ….

 Prix de vente indicatif : 40€ le coffret 4 DVD

Collection Montparnasse Classiques