OrelSan – Le Chant Des Sirènes

OrelSan, qu’on avait quitté sur Perdu D’avance, et qui nous a fortement impressionné en changeant totalement de personnalité sur son single RaelSan, issu de son dernier album, nous réserve bien des surprises. Lcassetta chronique son dernier album.

Lève ton verre. Lève ton verre. Lève ton verre… Santé ! En 2009, OrelSan, jeune rappeur inconnu, sort son premier album, Perdu D’Avance. On le reconnaît alors comme un loser autoproclamé, porte parole de la génération Y, des geeks, des no life, de tous les jeunes. Il crée la polémique avec plusieurs sons, se ménageant pas sur les insultes. Il a toujours été comme ça, Orel, jamais très sérieux, gros déconneur, chacun de ses sons (ou presque) était à caractère humoristique. Son flow laissait souvent à désirer, mais il était souvent rattrapé par ses lyrics excellentes et sa production de qualité. Et là, boum, surprise. Le jeune wesh qu’on a laissé 2 ans auparavant revient avec un son engagé, un nouveau look mystérieux, sombre… Et plutôt bogosse. Il crée vite le buzz avec son single RaelSan. Qu’en est-il alors de son album, l’un des albums les plus attendus de l’année en rap français ? Que vaut ce changement aussi radical dans sa personnalité ?

Eh bien le premier constat, c’est qu’il y a beaucoup de vide. Oui, beaucoup de remplissage. L’album contient, mmh, 3-4 sons qui sont excellents. Mais vraiment excellents, un très bon flow, des lyrics de qualité, une production excellente… Des perles. Après, 3 4 sons sont “bons”. Ca s’écoute, rien de plus, rien de moins, c’est pas mauvais, on se plaint pas. Le reste est tout simplement là pour remplir. Cet album dure 1h, il y a 16 morceaux, alors qu’il aurait très bien pu être un simple EP. Mais le plus frustrant c’est qu’on sent qu’OrelSan ne se foule même pas, il n’essaye même pas de nous fournir de la qualité, car il a un potentiel énorme ! S’il le voulait et s’il s’investissait il nous sortirait 15 sons aussi bons que RaelSan ou Suicide Social. A la place, il nous tease avec ses singles, se fait un délire sur quelques sons et crache n’importe quoi de manière presque fatiguée sur des mauvais beats. C’est du gâchis dans un sens…

On appréciera le fait qu’il chante moins, qu’il y aie moins d’autotune, car franchement ça lui réussissait pas. Son flow est toujours aussi moyen en général, même si, quand il veut, il le travaille pour le rendre très bon, comme sur RaelSan, 1990, Ils sont cools, etc. Dommage que ce flow soit trop fatigué sur des sons comme Des trous dans la tête, La petite marchande de portes-clefs, etc. Heureusement comme sur le premier opus, la production et les lyrics rattrapent le tout… Sauf sur certains sons. C’est le cas de Mauvaise idée, qui est juste un son avec zéro musicalité. mauvaise idée. Le beat dubstep  (très mauvais d’ailleurs) est inutile, casse son flow, et est mal craché/commercial, c’est un peu le Who Gon Stop Me (de The Throne) d’Orel. Les lyrics sont dignes des blagues sur les pages facebook ou des plus mauvaises VDM, c’est très peu original. Le “mauvaise idée” en plein milieu de chaque phrase rend son flow juste tout décalé… Imaginez, que de manière aléatoire, un “bzzzt ! Mauvaise Idée” coupe chacune de ses phrases, le beat, etc. Ca empêche le rythme, ça casse le flow, etc.

Dommage que la majorité des sons soient si “faibles”… La petite marchande de portes-clefs a un refrain insupportable(une voix nasillarde qui chante une comptine pour enfants : non merci), un flow qui s’ennuie, des lyrics faciles… Le chant sur des sons comme Si Seul ou La Terre est Ronde est mauvais, et le concept même de ces sons est banal, ennuyeux.

Pourtant, OrelSan a fourni énormément d’efforts dans certains de ses sons. On sent qu’il fait part de plus de maturité, et qu’il a un potentiel énorme qu’il révèle dans quelques sons. L’excellent Suicide Social en est la preuve. C’est un son au concept excellent, de clasher tout le monde (tout le monde, vraiment tout le monde) en tant que lettre d’adieu car il se suicide. Les paroles sont très profondes, très belles, le beat très triste, et son flow maîtrisé à la perfection. Une lassitude presque triste au début, des piques de violence, des pleurs, et énormément d’émotion.

On appréciera les moments funs de 1990, qui est un hommage au rap old school. On s’y croirait vraiment, le beat très bien manié nous rappelle les meilleures heures de DJ Premier, son flow est presque parodique mais très bien mené, et les lyrics nous rendent nostalgiques. Son voisin 2010 part dans un délire digne de Deltron 3030 avec son beat futuriste et excellent, ses lyrics de mini Raelsan, avec des références geek et un flow pas mauvais.

La perle de l’album est de facto RaelSan. Avec son beat très sombre, presque épique, original et très bien mené, Orel délivre des lyrics tranchantes, engagées, fines et magnifiquement bien écrites, faisant des références culturelles très variées, se comparant à Ulysse (notez le titre de l’album), Rael, Noé, Ponce Pilate… et avec un flow presque parfait. Ses messages de rébellion, de révolution, sont accompagnés de messages dignes du porte parole de la jeunesse qu’il était dans son premier album : J’suis d’retour avec ma sous-culture, ouais, sauf que c’est nous le futur… C’est nous l’futur ! Beaucoup de punchlines de qualité, c’est du lourd.

En bref c’est exactement ce genre de sons qu’on attendait et qu’il ne nous a pas livré. Au final ce chant des sirènes ne nous séduit pas autant qu’Ulysse. Néanmoins l’album reste bon, malgré beaucoup de moments de faiblesse, grâce à la maturité d’OrelSan, à la production très variée de Skread, et car ça fait quand même toujours plaisir d’écouter ses lyrics. Donc même si OrelSan n’a rien révolutionné, on sait qu’il a quand même un potentiel énorme. 7.2/10

Simoh (Si Mohammed El Hammoumi)

Etudiant de 17 ans, geek et passionné de musique underground. Je suis très ouvert, je suis très éclectique. Ça se ressent. La musique m'inspire, mes articles sont souvent longs en conséquence, mais c'est pour vous faire ressentir ce que je ressens. Pour vous servir. Swag.