« Ce n’est pas la valeur de l’objet aimé qui gouverne ou justifie l’amour; c’est l’amour qui donne de la valeur à l’objet », André Comte-Sponville

Par Bgn9000

Page 70, de la transcription de la séance des questions / réponses qui a suivi la conférence « Le bonheur, désespérément ». Il précise que, sur ce point, Jésus et Spinoza se rejoignent. Après « Socrate, Jésus et Bouddha », il semblerait que l’on pourrait inclure Spinoza. D’ailleurs, à ce propos, le professeur André Comte-Sponville nous précise un autre sujet qui a fait l’objet d’une note précédente à l’époque de ma lecture du très instructif livre de Frédéric Lenoir, « Éros, Philia et Agapé » : « Pas forcément la passion amoureuse, pas le manque, pas l’amour qui prend, qui veut posséder, garder, mais l’amour qui se réjouit et partage. Les Grecs ne l’appelaient pas éros mais philia. Les Grecs plus tardifs – en réalité des Juifs qui parlaient grec pour se comprendre du monde – appelaient cela agapè, que les Latins traduiront par caritas et nous par charité ». André Comte-Sponville va un peu vite en besogne, déjà pour le peu que je connaisse Éros était employé du temps de Socrate puis Philia par Aristote, plus tard. Toutefois, je note le lien entre agapè, qui est, d’après ce que je sais, une notion d’amour introduite par Jésus, et charité, chrétienne que je rajoute comme allant de soi dans mon vocabulaire usuel, fruit de mon éducation et d’une certaine génération. En tout cas, j’aime bien cet André Comte-Sponville enflammé que l’on retrouvera dans la note qui suivra celle-ci et qui n’est pas encore écrite, encore dans le domaine de l’éther, entre le néant et l’existence : « le contenu vrai du bonheur, c’est la joie », la mélodie de Charles Trenet résonne dans ma tête, « quand on se réjouit de, c’est ce que l’on appelle l’amour… Aimer c’est se rejouir », autant de belles paroles pour l’auteur du « Traité du desespoir », encore une étiquette que l’on colle au prochain que l’on devrait aimer au moins d’un amour philia (ami philosophe) ou mieux d’un amour agapè.

« Pourquoi aimez-vous vos enfants tellement plus que ceux des autres ? Parce qu’ils sont plus aimables ? Non, c’est au contraire parce que vous les aimez davantage qu’ils le sont, pour vous, plus aimables que les autres. L’amour crée la valeur, bien plus qu’il n’en dépend », page 71, et il a parfaitement raison cet André Comte-Sponville libéré de sa charge de Maître en Philosophie. Il suffit de voir ce que le Star System nous vend, notamment dans le domaine musical. Certains rappelleront que l’espérance se cache derrière toutes nos passions amoureuses, mais dans ce cas il s’agit d’un amour différent comme le précise André Comte-Sponville dans les citations qui précédent. Et il va plus loin, trop loin exprès, cela nous rappelle nos rituels lors des vœux de nouvel an, il nous donne à envisager un possible rendu impossible par notre nature humaine, mais dans tous les cas un bonheur plausible, seule sa pérennité est impossible, comme le sont les jours de beau temps, comme le plaisir permanent est impossible ou plutôt je rajouterais à ses propos que ce changement, cette impermanence, est nécessaire pour apprécier, car même l’Eden ne fut pas un paradis terrestre pour l’homme, il avait besoin de continuer à grandir : « s’il y avait un bonheur vrai, un bonheur libéré, détaché de soi, de la possession et donc de la peur de perdre, un bonheur sans angoisse… ce bonheur serait du côté de l’amour universel… Le paradoxe c’est que tout, pour nous, ce n’est pas assez :  nous passons notre temps à désirer autre chose que ce qui est. C’est-à-dire, exactement, à désirer autre chose que tout ! ». C’est pour cela que l’homme est un animal denaturé comme le disait Rousseau et comme je l’ai développé quelques notes plus tôt, quelques mois plus tôt. Nous ne pouvons pas nous contenter de ce que l’on a, car une irrépressible nécessité d’adaptation, d’évolution, de remise en cause, nous pousse à bousculer nos acquis et les fruits que Mère Nature met à notre disposition. Nous ne sommes pas capables d’éprouver sur la durée un amour universel, non pas par incapacité intellectuelle ou par manque de discernement ou même par défi. Tout simplement, et ce n’est pas si simple, parce que l’homme ne peut s’y résoudre, ce serait comme abandonner la course, la compétition, contre qui? Contre lui-même.

23 septembre 2011

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