Article de RichardTrois :
Souvenez-vous, c’était en 2008 avant le congrès de Reims qui a placé Ségolène Royal en tête des votes, voilà ce que disait un sondage OpinionWay : « 49 % pensent que le maire de Paris sera le prochain premier secrétaire du PS, contre 18 % seulement pour l’ancienne candidate à l’Élysée. »
Bref, Bertrand Delanoë aurait dû devenir premier secrétaire du PS.
Souvenez-vous, c’était le 11 avril 2002 et l’institut CSA donnait « Lionel Jospin à 19% et Jean-Marie Le Pen à 12% ».
Bref, ce dernier n’aurait jamais dû être présent au second tour de l’élection présidentielle de 2002 (ça, aucun sondage, sur les 65 réalisés de janvier au 16 avril, ne l’avait prédit). Et même, Lionel Jospin aurait dû être élu président de la République.
Souvenez-vous, c’était en janvier 1995, l’IFOP indiquait qu’Édouard Balladur « maintenait son avance » et qu’il allait faire « 30% au premier tour » et « 64% au second » ! Selon un sondage Sofres de janvier 1994 il devait même gagner « dès le 1er tour » !
Bref, Édouard Balladur aurait dû devenir président de la République.
Et l’Histoire fourmille de bien d’autres exemples. En 1981, François Mitterrand n’aurait jamais dû gagner l’élection présidentielle.
En 1997, Lionel Jospin n’aurait jamais dû devenir premier ministre.
En 2001, il y aurait dû avoir une « vague rose » aux municipales.
En 2007, 60 députés socialistes n’auraient pas dû être élus aux élections législatives.
Mais que dire de la méthodologie des sondages actuels ? Il suffit de lire l’Observatoire des sondages. Un tel niveau de supercherie a été atteint qu’on se demande s’il s’agit d’incompétence ou de tromperie, les deux sans doute :
En moyenne, ces sondages portent sur seulement une centaine de personnes « qui iront certainement voter », soit sur un échantillon considéré comme totalement non fiable. Vous noterez au passage que dans le langage courant « certainement » n’est pas « certain ». « Fera-t-il beau demain ? Certainement. Mais ce n’est pas certain ».
Selon les échantillons retenus, une cinquantaine de personnes « préfèrerait voir François Hollande devenir président », une trentaine « voir Martine Aubry », une vingtaine « voir Ségolène Royal »…
Et ce sous-échantillon est tout sauf représentatif d’un corps électoral totalement inconnu.
La question posée par les sondeurs ne porte pas sur une intention de vote (« pour qui allez-vous voter ? ») mais sur la préférence (« quelle est la personnalité que vous préfèreriez voir investie par le PS ? »). Autrement dit, un certain nombre de réponses va forcément vers le « favori » médiatique, établi par les sondages précédents.
Les lignes de téléphone mobile ne sont pas sondées ou très peu et de façon non scientifique : apparemment, pour les sondeurs, ça n’existe pas les jeunes (ou les moins jeunes d’ailleurs) qui n’ont pas (ou plus) de ligne fixe.
Nous avons « droit » à des sondages sondages « très spécifiques« , comme ceux nous expliquant le lendemain d’un débat « qui a été le plus convaincant ». Là encore, la France est championne de la commande. Ces sondages spécifiques servent clairement à imposer une vision de la réalité en éclipsant au maximum les idées et la question politique du programme. Ça avait déjà été le cas en 2007 après le débat d’entre deux-tours.
Ce qu’on oublie trop souvent que le sondage est la rencontre, l’alliance de quatre catégories d’acteurs qui ont de puissants intérêts en commun : les entreprises de sondages, certains politiques, certains dirigeants médiatiques et certains politologues. Tout média qui commande un sondage et le publie est aussitôt cité dans les autres journaux, radios et télévisions ; le sondage lui sert de publicité, laquelle est en même temps une publicité faite au profit des sondeurs. Les entreprises de sondages politiques acquièrent grâce à lui une notoriété, qui leur permet de décrocher des contrats pour d’autres enquêtes, industrielles, commerciales venant de grands groupes. Et tout sondage politique publié est aussitôt intégré dans le système médiatique qui agit en caisse de résonance et incite le monde politique à en tenir compte. Un sondage favorable à un candidat à la Présidentielle ouvre aussitôt l’épisode des ralliements réels ou présumés.
La prolifération d’enquêtes électorales comme celle qu’on connaît actuellement est le révélateur de l’existence d’un système intéressé et de la volonté d’imposer un candidat qui soit proche du pouvoir capitaliste, de « l’establishment », peu enclin à déstabiliser certains grands lobbies.
D’ailleurs, il suffit d’aller voir un peu les entourages des deux actuels « pseudo-favoris » pour en avoir la confirmation. Comme se plait à le rappeler MediaPart, François Hollande est soutenu, au moins implicitement, par Élie Cohen (libéralo-conservateur), Jean-Hervé Lorenzi (qui préside le bien pensant « Cercle des économistes »), Maurice Lévy (patron de Publicis), l’économiste Gilbert Cette qui préconise la fin du SMIC, et même explicitement par le banquier Jean Peyrelevade, par Jean-Pierre Jouyet ancien ministre de Nicolas Sarkozy et président de l’Autorité des Marché Financiers, etc …
De son côté, Martine Aubry a invité l’an dernier à ses 60 ans Alain Minc, conseiller de Nicolas Sarkozy et des grands patrons. Enfin, ces deux « pseudo-favoris » sont membres du désormais célèbre club « Le Siècle » (Manuel Valls en est également) et qui réunit des « personnalités de la classe dirigeante française » (dixit Wikipédia).
N’oublions pas que les sondages peuvent même parfois être carrément manipulés. Frédéric de Saint-Sernin, conseiller auprès de Jacques Chirac a avoué avoir commis deux manipulations et lancé la rumeur d’une possible victoire de Lionel Jospin en 1995 pour remotiver les électeurs de droite. Pour la même élection, Jean-Marc Lech, conseiller en opinion auprès de Jospin, avait d’ailleurs agi pareillement et invoqué de faux sondages pour relancer la dynamique Jospin.
Un dernier point : les sondeurs relèvent toujours dans leurs études de très nombreux « qui ne se prononcent pas », surtout parmi les populations assez précarisées ou qui se sentent déclassées. Aujourd’hui cette réalité sociale qui concerne une majorité de Français n’est absolument pas prise en compte. Tout semble plutôt indiquer que les partis en font abstraction, notamment le Parti Socialiste, qui à l’exception de Ségolène Royal, parait ne pas se soucier de cette « France d’en bas » et préfère surfer sur les bons sondages et séduire la minorité qui les alimente. Seulement voilà, cette »majorité invisible », perçue comme abstentionniste par les sondages, alors qu’elle « ne se prononce pas », se déplace in fine et en grande partie pour voter – comme c’est le cas à chaque fois.
Si vous aussi, vous êtes vaccinés contre de cette overdose de sondages (37 à ce jour pour les seules primaires !), venez voter, seule votre voix comptera !
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