Le pauvre Jean-Louis Borloo a annoncé hier avec l’air contrit des lendemains de cuite qui ne pardonnent pas, qu’il renonçait à se présenter à l’élection présidentielle, quitte à « rendre triste » Rama Yade. Comme pour les primaires, je m’en bats les flancs avec ferveur, mais ses excuses moisies ont au moins un avantage. Premièrement, cela prouve que Borloo et son alcoolyte , pardon son acolyte Hervé Morin sont toujours des gros mous de droite qui reviennent à la niche dès qu’on tire sur la laisse. Deuxièmement, celà prouve que l’ex-ministre de l’Ecologie aussi écolo que je suis radical valoisien ne comprend toujours rien à la politique puisque « la dynamique des centres » qu’il attendait est bel et bien en train de se réaliser, elle porte même un nom: le Parti Socialiste.
Tous ceux qui auront réussi à ingérer un seau d’ecstasy pour suivre sans s’assoupir le deuxième débat des primaires qui fut aussi passionnant qu’un match de l’équipe de France de rugby auront remarqué que François Hollande, le favori des sondages, est favori précisément parce qu’il se comporte comme un centriste cotonneux et aboulique en refusant obstinément de prendre la moindre position tranchée. Le futur « président normal » a troqué son humour, sa bonhomie et ses convictions déjà pas très violentes pour une posture rigide de constipé chronique qui ne veut se fâcher avec personne. Encore une fois, pas de quoi se relever la nuit, le terme « normal » renvoie bien à la norme rassembleuse, démagogique et vulgaire qui est l’apanage d’un scrutin aussi personnifiant que la présidentielle. Mais il y a quand même des cas qui donnent envie de prendre le député de Corrèze par les épaules, de le secouer et de lui faire gober de force une douzaine de kilos de pruneaux et de laxatifs pour qu’il retrouve une personnalité. Ainsi, le Comité Radicalement Anti Corrida (CRAC) a fait parvenir à tous les candidats à la primaire un texte leur demandant de prendre position sur cette « tradition » presque aussi sanguinaire que la lutte entre les Bettencourt mère et fille. Plus tôt dans l’année, deux députées, Geneviève Gaillard (PS) et Muriel Marland-Militello (UMP) avaient soutenu un projet de loi à l’Assemblée visant à l’interdiction de la corrida et autres festivités viandardes impliquant des animaux. Elles ont malheureusement oublié d’y inclure la chasse et la pêche, mais c’est déjà un début. Un peu plus tard, c’est un sénateur socialiste qui a avancé une proposition de loi visant aux mêmes fins, j’espère qu’il a conservé son siège et je souhaite même qu’on ne conserve que le sien et qu’on le laisse finir sa sieste quand on supprimera le Sénat.
Le CRAC a également lancé une pétition pour empêcher que la corrida soit inscrite au Patrimoine immatériel de la France, qui a déjà recueuilli près d’un million de signatures. On voit donc que la cause ne mobilise pas que des gauchistes enragés, et que M. Hollande n’aurait pas eu un gros effort à faire pour mobiliser un atome de conviction et aposer son auguste paraphe au bas de cette pétition pour qu’enfin le taureau broute paisiblement dans sa Camargue natale au lieu de servir de souffre-douleur à une bande de pervers sadiques tellement incultes qu’ils prennent ça pour un art. La missive de François Hollande commençait pourtant bien, il s’affirmait sensible à la cause taurine, et remarquait avec justesse que le degré d’humanité d’une civilisation se mesurait aussi au sort qu’elle réserve à sa faune. Mais soudain revint à son esprit formaté pour les élections que contrairement aux taureaux, les aficionados avaient une carte d’électeur; il en déduisit que malgré son amour des bêtes, on ne revient pas si facilement que ça sur une tradition de « près de deux cents ans » (c’est lui qui le dit, les tribunaux disent à peine un siècle, mais ça doit être comme les 60000 enseignants à recruter, un signe que la croissance va revenir), et qu’il existe des alternatives comme la corrida portugaise où la bête n’est pas mise à mort en public. Mais elle est mise à mort quand même. Et l’on commence à se demander, si François Hollande eut été à la place de Robert Badinter en 1981, s’il aurait eu le courage de supprimer la peine de mort qui était une tradition pratiquée depuis bien plus de deux cents ans. Borloo attend la dynamique des centres, et moi j’en connais un qui va alimenter la dynamique des abstentionnistes.
Dans un prochain épisode, nous proposerons à tous ceux qui comparent la concurrence politique à une arène d’aller se faire trouer le cuir à coups de banderilles, et ils verront qu’il ne s’agit en fait que d’une bataille de polochons.