L'élection de Jean Pierre Bel à la présidence du Sénat a démontré la capacité de l'ensemble de la gauche à porter un même homme à la présidence d'une institution aussi centrale que le Sénat. Ou plutôt, elle a montré qu'elle était capable de se rassembler contre la droite. Car loin de constituer une résurrection la gauche plurielle, elle a surtout rappelé le poids écrasant du Parti socialiste à quelques mois de la présidentielle.
L'ARRIVÉE DES ÉCOLOS ET LE RECUL DU FRONT DE GAUCHE
Il y a peu, Jean Luc Mélenchon rappelait aux écologistes qu'il constituait, avec le PCF, la seconde force de gauche, après le PS. Une manière de calmer l'appétit électoral d'Europe écologie - les verts (EELV). Ceux ci sont pourtant parvenus à accroître leur présence au Sénat avec dix sénateurs. Tandis que les élus écologistes revendiquent la possibilité d'installer leur propre groupe au Palais du Luxembourg, les élus Communistes et sénateurs du Parti de gauche voient leur cercle rétrécir de quelques élus. Sur 19 élus renouvelable, le Front de gauche en retrouve seulement 17. En cause, le rapport de force avec le PS, mais aussi un manque de clarté au PCF dans la préparation de ces sénatoriales.
LE CAS ROBERT HUE
Sur ses seize élus renouvelables, le Parti communiste perd deux sièges, tombés dans le giron des socialistes. Interrogée en direct sur le plateau de Public Sénat le soir de l'élection, la chef de fil des sénateurs communistes, Nicole Borvo Cohen-Seat, a déclaré "regretter" cette situation. Et pour cause : si la gauche a profité de l'augmentation du nombre d'élus communistes et du PG depuis 2007, cette évolution a surtout profité au Parti socialiste qui s'impose aujourd'hui comme le mastodonte de la gauche, aux dépends du PCF, mais aussi du PG qui parvient à peine à reconduire ses deux élus.
Et puis, un troisième siège a lui aussi discrètement échappé au Front de gauche, dans des conditions autrement plus rocambolesques. C'est celui de Robert Hue. Le sénateur du Val d'Oise, fondateur d'un nouveau mouvement, le MUP, avait intégré la liste socialiste lors des dernières régionales en Île de France. On pensait que l'ancien patron du PCF s'était de fait éloigné de son ancien parti, au profit d'une relation intimiste avec le PS. Pourtant, c'est bien la place revenant au Front de Gauche que le sénateur a conservé, dans la liste d'union de la gauche du Val d'Oise. Élu dans une case communiste, le sénateur n'est pourtant pas comptabilisé comme tel dans le communiqué du PCF, au soir de l'élection. Probablement le PS aura-t-il fait valoir la légitimité du sortant, dans un département où le PCF ne peut prétendre à une grande reconnaissance. Pourtant, c'est bien ici un troisième siège que la rue de Solférino semble dérober aux communistes. D'autant que du côté du colonel Fabien, on juge "peu probable" un retour de ce soutien de François Hollande dans les rangs du groupe communiste au Sénat.
Si le PCF s'est largement reconnu dans la victoire de la gauche au Sénat, le PG a quant à lui fait preuve d'un silence radio étonnant. Question de discipline… et de diplomatie ? À huit mois des présidentielles et des législatives, le Front de gauche avale Bel et bien de travers cette séquence électorale, et mise sur avril prochain pour, à son tour, voler la vedette au Parti socialiste.