Une semaine après Et maintenant on va où ?, une autre fable sort sur nos écrans, prenant pour contexte un autre conflit communautaire du Proche-Orient. Si l’humour et la construction du Cochon de Gaza sont sans doute plus grossiers que ceux du film de Nadine Labaki, le portrait proposé est finalement plus subtil et plus juste. On adhère.
Synopsis : Quand un pêcheur palestinien de Gaza remonte dans ses filets un cochon, il ne sait comment se débarrasser de l’animal impur. Il se lance alors dans un commerce rocambolesque…
Le Cochon de Gaza se présente d’abord comme une comédie burlesque. Les gags absurdes se frottent à la réalité du contexte, le conflit israélo-palestinien, comme pour mieux souligner la stupidité d’une situation politique catastrophique. L’apparition d’un cochon vietnamien bouleverse l’équilibre précaire de Jafaar, pêcheur palestinien, et de toute sa communauté, puis celui de la colonie juive qui est installée non loin de là. Ce porc est à la fois le symbole de l’instabilité d’une région dans laquelle le moindre obstacle devient insurmontable, et celui du lien qui peut exister entre les deux peuples qui se font la guerre.Si le comique grotesque est parfois poussif, on est séduits par le propos qui renvoie dos à dos les deux communautés : d’un côté, les palestiniens sont guidés par des fous de Dieu, terroristes impitoyables et manipulateurs; de l’autre, les israéliens s’installent dans les maisons palestiniennes et luttent avec leur armée contre une population démunie. Fuyant ces intégristes tyranniques et ces militaires arrogants comme Charlot fuyait dans Les Temps modernes les bons petits soldats du capitalisme, Jafaar le palestinien et Yelena l’israélienne essaient simplement de survivre, de préserver leurs idéaux a priori contradictoires mais qui pourraient se retrouver si leurs peuples parvenaient à la paix.
Malheureusement, cette paix ne dépend pas d’eux. Individus perdus dans la marche terrible de l’histoire, faite de haines, de pleurs et de sang, Jafaar et Yelena ne peuvent que commencer par comprendre qu’ils ont plus de points communs qu’il n’y paraît. Alors seulement, peut-être un jour, les collectivités pourront elles aussi se comprendre, dans une utopie qui clôt le film de manière certes allégorique, mais cette touche d’humanisme presque naïf semble plus que jamais nécessaire aujourd’hui.
Sylvain Estibal livre un film d’une grande sincérité, qui égratigne tantôt les uns tantôt les autres, qui sait montrer les drames et les peurs de chacun des deux peuples, qui ne prend jamais vraiment partie, si ce n’est pour une réconciliation à l’échelle des individus pour que la paix soit rendue possible à l’échelle nationale. La farce se transforme peu à peu en fable et la fin du film rappelle celle du chef d’œuvre d’Emir Kusturica, Underground. On excuse alors les quelques lourdeurs potaches et le manque de finesse de certaines situations, notamment dans le premier tiers du film, et on se laisse séduire au fur et à mesure que l’histoire avance par cette barque au milieu de la mer dans laquelle un couple palestinien, une femme et un enfant juifs se disputent, se crient leur incompréhension, et finissent par s’endormir paisiblement.
Note : 6/10
Le Cochon de Gaza (titre original : When Pigs Have Wings)
Un film de Sylvain Estibal avec Sasson Gabai, Baya Belal et Myriam Tekaïa
Comédie – France, Belgique, Allemagne – 1h39 – Sorti le 21 septembre 2011