Magazine Culture
Studio des Champs-Elysées
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Textes de Guy Carlier et François Rollin
Mise en scène de François Rollin
Le propos de François Rollin : « Si on me demande de définir Guy Carlier en un mot… je commence par me débattre en arguant que ce genre d’exercice est toujours réducteur… et puis, si on insiste, je lâche le mot « charismatique ». Le charisme, nous dit le dictionnaire, c’est la « qualité d’une personne qui séduit, influence, voire fascine les autres par ses discours ». Exactement ce que fait Guy sur les planches, comme il le faisait à la radio ou à la télévision…
Mon avis : Si j’étais flémmard, je me contenterais d’acquiescer au propos de François Rollin car sa parole professorale fait autorité. En matière de one-man show, il sait de quoi il parle… En même temps, je me dis que le mot « charismatique », pour adéquat et justifié qu’il soit, s’avère quelque peu réducteur lorsqu’on assiste au soliloque de Guy Carlier.
Personnellement, j’y ajouterais « tendre », « nostalgique » et « enfantin ». Attention, pas dans le sens de puéril, mais dans le sens noble du terme car Guy a toujours gardé intactes ses facultés d’admiration et d’émerveillement. L’homme que l’on voit sur scène n’est que le fidèle prolongement du gamin d’Argenteuil. Comme un petit garçon, il rêve, il exagère, il se moque, il est cruel, il est fragile, il agace, il émeut…
Son one-man show, je l’aurais appelé « Ici, hier et maintenant »… En raison justement de cette grande part de douce nostalgie qui l’habite. Ne vous attendez surtout pas à vous retrouver au Studio Méchant Déguisé. Si vous êtes attiré uniquement par le côté acéré et vipérin de la langue de Guy Carlier, vous risquez d’être déçu.
Quand on connaît Guy Carlier, on sait qu’il est avant tout une montagne d’amour et de tendresse. Ce qu’on ne peut voir à la radio, c’est la gentillesse de son regard. Bien sûr, on est allé le chercher et on l’a payé pour qu’il profère sur les ondes son lot de vacheries, mais ce n’est qu’un jeu de sa part. Guy a la langue et la plume bien plus agiles que le corps. Comme le gosse cité plus haut, il adore dire des gros mots, balancer des vannes, se moquer de son prochain, se payer quelques têtes de Turc… Il est comme tout le monde, le talent d’écriture en plus. Et il se révèle être un sacré conteur.
Après un prologue sarcastique de François Rollin, Guy effectue son entrée, ou plutôt sa « cascade » pour venir sur le devant de la scène. Dès ses premiers propos, on devine quel va être le ton de son spectacle. Guy ne joue pas les faux modestes. Il l’est réellement. Même s’il est très fier des cadeaux que le destin lui a faits il s’en émerveille sans s’en rengorger… Il ne hausse pas le ton. Avec sa voix douce et modulée, il s’adresse à chacun de nous comme si nous étions son confident. Car c’est sa vie qu’il nous raconte le Guy. Son spectacle est totalement autobiographique. Après s’être débarrassé avec beaucoup d’autodérision des inévitables réflexions que suscite son physique, il se lance dans son stand-up. Et il se raconte : ses premiers émois amoureux, les boums, la colo, le bal… puis ses premières expériences radiophoniques, son séjour en clinique diététique, son passage à la télévision. Dans tout ce qu’il narre, il passe habilement d’une plage joliment poétique à une digression scato. Quand il parle cul, il parle cul. Mais, dans sa bouche, ce n’est jamais cru ou vulgaire. Il a le cul sain.
Pour la partie proprement vannes, il s’amuse à nous faire un peu languir. Il en distille ça et là quelques unes pour nous exciter l’appétit. Il ne commence ses attaques a nominem que lorsqu’il aborde le chapitre TF1 et, plus particulièrement, celui qu’il appelle « la bétaillère ». Via ses fiches actualisées, il évoque le cheptel politique, passe des veaux de la Une aux vaches sacrées, aux soi-disant intouchables, et rend hommage à quelques personnages qu’il admire tout particulièrement.
En fait, il est comme nous Guy Carlier. Il a ses têtes. Il caresse et il donne un coup de gueule…
De toute façon, il y a belle lurette que je suis devenu un « carlieriste ». Je suis convaincu que cet homme préfère de loin le rêve à la réalité. Ses rêves, il les a pratiquement tous accomplis. Sa réalité, elle ne lui convient pas parfaitement. Alors son cerveau se met en position de fœtus et il se retrouve en culotte courte en compagnie de ses idoles, les footballeurs, les rockeurs et les musiciens. Zidane, Johnny et Miles Davis. Avec eux il se sent bien.
Guy Carlier nous offre un grand moment de partage. Son spectacle est une sorte de sacrifice humain dans lequel il se donne tout entier avec une honnêteté sans faille. Après, à nous de faire ce que l’on en veut. Nietzsche a écrit : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Et Johnny l’a chanté par la grâce de la plume de Guy. Or, il peut sans vergogne le prendre à son propre compte cet adage car, aujourd’hui, après avoir cherché inconsciemment à se tuer lui-même, il est devenu vachement fort…