Chronique du lundi 3 octobre 2011.
La 1ère phase de la compétition prend fin, il est temps de tirer un premier bilan sur les forces en présences et de se projeter sur les quarts de finale…
Des petits de plus en plus gros :
Le premier enseignement de cette coupe du Monde c’est que les petites nations sont capables de rivaliser physiquement avec les grosses. Que ce soit la Georgie, dont la dimension physique ne cesse d’impressionner, le Canada, revenu à un niveau égal à celui de 1991, ou même la Russie et les Etats-Unis, la préparation physique a été bien réalisée et ces nations se sont battues les armes à la main, rendant les rencontres plus intéressantes et obligeant les gros à se dépasser pour les battre. Du coup, si l’on rajoute les performances de l’Ecosse et de l’Italie, éliminées seulement sur un dernier match couperet, la 1ère phase a été plus indécise et intéressante que prévue. Seul élément de désappointement, le parcours irrégulier du Tonga qui, sans sa défaite face au Canada, serait aujourd’hui qualifiée et des Fidji, incapables d’exprimer leur jeu malgré des joueurs de talent.
Une surprise qui en appelle d’autres :
En battant l’Australie, l’Irlande a réalisé la grosse surprise de ce début de Tournoi. Et c’est très bien ainsi. Il est important que le rugby ne soit pas un sport où, quoi qu’il arrive 5 nations, toujours les mêmes, dominent le monde. Le sport appelle l’inattendu et une Coupe du Monde doit en apporter. Dommage que les gens de l’IRB ne l’entende pas ainsi, eux qui protègent le parcours des nations majeures en obligeant les petites à accumuler les matchs avec des temps de récupération très courts là où, pour les nations majeures, le temps de récupération est beaucoup plus conséquent.
La France a, bien sûr, permis au Tonga d’ajouter une 2ème surprise à la compétition, mais on peut regretter que cet aspect n’ait pas été renforcé par la victoire du Pays de Galles et / ou des Samoas sur l’Afrique du Sud, ce qui aurait donné encore plus de retentissement à une hiérarchie non établie. En plus de s’ouvrir sur de nouvelles nations, le rugby a besoin de montrer que plus de 4 équipes dans le monde peuvent prétendre au titre de champion du monde.
Vers une finale Nouvelle-Zélande – Pays de Galles ?
Le grand favori néo-zélandais est au rendez-vous, on l’a vu contre la France, même si, à l’issue de ce match, il garde une marge de progression encore importante. Bien sûr, la très mauvaise nouvelle du week-end est le forfait de Dan Carter jusqu’à la fin de la compétition. S’il y avait un joueur qui ne devait pas se blesser, c’était bien l’ouvreur néo-zélandais qui, en plus d’être une référence mondiale à son poste, ne possède pas de doublure réelle. Les néo-zélandais sont évidemment sous le choc, mais je les crois capable, avec la qualité de cette équipe, de passer outre ce coup du sort.
J’ai tendance à penser cela en partant du fait que, pour être championne du monde, cette équipe n’a besoin que de réaliser 1 match de très haut niveau, en demi-finale. En effet, en quart de finale, la Nouvelle-Zélande devrait sortir sans trop de problème une Argentine vieillissante qui a déjà perdu Fernandez-Lobbe sur blessure. Si les avants Blacks arrivent à prendre le dessus sur leurs adversaires, le match devrait basculer rapidement en leur faveur. En finale, à nouveau une équipe Européenne trop contente d’être là. L’Angleterre ? La puissance ne fait pas une équipe. La France ? La revanche ne fait pas un champion du monde. L’Irlande et le Pays de Galles seraient, eux, trop ravi et surpris d’être à ce niveau pour vraiment tenir la distance. Non, les Blacks se doivent juste de sortir LE grand match en demi-finale contre des Sud-Africains ou des Australiens qui les ont déjà battus récemment. A ce sujet, le premier nommé parait être un adversaire plus facile à appréhender psychologiquement que des Australiens qui les ont déjà fait chuter 2 fois, 1991 et 2003, à ce stade de la compétition.
Le Pays de Galles a réussi une copie quasi-parfaite jusque-là. A 2 doigts de faire tomber le champion du monde en titre, les Gallois se sont remis en question et ont largement dominé leurs adversaires Samoans et Fidjiens. De quoi avoir des garanties avant d’aborder les quarts, surtout que cette équipe s’est construite dans la douleur et que Warren Gatland a réussi à trouver les réponses en termes d’hommes clés. Martyn Williams était trop vieux et pas remplacé ? Sam Warburton est en train d’exploser en tant que joueur clé et, surtout, capitaine de cette équipe. Stephen Jones n’est plus aussi performant qu’avant ? Priestland arrive à point nommé pour prendre la succession. Lee Byrne n’est plus aussi irrésistible que précédemment ? James Hook devient une solution qui oblige le titulaire à se remettre en question. Sans parler de la découverte Faletau en 8 et de l’éclosion innatendue de S.C Williams au centre, en plus de celle de J. Davies. Les Gallois ont toujours eu des joueurs de talent et la jeune génération qui est en train d’exploser pendant cette Coupe du Monde est loin d’être la moins douée.
La question est de savoir si, dans des matchs à élimination directe, ces joueurs sans expérience ne perdront pas leur sens du jeu et leur capacité à prendre le dessus sur leurs adversaires. C’est vrai que, dans un passé récent, les Gallois n’ont pas brillé par leur intelligence, incapable d’aller chercher des résultats à la hauteur de leur talent mais capable de virer l’entraîneur avec lequel ils venaient de gagner le Grand Chelem juste parce qu’ils n’avaient plus envie de travailler dur. La question existe, c’est vrai. Mais avec des joueurs jeunes, qui, de fait, ne se posent pas de question existentielles, cette équipe est sur une vraie dynamique et, face à l’Irlande et l’Angleterre ou la France, elle a largement de quoi passer les obstacles. Mieux, même, elle possède une équipe bien équilibrée avec des forces à tous les niveaux, même jusqu’au banc des remplaçants. Une mêlée qui tient le choc, un alignement en touche avec différentes options pour avoir des bons ballons d’attaque, une 3ème ligne puissante et qui couvre du terrain, un 9, Mike Philipps, 4ème troisième ligne, une paire de centre puissante qui peut franchir et un triangle arrière qui allie vitesse et précision, cette équipe a tous les atouts pour être un sacré outsider. A elle de croire en ses chances et de ne rien lâcher…
Les chances des autres postulants ?
L’Afrique du Sud est évidemment le premier qui vient à l’esprit. Leur démonstration face aux Fidji a impressionné et leur solidité légendaire leur donne quelques garanties. Suffisamment pour surprendre l’Australie et les Blacks ? Pas sûr. Avec des matchs à élimination directe, les Sud-Africains vont revenir à un jeu minimaliste qui les rend beaucoup plus prévisible et moins dangereux à condition, bien sûr, de faire au moins jeu égal avec eux dans le défi physique. L’absence, en plus, de François Steyn sera aussi un élément clé dans le manque de volonté de cette équipe à produire du jeu. Les Australiens,que plus personne n’attend après leur défaite contre l’Irlande, peuvent surprendre ce colosse un peu trop prévisible.
Est-ce que l’Australie a digéré la défaite Irlandaise ? Je n’ai pas de doute sur la capacité de cette équipe à rebondir. Affronter le champion du monde est d’ailleurs la meilleure occasion pour le faire. Avec le talent des Genia, Cooper, Beale, Ioane, cette équipe a le potentiel pour surprendre son adversaire. Pour cela, bien sûr, il faudra tenir le combat et les Elsom, Pocock, Horwill, Shape, Moore seront à rude épreuve. S’ils limitent la casse en mêlée et que ce secteur de jeu reste un élément mineur de la confrontation, l’Australie peut revenir dans la course. Ensuite, il s’agira de faire peur psychologiquement à leur meilleur adversaire et réussir le hold-up parfait. C’est possible, même si je pense les Blacks suffisamment forts dans leur tête pour ne pas tomber dans cet éventuel piège.
L’Angleterre est poussive mais inspire toujours le respect par sa puissance et la qualité de jeu de quelques individualités : Foden, Ashton et Tuilagi. C’est peu, mais ça peut suffire pour être encore là le 24 octobre. Par contre, en finale, la marche sera bien trop haute pour une équipe unidimensionnelle. L’Irlande, elle, bénéficie d’une génération dorée qui arrive à la fin d’une histoire. Se hisser jusqu’en finale serait la meilleure façon de récompenser les O’Connell, O’Driscoll et consorts. Quelques éléments plaident en sa faveur : la nouvelle 1ère ligne qui donne une belle stabilité à sa mêlée, la puissance de sa 3ème ligne O’Brien, Heaslip, Ferris qui épuise ses adversaires et la volonté d’érein d’O'Driscoll de tirer l’équipe vers le haut. L’Argentine, elle, est vieillissante et n’a pas les moyens de surprendre des Blacks même privés de Dan Carter. Reste enfin la France, ou plus exactement le champ de ruine que constitue cette équipe. C’est là, justement, où réside le brin d’espoir qui vient de l’histoire d’une équipe à réaction. Encore un nouvel exploit en vue grâce à la révolte des joueurs ? J’ai du mal à y croire. Je ne sens pas suffisamment de volonté de leur part. J’ai l’impression qu’ils veulent juste sortir la tête haute et sauver leur situation personnelle du procès d’un système. Ils donnent juste l’impression de vouloir réaliser un match courageux face à l’Angleterre. Et là, même face à une Angleterre très moyenne, ça ne devrait même pas suffire…
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