La relance financière américaine aurait plus contribué à donner un souffle d'air à la recherche que favorisé l'innovation et les nouveaux emplois qui en était attendus. Ce bilan publié dans la revue Nature dans son édition du 28 septembre, décrit cette contribution financière de tout de même 52 milliards de dollars comme une « party » à laquelle personne n'est venu.
Quand Cathy Seigneur est arrivée à New York le mois dernier, sa subvention de recherche d'1,2 million de dollars était sur le point de s'épuiser. Sa recherche sur l'autisme avait obtenu un financement des National Institutes of Health (NIH), grâce à l'American Recovery and Reinvestment Act (ARRA), mieux connu comme le plan de relance financière, et ces fonds avaient contribué à rémunérer, durant 2 ans, son équipe de 15 chercheurs à l'Université de Michigan. Cette subvention n'a pas servi à faire avancer la recherche ou abouti à la publication d'une étude dans la presse scientifique, mais à juste à lune première compilation des connaissances actuelles sur la maladie. C'est l'anecdote publiée par Nature, pour illustrer les effets d'une l'allocation de fonds qui devait, au départ, faire avancer la recherche américaine et créer de nombreux emplois.
Une grande fête à laquelle personne n'est venu…Ce n'est pas à la hauteur de ce qu'attendaient les scientifiques américains à l'annonce de la subvention. Lorsque le plan de relance « American Recovery and Reinvestment Act (ARRA) », évalué à $ 840 milliards de $, a été promulgué par le président Barack Obama en Février 2009, 52 milliards de dollars devaient aller à la recherche dont 15 milliards de dollars pour la recherche scientifique au NIH, à la National Science Foundation et au Department of Energy's Office of Science. Le plan de relance dans son ensemble devait créer des emplois et réduire les difficultés liées à la récession. Mais, dès le début, ces fonds n'ont pas apporté les effets attendus.
Un exemple, celui de l'Université Duke à Durham, en Caroline du Nord, qui projetait un grand nombre d'embauches, après avoir reçu une subvention de 210 millions de dollars par l'ARRA, mais la dotation en personnel à peine bougé. Beaucoup de chercheurs ont utilisé l'argent pour garder les collaborateurs qu'ils avaient déjà. Le NIH a reçu les budgets nécessaires pour permettre aux chefs d'équipe de reporter les dépenses et de réduire progressivement leurs projets. L'agence a maintenant dépensé 7 milliards de dollars sur son allocation de $ 10,4 milliards de dollars et les fonds ARRA devraient permettre de soutenir les départements de recherche pendant au moins deux ans et, finalement, de ne perdre qu'un très petit nombre de postes universitaires.
L'ARRA, selon ce bilan critique, devrait néanmoins laisser « quelque héritage ». Tout d'abord et pour la première fois, ARRA est largement documenté et plus que l'ensemble des investissements passés dans la recherche. L'objectif de départ étant la création d'emplois, ses bénéficiaires, les universités pour l'essentiel, sont tenus de faire régulièrement un rapport sur l'impact sur l'emploi de leurs fonds. Ainsi ce financement soutiendrait actuellement l'équivalent d'environ 20.000 emplois à plein temps aux NIH.
Metrics Star, un ambitieux programme gouvernemental a été mis en place pour surveiller les entrées et sorties en matière d'emplois dans la recherche, et devrait publier prochainement les résultats de son analyse, qui prend ses données directement à partir des systèmes de paie des universités.
Un contrôle à mettre en place: Le programme Metrics Star prévoit une 2è phase, dans laquelle chaque chercheur aux Etats-Unis qui reçoit des fonds fédéraux sera suivi par une base de données nationale qui « garde un œil sur tout », depuis l'octroi des fonds, ses emplois, les publications, les citations et les demandes de brevet.
Quelques grandes réalisations, comme le National Synchrotron Light Source II qui qui permettra l'observation des molécules et des cristaux à l'échelle nanométrique, sont financées (150 millions de dollars) ou l' « Advanced Research Projects Agency—Energy (ARPA-E) » (400 millions de dollars), qui soutient des recherches dans des domaines non testés, tels que le développement des microbes génétiquement modifiés pour produire des biocarburants.
En bref, cette relance aurait provoqué une accélération du processus de sélection des projets et abouti à des subventions qui « durent » moins longtemps que la normale. Certains de ces financements pourraient ainsi s'éteindre, comme le projet de Cathy Seigneur sur l'autisme, avant le développement ou l'aboutissement du projet. Un des plus grands héritages de la relance dans la recherche, restera une opportunité pour des milliers d'étudiants de poursuivre plus longtemps leur formation qu'ils n'auraient plus le faire, autrement. C'est en fait, l'espoir principal, à terme, de cet investissement, que ces jeunes scientifiques puissent passer à des découvertes plus productives…concluent les auteurs.
Source: Nature 477, 524-525 (2011) | doi:10.1038/477524a Published online 28 September 2011 “A multi-billion dollar injection: Stimulus—response” (Vignette NIH)
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