Il est peu probable que la Commission européenne aille financer une étude à vie de suivi des victimes des retombées de Tchernobyl, nous explique cet éditorial, publié dans l'édition en ligne du 30 septembre de la revue Nature. Pourtant suivre à vie les personnes exposées aux retombées de Tchernobyl pourrait révéler davantage sur les effets sanitaires à long terme des radiations. Mais il semblerait, que du côté de la Commission, le financement d'une telle étude ne soit plus envisagé. Pourtant, ne faudrait-il pas répondre à cette question : Quel est le rayonnement dangereux pour les humains ?
Pour les victimes exposées aux retombées nucléaires de la catastrophe de l'usine de Fukushima au Japon, la question n'est que trop réelle. Mais il n'y a toujours pas de réponse: l'accident a juste mis en évidence les énormes difficultés dans l'appréciation des risques pour la santé à long terme de doses relativement faibles de rayonnement. Un groupe de chercheurs de pointe en Europe avait espéré qu'un nouveau cycle d'études sur les personnes exposées aux radiations après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986 pourrait commencer pour « combler enfin cette lacune béante de la science ». Mais il semble de plus en plus improbable que leur projet puisse aboutir.
Un panel international d'experts chargé par la Commission européenne de faire des recommandations sur les besoins de recherche avait recommandé l'an dernier, une étude de cohorte sur la durée de vie menée sur les personnes exposées, dans le cadre de de l'Agenda pour la recherche sanitaire sur Tchernobyl (Agenda for Research on Chernobyl Health - ARCH). L'étude devait permettre de suivre l'état de santé de plus d'un demi-million de «liquidateurs» envoyés pour nettoyer la zone autour de Tchernobyl, ainsi que la population générale de la région, encore dans l'enfance au moment de l'accident. La puissance de ce projet d'étude résidait dans sa taille, avec plus de dix fois de données que l'étude de cohorte à vie mise en place au Japon après Hiroshima et Nagasaki.
Ces études de cohorte à vie n'ont jamais été déclenchées pour Tchernobyl, souligne Dillwyn Williams, membre d ARCH et chercheur en cancéro au Laboratoire de recherche Strangeways à Cambridge, qui précise que c'est très probablement la dernière occasion de lancer cette étude. «Si ARCH ne la prend pas en charge, elle n'aura probablement jamais lieu", ajoute-t-il. Des objectifs pourtant précieux, non seulement l'étude des effets sanitaires à long terme dont les cancers, mais aussi pour de nombreuses autres maladies, car, contrairement aux survivants des bombes atomiques au Japon, les cohortes de Tchernobyl ont été exposées à un large éventail de doses de rayonnement sur une longue période de temps.
L'étude coûterait environ 1 million d'euros avec des coûts annuels de fonctionnement du même ordre de grandeur.
Mais la Commission européenne ne semble pas favorable à cette approche: La commissaire à la recherche de l'Union européenne (UE) a en effet écrit le 5 Septembre que la proposition d'ARCH est hors du champ des programmes de recherche nucléaires et énergétiques. Ajoutant que les efforts visant à "approfondir la compréhension de l'interaction du rayonnement sur les tissus humains » serait seraient abordés ultérieurement dans le cadre d'une nouvelle plateforme européenne, l'initiative européenne pluridisciplinaire de recherche des risques d'exposition à faibles doses, le programme MELODI. Mais l'objectif principal de MELODI, est plus la recherche fondamentale que le suivi épidémiologique et les scientifiques de l'ARCH soutiennent aujourd'hui l'importance des approches épidémiologiques pour comprendre les implications de l'exposition aux radiations.
C'est donc un appel de ces scientifiques pour un flux de financement dédié à cette grande étude de cohorte. Se référant au coût de réalisation du toit qui a couvert les débris hautement radioactifs de la catastrophe de Tchernobyl, ils concluent que « si la Commission peut trouver un demi-milliard d'euros pour mettre un toit sur un réacteur, elle devrait être en mesure de trouver les fonds nécessaires pour financer l'étude, à long terme, des effets sanitaires de la catastrophe ».
Cet appel a été rédigé par Declan Butler, qui, avant de rejoindre Nature en 1993, a travaillé pour le magazine de biotechnologie français, Biofutur. Declan Butler est diplômé en biologie de l'Université Queen de Belfast, et docteur en biologie marine de l'Université de Leeds. Il a été fait Chevalier de l'Ordre National du Mérite de la France en 2003 pour ses services à la Science et à la Société.
Source: Nature Published online 30 September 2011 doi:10.1038/news.2011.565“Future of Chernobyl health studies in doubt”, ARCH -The Strategic Research Agenda (SRA) submitted to the European Commission.
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