L'adoption des prochaines réformes sarkozyennes sera plus compliquée. Le Sénat est à gauche et son nouveau président socialiste a été élu dès le premier tour. Il y a peu de réformes à voter d'ici les prochains scrutins présidentiel et législatifs de 2012. Nicolas Sarkozy n'a ni idée, ni énergie, ni argent pour entreprendre quoique ce soit d'ambitieux d'ici la fin de son mandat. Il masque son inaction par des rencontres et des discours.
Dans 48 heures, Ziad Takieddine sera auditionné par le juge Renaud van Ruymbeke. Cet homme d'affaires si encombrant a décidé de parler, mais jusqu'à où ?
La confusion à droite
Le Sénat s'est donc doté, sans surprise, de son premier président socialiste, Jean-Pierre Bel. Depuis la perte de la majorité sénatoriale par l'UMP et la droite le dimanche précédent, on s'attendait à ce résultat, obtenu samedi dès le premier tour, par 179 voix contre 134 à Gérard Larcher (UMP) et 29 à Valérie Létard (centre).
Immédiatement, Bernard Accoyer, le président UMP de l'Assemblée Nationale, a félicité le nouvel élu: « Je forme le voeu que nos assemblées continuent à travailler ensemble dans les meilleurs conditions pour servir au mieux la République dans le contexte international et européen délicat que travers la France ». François Fillon a prévenu qu'il inviterait Jean-Pierre Bel à Matignon. Après bientôt 10 ans de pouvoir UMP sans partage, ces signes d'ouverture sont cocasses.
Mauvaise perdante, Chantal Jouanno a dénoté dans ce concert de louanges: «Il faut respecter nos valeurs à nous. Pour moi, le Sénat c'est une assemblée de travail de fond. La seule que je ne supporterai pas ici, c'est que ça devienne une caisse de résonance de la rue de Solférino ». Que les sénateurs et députés UMP soient traités et considérés comme des simples porte-voix de l'Elysée ne semblait pas gêner outre mesure cette ancienne conseillère de Nicolas Sarkozy.
Dimanche soir sur TF1, Jean-Louis Borloo a annoncé qu'il renonçait à se présenter à l'élection présidentielle. Les pressions élyséennes ont eu raison de l'ambition de l'ancien ministre. Jean-Marie Bockel, ancien secrétaire d'Etat s'est déclaré « surpris ». François Bayrou s'est réjoui intérieurement. A l'Elysée, on pouvait souffler, ou pas.
Jean-Louis Borloo ne jouera pas le rôle de faux opposant du premier tour et vrai rallié du second qu'on voulait lui faire jouer.
Nicolas Sarkozy reste seul avec son bilan et ses affaires.
Les inculpés se défendent
Ziad Takieddine sera à nouveau interrogé par le juge van Ruymbeke ce mercredi. Cette audience « avec le juge permettra d'entrer dans le vif du sujet » a expliqué son avocat. On tremble ou on savoure d'avance, c'est selon. L'encombrant ami a changé de tactique. Désormais, il parle. « Il y a comme un sanglier blessé au milieu du champ de maïs » a commenté un avocat.
Nicolas Bazire, autre inculpé de l'affaire Karachi, s'est également défendu pendant sa garde à vue. A propos des rétrocommissions et remises de fonds occultes, il ne dément pas leur existence. Il a juste confirmé au juge qu'il n'était pas impliqué : « c’est vraisemblablement un système existant pour dissimuler l’ensemble des destinataires de ces fonds. Il n’entrait pas dans mes fonctions de l’époque de me prononcer sur ce système. Je n’ai pas d’avis autorisé.»
Pas d'avis « autorisé » ? Autorisé par qui ?
Sur le versement de 10 millions de francs en espèces le 26 avril 1995 sur le compte de campagne d'Edouard Balladur, Bazire se contente de le trouver... maladroit. Quel délice ! « Avec le recul, je trouve maladroit d’avoir procédé à ce versement unique en fin de période ».
Hortefeux s'explique
Dimanche, dans les colonnes du JDD, Brice Hortefeux a tenté de démentir toute mise à l'écart. Il ne veut pas croire qu'il a été mis sur la touche:
Vous trouvez normal qu’il ne vous appelle pas?
Nous avons des relations personnelles que je n’ai jamais commentées en trente-cinq ans d’amitié, si ce n’est pour témoigner de la détermination de Nicolas Sarkozy au service des Français. Cela ressemble à un lâchage…
Les liens que j’ai avec le président de la République sont inoxydables.
Depuis 3 semaines déjà, il a multiplié les bourdes et les gaffes. Il a livré des explications partielles sur son intervention auprès de Thierry Gaubert, l'un des proches de Nicolas Sarkozy mis en examen voici 15 jours. On l'accuse d'avoir eu accès au dossier de l'instruction : « Un site Internet a publié le 13 septembre des informations concernant "un témoin" accablant Thierry Gaubert. Connaissant bien la famille et sachant que celui-ci était en plein divorce, j’ai eu une première indication sur l’identité du témoin. Cela est devenu une quasi-certitude lorsque j’ai appris que Mme Gaubert avait le même cabinet d’avocats que Mme Takieddine. C’est donc très logiquement, comme chacun l’aurait fait, que j’ai appelé Thierry Gaubert, le 14 septembre, pour évoquer cela avec lui. »
Mais l'ancien ministre n'a toujours pas répondu à l'autre accusation: était-il normal qu'il prévienne Gaubert avant sa future interpellation par le juge ?
Sarkozy, absent
Nicolas Sarkozy, justement, reste silencieux. Un conseiller anonyme a réagi pour lui. « Il n’y a pas du tout de lâchage. Brice reste son ami. Nicolas Bazire aussi. Simplement, le Président a compris que ses adversaires voulaient l’attirer dans le chaudron des affaires et de la politique politicienne. Eh bien, il ne leur fera pas ce cadeau. Jusqu’à la fin de l’année, il s’occupera exclusivement des préoccupations des Français. En 2012, viendra le temps de la politique ».
Le Monarque n'est plus là. Dans quelques heures, quelques jours, il sera de nouveau papa. Il espérait sans doute que cette nouvelle paternité, à 56 ans, lui donnerait quelques avantages sur le candidat Dominique Strauss-Kahn. Le scenario était pensé avec 9 mois d'avance avant. Mais le 14 mai dernier, DSK a terminé sa carrière présidentielle dans une suite numérotée 2806 au Sofitel de New-York. Nicolas Sarkozy s'est retrouvé seul, face à une primaire socialiste incertaine, des affaires judiciaires en cascade, une impasse économique et une crise de confiance sur les marchés financiers.
En attendant, il occupe ses journées à faire semblant de gouverner. Son agenda de la semaine est encore une fois très électoral: un rendez-vous lundi avec des associations de personnes handicapées « sur la scolarisation des enfants handicapés », un autre le lendemain dans le Gard pour célébrer le patrimoine des Causses; la remise d'un prix obscur sur le Travail (le Prix Européen Pour l'Insertion des Travailleurs Extra ordinaires) avant un déjeuner avec « des personnalités de la société civile sur la question de la petite enfance ». Handicap, petite enfance, travailleurs extraordinaires... le show est bien cadré.
Le TGV de trop
Jeudi dernier, Sarkozy avait paradé devant un nouveau TGV au Maroc. On a d'abord vu une diversion diplomatique habituelle. On a oublié que ce TGV soulevait d'autres questions. Deux jours avant ce déplacement, Larbi, un blogueur marocain avait publié une lettre au président français: « Cher Monsieur Sarkozy, La France va mal, les finances publiques se dégradent, le secteur bancaire vacille, le Sénat bascule à gauche, les scandales politico-financiers se bousculent, votre popularité est au plus bas… pas de problème, vous allez enfin souffler un peu avec votre virée au Maroc dans deux jours. »
Le projet de TGV a été adopté sans aucun appel d'offre. L'Allemagne s'en est agacé. Le prix a été plusieurs fois réévalué à la hausse: 1,8 milliard d'euros au total, dont 920 millions d’euros prêtés par la France au Maroc et un contrat de 400 millions d’euros pour la fabrication des rames attribués à Alsthom. L'affaire n'était finalement qu'une compensation complaisante accordée par le royaume marocain à la Sarkofrance après un nouveau refus d'acheter quelques avions Rafale à Dassault.
Quel honneur !