Ces jours-ci, les mots, les idées et les images n’arrivent pas à se amalgamer pour témoigner le passage du temps de l’existence d’artiste. Peut-être, il y a un peu trop de Laozi. La voie que l’on peut nommer n’est pas la Voie. Le nom que l’on peut prononcer n’est pas le Nom. Le sans nom, c’est l’origine de l’univers; Ce qui porte un nom, il est la source de notre perception.
Le regard posé du bon vieux Mao qui observe son empire du haut de la porte de la Paix Céleste nous trouble. Néanmoins, il nous a conduit à l’auteur de la Roue rouge. Nous vous laissons sur un passage du discours d’Alexandre Soljenitsyne écrit à l’occasion de l’attribution du Prix Nobel pour son oeuvre littéraire en 1970. Mais l’auteur ne l’a jamais prononcer.
[...] Pourrons-nous jamais, percevoir cette lumière dans sa plénitude? Qui aura l’audace de dire qu’il a pu définir les limites de l’art et qu’il en a recensé toutes les facettes? Dans le passé, il est probablement arrivé que quelqu’un l’ait compris et nous l’ait fait savoir, mais nous ne nous en sommes pas contentés longtemps : nous avons écouté, puis nous avons oublié, et nous avons éparpillé cette connaissance de-ci, de-là, pressés comme d’habitude d’échanger ce que nous avions pourtant de meilleur, pour quelque chose de nouveau. Et lorsqu’on nous redit cette vérité ancienne, nous ne nous souvenons même plus que nous la possédions déjà.
L’artiste se considère comme le créateur d’un monde spirituel qui lui est propre : il porte sur ses épaules la responsabilité de créer ce monde, de le peupler et d’en assumer l’entière responsabilité. Mais il est écrasé sous ce fardeau, car un génie mortel n’est pas en mesure de supporter une telle charge. De même que l’homme, après s’être déclaré le centre de la vie, n’a pas réussi à construire un système spirituel équilibré. Et fi l’infortune s’abat sur lui, il en rejette le blâme sur l’éternel manque d’harmonie du monde, sur la complexité des âmes brisées du temps présent, ou sur la stupidité du public.
D’autres artistes, reconnaissant l’existence d’une puissance supérieure, travaillent avec enthousiasme comme d’humbles apprentis sous le regard de Dieu. Mais alors, leur responsabilité : face à tout ce qu’ils écrivent ou peignent, et face aux âmes qui reçoivent leur message, est plus astreignante que jamais. En revanche, ils ne sont plus les créateurs de ce monde ni ne le dirigent. Pour eux, le doute n’est plus possible : l’artiste a seulement alors une conscience plus aiguë que celle des autres de l’harmonie du monde, de sa beauté et de sa laideur, de l’apport de l’homme, qu’il doit transmettre intelligemment aux autres. Et dans le malheur, et même au plus profond de la détresse de l’existence, dénuement, prison ou maladie, sa certitude d’une permanente harmonie ne l’abandonne jamais.
L’irrationalité de l’art, ses éblouissants revirements, ses découvertes imprévisibles, l’influence explosive qu’il a sur les êtres humains, tout cela contient trop de magie pour être épuisé par la vision que l’artiste a du monde, par la conception qu’il a de son art ou par l’œuvre de ses mains indignes. [...]