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Doctor who : the girl who waited

Par Madwill

L'EPISODE QUE J'ATTENDAIS :
Il y a longtemps que je n’avais pas parlé de notre seigneur du temps préféré. En effet, je ne partage plus totalement l’enthousiasme général pour les épisodes de Steven Moffat le nouveau showrunner (scénariste en chef) depuis 2 ans qui au fur et à mesure de ses scénarios avait tendance à remplacer l’émotion par l’effet.
Doctor Who fonctionne sur des retournements de situation liés aux boucles temporelles, Steven Moffat fan de la série originale avait poussé cette logique jusqu’à une certaine déshumanisation des enjeux, à la différence de son prédécesseur Russel T. Davies (scénariste en chef de Torchwood ) qui avait réussi à apporter beaucoup de sensibilité à son récit. Les fans de retournements de situation et des clins d’œil adressés aux spectateurs considèrent Moffat comme un scénariste brillant, personnellement je commence à trouver sa mécanique trop froide et un peu vaine.
C’est au moment où je jetais un regard de plus en plus éloigné sur la série qu’un épisode venait me rappeler pourquoi Who m’avait fasciné pendant plusieurs saisons. Cet épisode, le dixième de la saison The Girl Who Waited se révélait tout de suite comme l’aventure majeure du docteur de ces dernières années.

Doctor Who est un condensé de fantastique, d’émotion, drôlerie et de tragique. C’est un improbable cocktail qui le rend si spécial. Tom MacRae le scénariste de l’épisode The girl who waited qui avait surtout travaillé avec Russel T. Davies sur les précédentes saisons, réussit le cocktail parfait d'action, d'intelligence et de science-fiction.
Mais que raconte The Girl who waited : « Le Docteur amène Amy et Rory visiter Apalapucia, la deuxième destination touristique de l’Univers. Mais, victime d’une épidémie qui tue en vingt-quatre heures, la planète est en quarantaine. Un système automatisé manipulant les lignes temporelles a été mis en place pour permettre aux contaminés de vivre une vie entière pendant cette unique journée. Séparée de Rory et du Docteur, Amy s’y trouve enfermée. Le Docteur embarque dans le Tardis pour la retrouver. Mais Rory découvre, horrifié, qu’Amy a eu le temps de vivre seule 36 ans avant qu’ils ne soient réunis. Cette Amy, aigrie et en colère, a-t-elle encore envie d’être sauvée ? »



Pourquoi cet épisode m’a tellement touché ? Pour son écriture autour des personnages de compagnons du docteur. Pendant deux ans, j'avais trouvé qu’Amelia Pond et Rory manquaient de profondeur psychologique, leur absence d’émotion face à l‘enlèvement de leur enfant avait fini de me détacher de leur destinée. Rory se résumant à un playmobile habillé en Romain tandis que Pond semblait tout droit sortir du freezer. Le couple Pond semblait enfermé dans une écriture plutôt américaine où l’action prévalait sur la psychologie des personnages. Le scénariste MacRae s’attaque ici aux personnages de Moffat et va créer une magnifique histoire d’amour en dénonçant le caractère destructeur d’un seigneur du temps.
Le premier coup de génie de MacRae a été de revenir sur le statut d’Amy Pond lors de sa rencontre avec le docteur, c'est-à-dire celui de la petite fille qui attend. Chez Moffat, la souffrance liée à cette attente n’avait jamais été assez travaillée ignorant les possibles retombées psychologiques. En effet, Moffat trop fan du docteur avait fini par se confondre avec son personnage principal. (Davies son prédécesseur nous faisait découvrir le docteur via le regard de ses compagnons, humanisant l’action. Moffat a choisi le docteur comme seul axe de narration). Le caractère adolescent, sans émotion du docteur avait fini par retomber sur l’écriture de Steven Moffat.


Sur cet épisode The girl who waited, MacRae retravaille la relation aux différents personnages en l’installant dans un univers à la Portal que Valve n’aurait pas reniée avec la voix de l‘interface nous rappelant son hit vidéoludique.
Dans cet univers virtuel où Amelia Pond se retrouve prisonnier pendant 20 ans à attendre son docteur, c’est une critique au showrunner qui est adressée. Dans cet épisode, Moffat et Who sont placés au même niveau. Le discours semble être celui-ci :  « Vos personnages de fictions peuvent ressentir des émotions. Vous vous croyez un dieu tout puissant, mais si vous descendiez de votre table ou de votre bureau de scénariste vous comprendriez leur douleur. » L’influence visuelle de Portal correspond bien à cette dénonciation d’un Docteur / Dieu jouant des ses compagnons de la même manière que le scénariste Moffat devenu obnubilé par son docteur en traitant tous les autres personnages de la série comme des pantins.




Davies avait eu une idée formidable quand il a relancé la franchise : faire du docteur le dernier de sa race faisant passer son héros d’un globe-trotter intergalactique à un personnage blessé, un dieu devenu humanisé. Ce préambule tragique du personnage donnait une vraie émotion de la série qui a été trop occultée par Moffat. En effet si on compare The girl who waited à l‘épisode Let’s kill Hitler écrit par Moffat (qui le précède de peu), le traitement est très différent. Let’s kill Hitler propose trop de rebondissements faciles avec des personnages essentiels à la narration jamais vu auparavant et justifiés par de maladroits flashbacks. Tous ces éléments témoignent d’une course en avant dans la multiplication des effets pour régler à l'emporte-pièce des situations devenues trop complexes.  L’identification aux personnages devient ainsi difficile avec une River Song tueuse du docteur (élevée pendant 20 ans pour ça) et qui change d’avis en deux minutes de façon arbitraire.

The girl who waited montre à Moffat la voix à suivre : une gestion intelligente des paradoxes temporels, une réduction des effets de scénarios de façon drastique avec une place essentielle donnée a la psychologie des personnages et à l‘émotion. À ce titre, on peut être déçu que Moffat n’ait pas plus utilisé le potentiel de ces acteurs comme Arthur Darvill (Rory) qui nous montre qu’il mérite mieux que de mourir à chaque fin d‘épisode ou Caitlin Blackwood très impressionnante en Pond vieillissante dont la haine pour le docteur est devenue immense. Tout est parfait dans l’épisode, les acteurs, la mise en scène élégante remarquablement travaillée ou la direction artistique pleine de sens influencée par Portal. Trois acteurs, peu de décors, mais avant tout un bon épisode. L’histoire est plus importante que la manière dont on la raconte (le récit), l’écriture n’a pas besoin d‘effets, MacRae avec cet épisode qui tourne autour de boutons pressoirs et d’une loupe nous crée un univers tangible et mémorable. A ce titre, la découverte par Rory du message de secours sur le mur où il se rend compte qu’Amy attend son retour depuis 30 ans est admirable et suscite plein d’émotion.
Cet épisode confirme que l’effet est l’ennemi du cinéma et de la fiction. L’effet d’écriture, le rebondissement perpétuel est aussi dangereux que l’effet spécial en terme visuel, il ne doit pas remplacer les personnages, les acteurs, l’histoire et l’émotion. Cet épisode merveilleux le rappelle de façon admirable et montre que Doctor Who compte encore parmi les séries essentielles actuelles.
UN ARTICLE ECRIT PAR MAD WILL

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