On ne nous épargne évidemment pas le moment où l'héroïne, parisienne, part se réfugier à la campagne parce qu'elle ne supporte plus tout ce qui lui arrive. Avez-vous remarqué que beaucoup d'auteurs contemporains nous resservent, cette même scène, avec ce même personnage à bout de nerfs ? Un peu comme la scène dite "de l'aéroport" dans un film à l'eau de rose, quand le héros doit prendre l'avion et que la personne qui l'aime se lance dans une course folle pour empêcher ce départ. Bref, c'est une histoire passe partout.
Elle se déroule, pour une grande part, dans les bureaux d'une grande entreprise de meubles en kit suédois ... ça lui va plutôt bien d'ailleurs, de prendre forme là où l'on vend les meubles de monsieur et madame tout le monde : les personnages sont aussi insipides que les plats qu'on sert à la cafétéria de chez Ikéa. J'en veux pour preuve la vague description physique de Markus : "Il était doté d'un physique plutôt désagréable mais, on ne pouvait pas dire non plus qu'il était laid".
Enfin, tout cela passerait peut-être mieux si la forme était agréable ce qui n'est pas vraiment le cas ... Monsieur F me fait penser à mes rédactions de collégienne, lorsque j'essayais de trouver un style et que j'utilisais des expressions loufoques pour "faire original". La Délicatesse est criblé de phrases qui se veulent poétiques mais qui au final, me laissent plutôt sceptique. Il faut ajouter à cela des jeux de mots consternants, des idées banales, et des références culturelles grossières et explicitées , comme le cheveu sur la soupe.
Morceaux choisis :
#1 : Elle disait bonjour à sa tristesse
#2 : "Je vais vous dire ce que je n'ai jamais dit à personne : j'aurai voulu être un artiste ... oui je sais, on connait la chanson."
#3 : "Elle décida alors de marcher vers lui, de marcher lentement, vraiment lentement. On aurait presque eu le temps de lire un roman pendant cette avancée".
#4: "elle avait préféré le mot "belle" c'était beau, "belle". Franchement, quelle belle soirée, on se serait cru à la grande époque des robes longues et des carrosses (...) Oui, il était bien beau ce "belle" mais ça lui faisait une belle jambe"
#5 : "Une fois devant son immeuble, il hésita. Nous sommes envahis par tant de chiffres à mémoriser. Les portables, les accès Internet, les cartes bancaires..."
#6 : "Comment s'habiller quand on dine avec Nathalie ? Il voulait se mettre sur son 31. Ce nombre était trop petit pour elle. Il aurait voulu se mettre au moins sur son 47 ou sur son 112, ou alors son 387".
#7 : "Il serait coûte que coûte le premier secrétaire de sa vie" (Markus est alors en train de s'informer des résultats de l'élection du premier secrétaire du PS et décide de se battre pour conquérir Nathalie).
#8 : "Ils restèrent ébahis par la contemplation du Pez qui portait toutes les nuances de la vie, objet infime et risible, et pourtant si émouvant" (oui, il s'agit du distributeur de bonbons de notre enfance).
#9: Elle lui dit "tu es fou", mais c'était une folie qui l'a rendait folle de joie
#10 : "Ah, bonjour Markus tu vas bien? - Oui, ca va et toi ? - Ça peut aller (...) -Ca va ? tu as mal au cou ?-Non ... non.. ca va ... bon je dois y aller"
(Et dire que le roman va être adapté au cinéma, j'espère qu'ils ont revu les dialogues ....)