Sortie de l’avion, il pleut. Les vacances commencent bien. Forcément, on quitte l’été parisien pour l’automne mongol. Je sens que je vais adorer ce voyage. Une fois sur le tarmac, un drôle de sentiment m’envahit alors que des voyageurs s’engouffrent dans le bus venu nous chercher. Il est 7h, il fait encore nuit et gris, je regarde autour de moi, il ne semble rien exister aux alentours. Nous sommes comme perdus dans une dimension parallèle. Minute. On est en Mongolie ! Nous sommes perdus au milieu de nulle part ! Oh mon Dieu pourquoi j’ai suivi Diana dans cette aventure ?! On va se faire tuer par un nomade et manger ensuite, les restes donnés au loup. Diana me pousse dans le bus qui nous emmène à une petite entrée à une cinquante de mètres de là. Etait-ce bien nécessaire de prendre le bus ? Bref. Nous pénétrons dans un bâtiment par une petite porte lugubre. Un nouveau sentiment m’envahit. Un sentiment bizarre comme si l’on empruntait un couloir nous menant à l’échafaud. Ce n’était pas un pays communiste la Mongolie avant ? Punaise. Tout me parait si… soviétique. Je le sens mal. Et je n’ai pas terminé de le sentir… mal.
Une fois dans ce bâtiment vétuste, quasi-décrépit - d’un autre temps, on gravit les marches abîmées par endroit. Lugubre (encore). Une lumière faiblarde. Je pense aux purges. On arrive finalement dans une salle pour la présentation des passeports. Un silence de mort y règne, guidé comme des moutons par les agents de l’aéroport qui parviennent à vous capter d’un regard et communiquer d’un signe bref et autoritaire. On présente le nécessaire aux guichets. Le mongol derrière sa vitre qui s’occupe de moi n’a pas l’air commode. Il regarde attentivement mon passeport. Diana m’attend. On va m’arrêter. Pour quelle raison ? Je n’en ai strictement aucune idée, c’est la Mongolie. On peut s’attendre à tout. Ce que je remarque c’est que les agents d’aéroport en Mongolie ont pas mal de médailles sur eux. Il me délivre d’un tampon vert. Yes ! Nous passons à un autre niveau. Après être montés, on descend. Les mêmes escaliers, la même lumière. Nous arrivons devant le portique de sécurité. L’agent avachi derrière son écran de contrôle, une moitié de chemise hors du pantalon laisse passer les voyageurs sans fouille, avec un signe de main mou signifiant « allez-y, j’ai fini mon service de nuit ». Un gain de temps considérable. On récupère nos bagages. Ils sont bien là ! Finalement Aeroflot, c’est pas si pourri que ça. Je maudis les forums Internet qui vous font de fausses peurs et gâchent vos nuits. Mince, j’avais oublié qu’il y avait un retour. Enfin, si l’on survie à la Mongolie, hein ? Aurons-nous nos bagages au retour ? Tin-tin ! On garde le mystère.
On arrive dans le hall d’entrée de l’aéroport. On se croirait dans le hall d’une gare de banlieue. C’est petit, plutôt mal éclairé, il y a peu de monde, surtout des chauffeurs de taxis qui tentent de vous alpaguer (et qui susurrent du « five dollars », on a le tarif du tacos au cas où). Je les balaye de la main avec un air pédant. J’ai toujours rêvé de faire ça et je l’ai fait en Mongolie. Cool. Un chauffeur au loin avec la pancarte qui arborait l’identité de Diana nous attend. On sort en trombe de l’aéroport sous une pluie battante, s’engouffre dans un taxi jaune à l’intérieur rose bonbon, comme à New-York, et nous voilà partis en route vers la capitale mongole : Oulan-Bator (U.B., je la nommerais maintenant ainsi parce que c’est classe).
Destination : le siège de l’agence de voyage que Diana a choisi pour notre périple. Une chose me frappe : l’état des routes. La principale qui vous amène de l’aéroport à beau être goudronnée, elle est parsemée de nids de poules. Je n’avais jamais vu autant de voitures sur le bas côté et leur chauffeur respectif en train de changer de roue. Ils se comptaient bien sur mes deux mains. Embouteillage. Un grave accident a eu lieu quelques minutes avant notre passage. J’ai bien peur qu’il ne reste plus grand-chose des passagers de la voiture éventrée par un bus. Une chose me frappe notamment à cause de la mauvaise circulation. Ce sont les habitations aux alentours. Des yourtes séparées les unes des autres par des balustrades faites de planches de bois coupée irrégulièrement. J’appris plus tard que face à la pauvreté, nombre de nomades venait s’installer en périphérie de la capitale pour trouver de quoi survivre. Des bidonvilles à la sauce mongole en somme. Triste.
Il pleut toujours. La buée des vitres nous empêche de pleinement profiter de la vue d’U.B. On s’en fera une idée un autre jour. On passe prendre Suvdaa, notre contact local, dans des
HLM locaux. Sympa (pas les HLM, la fille). On échange en français. Y a pas à dire c’est une sacrée jolie langue le français encore plus lorsqu’elle est parlée par une mongole. Nous arrivons devant un immeuble où est logée la fameuse agence. C’est vieux, un peu abîmé, une grosse porte métallique donne directement sur des escaliers colorés et cassés par endroit nous emmenant aux étages supérieurs. Nous suivons Suvdaa jusqu’une nouvelle porte métallique donnant sur un appartement converti en agence. Y a un côté vieillot qui tranche avec les PC portable et autre imprimante moderne qui se trouvent sur une longue table. On fait nos affaires. Entendez par là qu’on paie notre future escapade et l’on passe aux présentations avec l’équipe, la B Team qui nous accompagnera. Il y a là Chimgee, notre interprète. Une p’tite jeune de vingt deux piges, étudiante en langue, fort sympathoche de prime abord. Il y a aussi ???. J’ai rien pigé à son prénom mais super avenant. Il demande à ce qu’on l’appelle « Jack ». Jack est notre chauffeur, reconnaissable à son chapeau et plus tard à ses lunettes de soleil. En voiture donc. Bye, bye l’agence. On retrouve le temps pluvieux et nous nous arrêtons devant le 4x4 russe gris qui nous emmènera dans les contrées lointaines mongoles. On en profite pour charger nos bagages et faire connaissance avec notre cuisinier, Zorigoo qui affiche la grosse doudoune noire au reflet brillant et un bob sur la tête. Si ce n’est pas un B-Boy alors je ne m’y connais pas en mode vestimentaire. On est
go !
Dans le 4x4 c’est folklo’. La pluie traverse les vitres des deux ouvertures qui permettent d’avoir le mode « toit ouvrant ». On se tape encore des bouchons. On échange quelques biftons bien de chez nous en monnaie locale appelée Tugrit (le taux de change à notre arrivée était de 1750 T pour 1 euro) dans une banque du coin. On reprend notre route dans le marasme routier de la capitale qui commence à se réveiller et à bouchonner de plus en plus. Alors que nous échangeons les banalités de rigueur avec notre interprète, Jack fonce droit hors de la ville. Mais avant, on passe par une supérette pour s’acheter quelques bouteilles d’eau ou de quoi grignoter. On sort d’U.B., nous voilà dans sa banlieue et bientôt dans la province. Il cesse de pleuvoir. Hourra ! On se désape un peu, il commence à faire chaud et l’on se met à observer les paysages qui défilent. Nous prenons la direction du nord, vers Darkhan. ‘Tain, c’est beau. Plus on s’enfonce et plus les habitations se font rares, tout comme la présence humaine d’ailleurs... Le stress du voyage et de l’arrivée en ville font place à la quiétude et d’un sentiment unique… J’ai l’impression d’être
seul au monde ! Ok, y a Diana, l’interprète, le chauffeur ainsi que le cuisinier qui m’entourent. N’empêche, j’ai un scénario «
Mad Max à cheval » qui commence à s’écrire. Cinq survivants sur les routes d’une terre loin d’être désolé mais où s’ouvre des paysages vierges. Un but : survivre et en voir le plus possible. Notre 4x4 russe qui compte les kilomètres au compteur file sur cette route goudronnée en piteux état par endroit. Déjà loin de la capitale, on ne croise presque plus aucun véhicule. Ce sentiment d’isolement s’intensifie à mesure que les vastes collines verdoyantes ondulent sous nos yeux. Je commence à comprendre la faible densité avec ses 1,7 hab./km². Et puis parfois, comme sortie de nulle part, nous traversons une petite bourgade où des mongoles vont et viennent à dos de cheval ou moto. Nous voyons tantôt des vaches, tantôt des moutons et brebis qui broutent l’herbe comme s’ils étaient perdus, abandonné de tous, vivant sauvagement à l’image de la nature qui nous entoure. La Mongolie c’est une espèce de Far West. Une inconnue qui me laisse bouche bée à chaque kilomètre effectué sous les à coups de notre véhicule tout terrain. A la fois émerveillé et excité nous nous dirigions alors vers l’ouest pour atteindre le monastère d’Amarbaysgalant non loin de la ville d’Erdenet. Le premier arrêt se fait dans une grande ville dont j’ai zappé le nom. On y déjeune dans un restaurant typique mongol qui semble faire également karaoké le soir venu. La patronne comptant sa liasse de billet nous accueille avec un visage fermé pendant qu’elle envoie l’une de ses « filles » préparer notre gueuleton à l’arrière, dans la cuisine. Une lucarne, près du bar me permet de voir ce qui s’y passe. Alors que la « fille », intriguée par mon faciès malaxe la pâte pour préparer le met commandé par Jack, on nous sert du thé (comme chez nous) mais aussi et surtout une boisson fort apprécié ici : le thé au lait salé. Pas dégueu’ le thé au lait salé. Ca fait bizarre au départ et puis on s’y fait. Il y a intérêt à s’y faire car la suite nous montrera qu’ils ne boivent quasiment que ça ! On nous sert alors deux spécialités mongoles : des raviolis au mouton fris (Khuushuur) très appréciés lors de la fête du Nadaam, et à la vapeur (Buuz). C’est bon mais très bourratif. C’est super bon même. Quant à mes artères, je ne pense pas qu’elles aient appréciés cet excès de graisse. En revanche, notre cher Zorigoo s’en ait léché les babines jusqu’à verser des petits carrés de graisses de mouton dans son thé au lait salé. Miam ! On nous explique que l’homme mongol aime le gras, qui rend robuste et tient au corps dans les rudes journée d’hiver. Le repas se termine par un désert que notre cuisto est allé cherché dans le 4x4. Pas de droit de bouchon en Mongolie. Il ouvre un bocal qu’il nomme « compote » mais qui n’est pas de la compote comme nous l’entendons chez nous. Il s’agit là de cerises confites au sirop. Un désert que l’on me dit également apprécié par les gens de cette terre. Tandis que l’on reprend le voyage, le décalage horaire se fait ressentir ainsi que la digestion. Ayant à peine le temps de voir Zorigoo troquer sa place avec celle de Chimgee, pour s’allonger sur la plage arrière et pioncer… Je tombe à mon tour dans les bras de Morphée.
Après quelques heures de route, nous voici au monastère d’Amarbaysgalant. Ce monastère a quelque chose de magnifique, quasi irréel. L'environnement dans lequel il se trouve y est pour beaucoup. Derrière lui ces collines qui nous suivent depuis la capitale. Les quelques habitations sur la gauche, essentiellement des yourtes, nous rappellent que nous ne sommes pas - si - seul. Le bétail (brebis et mouton) broute l’herbe devant le monastère qui a échappé à une destruction dans son entier durant les purges communistes que la Mongolie connue durant les années 1930. Lorsque nous entrons dans le bâtiment principal, la journée semble terminée pour les moines, les plus jeunes, chaperonnés par un ancien, nettoient les lieux avec une balayette et un bout de carton. L’un des petits bonzes exhibent un maillot de Cristiano Ronaldo, époque
Manchester United. C’est ça aussi la mondialisation L’un d’eux s’amuse à remplir un petit tas de poussière fait par un autre sans que ce dernier ne le remarque. Le môme enfin le bonze s’amuse comme un fou. Notre interprète deale avec eux une visite. Ils ne sont pas vraiment chaud au départ mais l’un des plus jeunes se dévoue, c’est justement celui qui larguait sa poussière chez le voisin qui revient habillé pour l’occasion de sa toge ! Nous visitons les différents temples que constituent le monastère. Il y en avait plus dans les années 1920 mais malheureusement avec les cocos… nous connaissons la finalité. Très sympa comme visite tout comme le petit moine et sa voix enrouée qui nous expliquait les particularités de chaque temple. Ce dernier fut remercier de quelques billets ainsi que du reste de la fameuse « compote de cerises » du midi. Il semblait heureux le gamin (et a même tenu la place du chauffeur quelques instants).
Nous reprenons la route en direction de la rivière Burgaltay. Le premier jour prend fin. L’heure du dîner approche. Jack arrête le véhicule. Nous passons notre première nuit en tente au milieu de nulle part. Un nulle part splendide où l’on se sent comme revivre ! J’avoue que cette dernière phrase fait un peu pitié, super stéréotypé. Le mec de la ville qui ressuscite au contact de la nature sauvage. Ouah, super ! Ouais, bah c’est vraiment vrai. On passe le repas, on passe les poilades avec nos trois autochtones et on fait avance rapide jusqu’au premier pissou en pleine nuit. Ca caille un peu les miches dans la tente et je ne sais pas pour vous mais chez moi le froid me donne envie de… une fois dehors c’est un spectacle sans nom. En gros, j’ai uriné la tête levé vers ce ciel habillé de milles éclats scintillants qui vous explosent en pleine figure. Les constellation vous semble si proche que vous pensez être Dieu ou dans un planétarium en super résolution X1000. Le vent souffle, je me pisse à moitié dessus mais punaise que c’est… Je reste bouche bée comme un fumeur de
ganja qui fixerait une araignée faisant sa toile. Une toile que j’essai d’imprimer le plus possible au fin fond de mes rétines. Ce souvenir doit rester et il restera. Alzheimer ne l’aura pas.
Illitch
Dillinger aka Hirka
PS : J’oubliais. Nos accompagnants (les deux mâles du trio) ayant un certain mal à prononcer mon prénom, me surnommèrent pour l’occasion Hirka (que j’orthographie arbitrairement ainsi). Je ne vois pas ce qu’il y a de difficile à dire « Illitch » très franchement. Passons. A demain.