Géopolitique à deux balles...

Publié le 11 octobre 2006 par Antoine Dubuquoy

Il y a deux ans (a long time ago in a far away galaxy, selon l'échelle spacio-temporelle de l'âge numérique...;) ), je suis allé en Corée du Sud, pour raison professionnelles. Au moment où la Corée du Nord annonce avoir procédé à un test nucléaire, il me semble important de prendre conscience du danger réel que représente ce dernier bastion du communisme pur et dur.

Une journée de temps libre m'a permis de me rendre à la frontière entre les deux Corées, dans ce qu'il est convenu d'appeler la DMZ (Demilitarized Zone), sur le 38ème parallèle. Zone tampon instituée à la fin de la guerre de Corée.

Premier constat, c'est très près de la capitale sud-coréenne, pas plus d'une soixantaine de kilomètres. Sur l'autoroute, des ponts, robustes. Un guide m'explique qu'ils sont bourrés d'explosifs, de façon à ralentir les troupes d'invasion, en cas de conflit. Gloups!

L'autoroute pour sortir de Séoul en direction de la frontière longe une rivière. Barbelés, postes de garde régulièrement répartis. Ambiance de guerre larvée.  

A l'entrée dans la DMZ, contrôles très poussés des passagers des véhicules. La zone est gardée par l'armée coréenne et l'armée américaine. Plus on se rapproche de la frontère, plus on voit d'espaces inaccessibles, entourés de barbelés, ornés de panonceaux noir portant une tête de mort et la mention "Danger! Mines!"... Zones minées volontairement pour empêcher une invasion ou vestiges de la guerre de Corée, ou les deux?

Sur place, plusieurs promontoires pour voir la frontière, et voir la Corée du Nord. Encadrement militaire et atmosphère paranoïaque. L'ennemi est en face. C'est clair. La tension est palpable. Photos non-autorisées. Trop tard, je l'avais déjà prise, mais le guide en treillis, me fait ranger mon appareil...

A quelques kilomètres de là, visite d'un des tunnels d'infiltration creusés par les Nord-coréen. Descente à 70 mètres sous-terre par une rampe aménagée, et marche de 400 mètres sous terre, un casque de chantier sur la tête, dans un étroit boyau d'environ 2 mètres de large sur 1,90 de haut (très désagréable quand on mesure 1,92 m et qu'on doit macher tête baissée... Jusqu'au point limite. Le tunnel a été muré. Barbelés, sacs de sable, caméra de surveillance. pas de photos. Retour en surface. Et visite d'un musée consacré à la guerre de Corée.

Plus loin, passage par la gare de Dorasan. Une gare TGV, au milieu de nulle part. La ligne traverse toute la Corée du Sud , du nord au sud, passe par Séoul et s'arrête à Dorasan. Prête à être poursuivie dans l'hypothèse d'une réunification, en direction de Pyongyang.

Retour à Seoul. Mes associés coréens m'expliquent que la réunification est possible, mais que l'exemple de la réunification allemande les a un peu refroidis, en particulier du point de vue économique. Remettre à niveau l'économie nord-coréenne, rééduquer les populations (mot mal choisi, la réducation étant plutôt une spécialisté stalinienne...) coûtera très cher à la Corée du Sud. En attendant les Nord-Coréen jouent à la grande puissance...

 

Pour clore ce chapître, je ne peux que vous conseiller la lecture du témoignagne de Guy Delisle, spécialiste de l'animation, qui a raconté dans une bande-dessinée remarquable  son séjour de plusieurs semaines à Pyongyang. Il avait été envoyé sur place pour superviser la sous-traitance de la réalisation de dessins animés pour un studio français ou canadien.

Etonnante chronique au jour le jour d'une société orwellienne. Etonnant aussi car ce témoignage confirme d'autres témoignages recueillis en Corée du Sud: certaines entreprises sud-coréennes ont délocalisé  des unités de production au nord, pour à la fois contribuer à la réunification et bénéficier d'une main d'oeuvre à bas prix... Attitude la fois pragmatique et très paradoxale...