J'aime bien Bernard Guetta. Au naturel il est exactement comme à la radio ou sur les plateaux, avec la même voix qui porte, pas besoin d'un sonotone. Je l'ai croisé ces derniers mois dans deux salons, dont la Fête du livre de Toulon : j'étais assis entre lui et Hervé Vilard. Comme il y avait foule pour les dédicaces de ce dernier, des grappes de vieilles rombières en extase comme si elles voyaient le Christ marcher sur les eaux, j'en ai profité pour tourner le dos à Vilard - pas trop, je vous rassure - et refaire - un peu - le monde avec Guetta.
Enfin, le monde reste ce qu'il est, et l'Amérique aussi. Donc, au chapitre « ça va être très dur pour Jean-Phi de se faire entendre jusqu'à l'élection de McCain », voici un article de Guetta de début janvier.
L’Amérique se redécouvre
par Bernard Guetta
Libération, mardi 8 janvier 2008Nettement moins stupide à la Maison Blanche, totalement admirable dans l’Iowa, l’Amérique rebat ses cartes. Menacée de récession, enlisée en Irak et confrontée à une perte de prestige international sans précédent, elle se réinvente, change et innove comme on décide de se faire une nouvelle vie après des années d’errements. Que la primaire du New Hampshire confirme, aujourd’hui, les caucus de jeudi, et un quadragénaire métis du nom de Barack Hussein Obama - pas vraiment John Smith - aurait de bonnes chances d’incarner, dans un an, la puissance des Etats-Unis.
Hollywood et les séries télévisées l’avaient anticipé depuis longtemps. Il y a des décennies que des Noirs sont à la tête de grandes métropoles et siègent à la Chambre. Condoleezza Rice après Colin Powell, il y a huit ans que la diplomatie américaine est dirigée par des Noirs. Mais un Noir, marié à une Noire, une famille noire à la Maison Blanche, ce serait la seconde émancipation, la vraie, d’anciens esclaves restés en marge de l’Amérique. Dans cette éclatante réparation, page tournée, honte dépassée, la société américaine puiserait une nouvelle force, une nouvelle et légitime fierté porteuse de cohésion, et le séisme serait plus grand encore sur la scène internationale.
Aujourd’hui honnie aux quatre coins de la planète, l’Amérique renouerait là, d’un coup, avec sa grâce perdue, sa capacité à frapper les imaginations, ce mélange de mythes et de réalités qui en avait fait le pays de tous les possibles - la démocratie par excellence que sa force de séduction avait fait tant aimer, malgré la béance de ses failles. Après les années Bush, ce serait un total renversement d’image, aussi fécond et nécessaire que lorsque l’Amérique était devenue, avec Roosevelt, la locomotive mondiale du welfare state, de la protection sociale, ou s’était identifiée, sous Kennedy, à l’idéalisme d’une jeunesse unie et mobilisée contre la discrimination raciale.
(…) Mettons, enfin, que John McCain remporte l’investiture républicaine puis - qui sait ? - la présidentielle, ce coup de théâtre ferait entrer à la Maison Blanche la plus noble figure de la droite américaine, l’homme qui a tenté de moraliser le financement des campagnes électorales avant de mener bataille et de marquer des points contre le développement de la torture. Quelle que soit l’issue de ces primaires, une renaissance américaine est en gestation, si pressante et incontournable que George Bush lui-même l’a amorcée.
C'est trognon... Mais je crains bien, mon cher Bernard, que l’Amérique, enfin la vôtre, ce ne soit comme Capri : c’est mort…