A cet égard le livre de Cyrille Martinez est un modèle du genre. Chaque chapitre ouvre une nouvelle fenêtre . Le premier m'a agacée. La crémaillère était coincée. L'atmosphère saturée. Il décrit un meilleur des mondes cauchemardesques. J'ai failli lâcher définitivement le livre.
Par chance pour lui une rencontre avec l'auteur avait été programmée par son éditeur. J'ai donc repris la lecture quelques semaines plus tard ... sur un parking d'aérogare. L'avion avait du retard. J'étais en position captive. Et captivée je devins, priant le ciel que le Boing renonce à atterrir et reparte de l'autre coté de l'Atlantique.
Cyrille Martinez gagne à être lu à voix haute. Il emploie volontiers le style parlé. Ancré dans l'air du temps. On se dit "à plus" sans se demander si on n'a pas un tic de langage. Il pratique aussi l'incise. Avec une écriture qui prend le rythme du swing. Quand on a réussi à se caler dessus on ressent le second degré affleurer derrière le premier niveau de lecture. C'est comme une voix off qui commenterait la scène, enchainant sur un résumé de la précédente. Cela devient du feuilleton romanesque. Dont la drôlerie apparait brutalement évidente.
En résumé : À New York New York, deux jeunes artistes au chômage se grisent de vernissages underground, de soirées drague et de poésie sonore. On reconnaîtra peut-être, derrière ces personnages, l’image réinventée d’Andy Warhol et de John Giorno, l’unique acteur du film Sleep. Mais ce n’est qu’un détail dans cette histoire de sommeil, d’art plastique et de poésie. Une épopée comique où s’entend, en sourdine, une inquiétude sur le devenir de l’art et de la littérature.Les motivations de John à devenir un poète vivant sont savoureuses. La question de lâcher le bouquin n'est plus à l'ordre du jour. Ce qui néanmoins n'efface pas la perplexité de l'intérêt du premier chapitre, que l'auteur reconnait avoir écrit a posteriori, comme je le pressentais, pour répondre à la nécessite de "planter un décor".
Une multitudes de petits vasistas s'ouvrent au fil des pages, parfois sonores. C'est New York, New York de Lisa Minelli, Dis-moi oui, Andy des Rita Mitsuko. Alors que Cyrille personnalise une dédicace on se surprend à baisser les yeux pour vérifier si la mythologie des chaussures à deux (ou trois) bandes repose sur une quelconque réalité. Puis le refermer en lui appliquant la formule d'Andy à propos d'un film (p. 99) : j'appelle beau un film non chiant. Et attendre le prochain avec une impatience contenue.
Deux jeunes artistes au chômage de Cyrille Martinez, Buchet-Chastel, 2011