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L’avion a subtilement posé ses roues sur le tarmac. Quel bonheur. Que je prenne la médication pertinente ou que je consulte un bon psy, l’essentiel est qu’il se passe quelque chose et que je place cette peur dans la section oubliettes de ma mémoire. Dans l’avion aujourd’hui, j’ai eu une superbe voisine. Superbe dans tous les sens. Une jeunesse sans âge, bien assise sur des talons hauts, un long pantalons blanc, un afro pas affreux (en référence aux affreux qui n’ont pas d’afro de M), une camisole qui dégageait des épaules et un corsage qui poussent l’esprit dans ses derniers retranchements. La fille n’avais jamais pris cet avion ou du moins ne savait pas comment attacher la ceinture. En boy scout indécrottable, je l’ai aidée. En vol, elle a vu sur mon iphone le visage de Jean Leloup. J’écoutais du John the Wolf, il y a des bonheurs fous de cette terre froide qui s’écoutent toujours. « Le monde est à pleurer », on n’y peut rien, c’est le monde à pleurer. La jolie voisine s’intéresse donc à mon iphone, ou plutôt à l’image qui est dessus. « C’est un chanteur ? » « Bof … peut-on dire que Jean Leloup est un chanteur ? » Je voulais lui expliquer que la folie et le génie pouvait se marier et accoucher d’un chanteur, mais pour faire simple, je lui ai dit oui. « Leloup est un chanteur québécois … mais pas du Québec ». Elle ne semblait pas me suivre. D’elle-même, avec ses faux ongles peinturlurés, elle a pris une de mes oreillettes pour écouter le gars sur la photo. Doucement, son corps s’est mis à se mouvoir. « Moi aussi je suis chanteuse » qu’elle me dit. « Ha ? ». « Je voyage vers Port-au-Prince pour aller chanter au concours Digicel Star. Je suis une des deux finalistes du Cap-Haïtien et demain, je vais chanter à la télé pour être sélectionnée dans la phase finale du concours. Allez-vous voter pour moi ? » Sûrement madame, sûrement… Oups désolé, mademoiselle.