Un des plus grands tableaux attribué au Titien, "l'homme au gant", présente une anomalie : le premier T de la signature ne serait pas de la même écriture que le reste du nom. Il se pourrait que cela soit la dernière oeuvre qu'il nous reste du Turquetto, peintre juif d'origine turque, ayant vécu à Venise, disciple du Titien, dont l'intégralité de l'oeuvre aurait disparu, et qui aurait eu une renommée au moins égale à celle de son maître. C'est la vie de cet inconnu que nous conte Metin Arditi, à travers plusieurs périodes clefs de sa prétendue histoire.
Pour faire simple, le livre se divise en trois parties. La première raconte l'enfance d'un petit enfant juif à Constantinople, vivant seul avec son père et ses frères et soeurs et sa nourrice. Ils sont pauvres, mais l'enfant est passionné de peinture et dessine des portraits à longueur de journées, au grand dam de son père, puisqu'il transgresse ainsi une règle juive qui interdit de représenter des créatures crées par dieu. Cette partie n'est pas la plus intéressante du roman. On a le sentiment que Metin Arditi passe à côté d'un immense sujet qu'il ne fait qu'effleurer : comment aller contre des interdits religieux lorsqu'on est enfant, que l'on a un don, et que l'on vit dans une famille pieuse. Là-dessus, je conseille vivement la lecture du livre de Chaïm Potok "Je m'appelle Asher Lev".
La dernière partie, celle du retour à Constantinople est elle aussi un peu faible. Baclée, sans inspiration on ne comprend pas très bien l'intérêt de ces dernières pages. Le livre arait gagné à s'arrêter à Venise.
En effet, le corps du texte, l'essentiel du roman raconte les dernières années de la vie de peintre à Venise de celui qui est devenu Le Turquetto, un peintre immensément célèbre, adulé par les masses pour sa capacité à retranscrire les émotions. Ces pages là sont de loin les plus belles. Elles sont magnifique. Metin Arditi excelle à décrire ce que fut la Venise de la fin du Moyen-äge, c'est à dire du temps de sa splendeur. Et, Ô surprise, on découvre une ville sale, aux rues pleines d'immondices, aux canaux insalubres, et où les religieux détiennent pouvoir absolu d'une main de fer. C'est criant de vérité et si loin des clichés habituels. On découvre une ville où les inégalités les plus fortes règnent, et où l'intolérance et l'injustice servent de loi. Surtout, Metin Arditi aime la peinture et sait transmettre cette passion avec talent et délicatesse.
Metin Arditi a du talent, c'est une évidence. Espérons qu'il saura gommer ses imperfections et nous donner un vrai grand roman dans sa totalité.
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