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David Rodigan : petit cours d'histoire accéléré des musiques jamaïcaines

Publié le 25 septembre 2011 par Davibejamaica
Le DJ anglais légendaire revient sur quelques événements marquants d’une carrière qui s’étend sur plus de 40 ans. Des premiers contretemps du ska aux récentes controverses touchant certains artistes, il offre un cours accéléré d’histoire des musiques jamaïcaines.

David Rodigan : petit cours d'histoire accéléré des musiques jamaïcaines


Quand est-ce que vous avez commencé à vous intéresser aux musiques jamaïcaines ?

David Rodigan: Comment beaucoup de monde, je suis tombé amoureux des musiques populaires lorsque j’étais adolescent. À cet âge, la musique prend une place particulièrement importante, car elle permet de découvrir des univers que les parents ne connaissent pas. Vers le milieu des années 60, j’ai entendu pour la première fois du ska et, depuis, je n’ai jamais cessé d’être fasciné par ce rythme à contretemps. C’était quelque chose d’un peu fou, d’énergétique, quelque chose qui vous emporte grâce à son soul. On trouvait toujours des raisons pour aller danser sur cette musique. Même si je ne suis pas le plus grand danseur, j’ai toujours aimé danser et cela nous a beaucoup rapprochés socialement. En plus, durant cette période, il y a eu des changements importants dans les musiques jamaïcaines. Du Ska on est passé au Rock Steady, avant d’évoluer vers un rythme dément, le Reggae. C’est à peu près là que tout a commencé pour moi. Cela fait presque 50 ans est ma passion est restée intacte. Je suis toujours fasciné par les nouvelles formes que peut prendre ce son. Même si la qualité a un peu diminué ces dernières années, il y aura constamment de la bonne musique en provenance de Jamaïque.


Quel public écoutait du reggae à cette période ?

À cette époque il s’agissait déjà d’un public très mixte. Je vivais à Oxford qui est un lieu très cosmopolite, notamment grâce à son université. Il y avait également une grande communauté d’immigrés jamaïcains qui travaillaient dans les usines automobiles. La plupart avaient emmené leur musique avec eux. En Grande-Bretagne, il y existait déjà un certain nombre de labels comme Island, Trojan, Palmer Records ou des programmes sur Radio Caroline. Les mods ont très rapidement adopté ce style, il considérait cette musique comme un signe de ralliement. Dans l’ensemble, il y avait une fascination pour ce penchant cosmopolite. Cette musique avait beau provenir des Caraïbes, elle touchait aussi bien les noirs que les blancs. C’est aussi simple que ça.


David Rodigan : petit cours d'histoire accéléré des musiques jamaïcaines

À quel moment avez-vous envisagé de devenir DJ ?

J’ai dû prendre conscience que je voulais devenir un DJ lorsque je passais des disques dans ma chambre tout en guettant depuis ma fenêtre pour voir si les passants dans la rue réagissaient. À l’âge de 15 ou 16 ans, j’ai commencé à jouer dans des maisons de quartiers ou chez des amis. Les gens avaient pris l’habitude de me demander d’emmener quelques disques avec moi lorsqu’ils organisaient une fête et c’est ainsi que je me suis improvisé comme le DJ attitré des soirées hebdomadaire de mon college. Un peu plus tard, j’ai suivi des études pour devenir acteur, mais cela n’a jamais diminué ma passion pour la musique.

Je voulais devenir DJ, même si cela n’était pas encore cool du tout à cette époque. Les DJ’s ne jouissaient pas de la même reconnaissance qu’à l’heure actuelle et les gens ne se rendaient pas dans les clubs pour écouter un DJ’s particulier. On se retrouvait dans le coin d’une pièce et les gens venaient simplement demander un titre en particulier. En plus, c’était difficile de draguer avec les filles ou de s’amuser avec les autres.


Pouvez-vous revenir sur quelques grands moments de votre carrière ?

Je me rendais régulièrement en Jamaïque pour produire des émissions radio et mon meilleur souvenir reste certainement lorsque Barry G m’a invité à participer à son show en 1983. À cette époque, il était le radio DJ le plus populaire du pays, son programme était diffusé le samedi soir. C’est à cette occasion que nous avons organisé pour la première fois un clash en direct sur une chaîne de radio. Les Jamaïcains étaient fascinés par le fait qu’un anglais puisse avoir l’audace de venir dans leur fief pour défier leur programmateur vedette.

L’impact a été énorme et nous avons décidé de poursuivre cette collaboration. Les gens parlent encore de ces émissions à l’heure actuelle. Par la suite nous avons commencé à organisé des clashes dans différentes villes avant de mettre en place un gros événement Rodigan vs. Barry G à Brooklyn en 1985. Malgré la neige qui tombait, des milliers de personnes formaient des longues queues à l’extérieur du bâtiment. Tout le monde connaissait ses programmes grâce aux copies de cassettes qui étaient en circulation. Cette collaboration avec Barry G s’est terminée en 1989 et, deux ans plus tard, j’ai pris part à mon premier clash contre le Body Guard. Les gens me disait que j’étais complètement cinglé de me frotter à un soundsystem de cette envergure. Au final, je ne me suis pas fait démonter et le duel est resté plutôt équilibré, A peu près à la même période, j’ai encore participé à divers clashes aux États-Unis avec Bass Odyssey, Stone Love ou Klimanjaro.


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Ces dernières années, la réputation des musiques jamaïcaines a été largement ternie par les propos homophoniques tenus par certains artistes. Quelle est votre position par rapport à ces questions ?

Effectivement, cela n’a pas fait du bien à l’image du pays, certains commencent même à l’assimiler à un état fasciste. Ils n’ont pas complètement tort, car c’est à partir de ce genre de préjugés religieux ou sexuels qu’on a fini par envoyer des personnes dans des camps ou dans des prisons. Beaucoup de personnes en Grande-Bretagne ont été choquées par ces déclarations. La relation avec l’homophobie est quelquefois devenue instantanée lorsqu’on parle de reggae et j’ai eu droit a beaucoup de remarques qui m’accusaient de défendre les intérêts de la Jamaïque en continuant à jouer cette musique. Tout cela est une véritable tragédie, car la musique jamaïcaine a toujours été destinée à défendre les opprimés du système corrompu de Babylone. Il existe un nombre infini de chansons que nous connaissant par coeur qui traitent ce thème. C’est pour cela que le reggae est devenu autant populaire, parce qu’il parle au monde de telle manière que les gens éprouvent le désir se relever et de lutter.


Comment envisagez-vous l’avenir du reggae ?

Grâce au rôle joué par Bob Marley et les groupes merveilleux qui ont rendu ce style autant apprécié de manière aussi spontanée par des publics très différents. Il y a une âme, de la passion et les productions de qualité resteront toujours au-dessus de la mêlée. Le reggae reste fondamentalement un style dissident qui s’est offert une place à part dans les musiques populaires, car il restera la musique des oppressés et des rebelles.

Interview réalisée par Joël Vacheron durant l'Electrosanne dans le cadre du Red Bull Music Academic Dôme.

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