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J’ai participé à la foire Saint-Michel

Publié le 30 septembre 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff
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Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Quoi, on est déjà le vendredi 30 ? Vous avez fini de me voler des jours pendant que j’ai le dos tourné, à la fin ? Non parce que là, il y a déjà une semaine que j’étais dans le feu de l’action pour tenir mon stand de caricatures à l’occasion de cette manifestation que les grands pontes de la ville de Brest ont rebaptisé « braderie Saint-Michel » (probablement pour faire plaisir à Martine Aubry dans l’hypothèse où elle deviendrait président de la République !) mais que le populo continuera à appeler « foire Saint-Michel ». Vous voulez que je vous raconte ? Je vous préviens, je n’ai pas pris de photos car il est déconseillé d’emporter trop d’objets de valeurs à cette manifestation où les voleurs ne se privent pas non plus…

VENDREDI 23 SEPTEMBRE, Jour J-1

16 h 30 : Mes amies Julie et Marjorie viennent me chercher pour que nous puissions organiser notre stand commun ; en effet, ces deux aimables personnes comptent saisir l’occasion pour vendre des fringues (de marque, tout de même !), des godasses et de vieux livres, une marchandise qui remplit déjà au-delà de ses capacités réelles le petit coffre de l’automobile de Marjorie, d’autant qu’à ce barda s’ajoute un mannequin d’étalage, que Julie espère vendre à un amateur. En plus, il faut y ajouter les trois chaises pliantes que j’apporte en renforts et le grand carton que j’ai fabriqué pour annoncer aux passants que je suis prêt à les caricaturer moyennant cinq euros (voir photos). Au final, on arrive à tout faire rentrer, mais il y a longtemps que je n’avais pas été aussi serré dans une voiture !

J’ai participé à la foire Saint-Michel

18 h 00 : Après avoir laissé nos bagages à main chez Marjorie, nous descendons tous les trois rejoindre Jean-Marc, le compagnon de Marjorie, et Baptiste, son petit garçon de 19 mois, sur le toit de la Carène (au port de commerce) où se tient un « apérilive » animé par Bobby & Sue (ambiance bluesy assurée !) et Black Churchill (plus Rock n’roll !). Le vin blanc servi à la buvette est un peu trop sec à mon goût, mais super ambiance, avec le soleil descendant peu à peu derrière le Cours Dajot qui nous surplombe.

20 h 00 : Nous rentrons en taxi chez Marjorie – la pente est trop pénible à remonter à pied, d’autant qu’il fait déjà nuit. Le prix du taxi plus celui du repas japonais commandé par Jean-Marc, je dois déjà dix euros à Marjorie ! J’ai intérêt à avoir des clients demain !

22 h 30 : Da gousket tout le monde ! On se couche à une heure inhabituellement peu tardive (ah, la vie étudiante !) mais nous devons être tous les trois sur place demain matin aux aurores, sinon nous n’aurons aucune chance d’avoir un emplacement convenable.

SAMEDI 24 SEPTEMBRE, Jour J

5 h 30 : Le réveil sonne, comme prévu. Chacun a plus ou moins de mal à se réveiller. Il fait encore nuit. Pour une fois, je bois du café afin de me donner un coup de fouet.   

6 h 30 : Ah, les joies de la rue au petit matin ! Tandis que nous avons du mal à mettre nos affaires dans une voiture déjà plein à bloc, deux bonshommes, manifestement beurrés comme des « p’tit Lu », se proposent de nous venir en aide. N’ayant pas l’habitude de me frotter à ce genre d’énergumènes, je leur lance « on ne vous demande pas l’heure qui l’est », ce qui ne les dissuade pas du tout de nous lancer, avec leurs grosses voix, une salve de plaisanteries lourdes, au grand dam de Marjorie qui se fait du souci pour son petit garçon qui dort encore. Je lui suggère de faire comme s’ils n’étaient pas là, mais mon habituellement souriante amie, mal réveillée, est folle de rage ; c’est la première fois qu’elle me crie « ta gueule » ! Je n’insiste pas…

  7 h 00 : Nous arrivons square Kennedy, où nous avions décidé, d’un commun accord, de nous installer. De toute façon, travaux du tramway obligent, il n’y a pas beaucoup d’autres endroits possibles. Marjorie gare sa voiture et nous cherchons où nous installer, ce qui constitue déjà un premier travail car il y a déjà autant d’animation qu’en plein jour et, subséquemment, peu de choix pour nous placer ; la difficulté de nous installer est accrue par l’obscurité, les jours allant déjà en se raccourcissant. Peu habitué à ce genre d’initiative – c’est la première fois que, pour me faire un peu d’argent, je tente le coup – je laisse les filles choisir ; une fois la place choisie, non loin d’un espace ludique destiné aux enfants, mes amies me demandent d’y rester pour garder notre espace tandis qu’elles déchargent la voiture.

7 h 30 : Il fait encore frais et je n’ai que ma chemise en lin sur le dos. Pour patienter et attirer l’attention, je chante « Tranche de vie » du grand François Béranger avec le rythme que le non moins grand Hubert-Félix Thiefaine a donné à sa reprise de ladite chanson. Je distingue déjà les mines des passants, j’en déduis que les opinions sur mon organe vocal sont plutôt partagées. Julie a l’idée de profiter des deux trous situés en haut de mon carton pour le suspendre à l’arbre situé près de nous ; plus débrouillarde que moi, elle trouve aisément la ficelle nécessaire à l’exécution de son idée. Un autre déballeur, situé près de nous, lui prête la chaise dont elle a besoin pour se hisser au plus près du feuillage, exigeant, en échange, que je ne chante plus ! Je me demande encore aujourd’hui s’il plaisantait ou parlait sérieusement à ce sujet.

  9 h 00 : Le jour s’est levé ; nous réalisons que nous sommes enclavés et qu’aucun sentier ne passe à proximité de nous. Si nous avions su, nous aurions passé la nuit sur place pour être sûrs d’avoir une bonne place ! Nous nous déplaçons dont jusqu’à l’avant de l’échafaudage destiné à permettre aux enfants de jouer et nous en faisons, avec mon carton désormais couvert également d’une annonce relative au commerce de Julie et Marjorie, une guérite improvisée destinée à attirer les regards. J’accueille mes deux premiers clients, un jeune garçon et une femme que je suppose être sa maman. Il faut y aller assez vite, pour ne pas faire attendre le client, je renonce donc très vite à gommer mon crayonné après le passage à l’encre et le donne tel quel ; les gens sont satisfaits, déjà dix euros d’encaissés alors que les filles n’ont encore rien vendu. Il ne m’est pas difficile de sourire pour attirer les gens, d’autant que Julie apporte des croissants.

10 h 30 : Toujours très peu de passants pour nous, notre déplacement n’ayant pas amélioré notre relatif enclavement, et donc très peu de vente. Les arbres nous font encore de l’ombre, mais la température monte. Julie et Marjorie se relaient pour tenir leur stand, l’une s’occupant des quelques clients pendant que l’autre fait son tour. Marjorie s’impatiente de voir arriver son compagnon et son bébé. Les gens hésitent à se faire tirer le portrait par votre serviteur, beaucoup de personnes auxquelles je propose l’affaire passent leur chemin en me faisant un sourire embarrassé comme si je leur avais fait une proposition malhonnête ou en me disant « non, merci, je suis déjà une caricature vivante ! » Ah, l’estime de soi…

12 h 00 : Très peu de ventes pour les filles, aucun nouveau client pour moi ; Marjorie nous revient avec des sandwiches commandés par Julie, je lui dois maintenant dix euros. Peu de goût, mais suffisant pour nous sustenter. Jean-Marc et Baptiste nous ont enfin rejoints. Un besoin pressant m’assaille, je me rends à la gare routière ; grâce à un jeune garçon sympathique qui sort des toilettes de cet édifice et qui me laisse la porte ouverte, j’évite d’avoir à payer pour entrer. Une fois cette affaire réglée, je retourne sur place, mais mon enthousiasme n’est plus de mise, le désespoir commence à me gagner et me forcer à sourire me fait mal aux zygomatiques : ma mère m’a souvent affirmé qu’on trouvait la vie plus belle quand on prenait la peine de sourire ; ça marche peut-être pour elle, mais pas pour moi.

13 h 30 : Marjorie me fait savoir qu’elle me trouve ridicule avec mon crayon en l’air. Je lui demande si elle a quelque chose de mieux à me proposer pour attirer les gens ; Julie me suggère d’aller faire l’homme-sandwich et de déambuler dans les environs avec un carton sur lequel il est écrit « caricaturiste ambulant et sédentaire ». Devant les regards peu amènes des passants, qui croient avoir affaire à un fou et que je n’ose pas interpeller davantage, je renonce très vite, non sans avoir laissé ma carte à la seule personne qui m’a manifesté de l’intérêt. Je n’arrive plus à sourire, Marjorie que ce n’est pas en « faisant la gueule » que je vais avoir du monde ; j’envie la facilité avec laquelle cette jeune femme, qui est manifestement là pour prendre l’air et non pour gagner de l’argent, garde le moral.

14 h 00 : Vivement poussé par mes deux amies, je retente le coup, mais sans déambuler : je me contente de me mettre sur le chemin et d’interpeller les passants, ce qu’il m’est plus facile de faire quand je suis statique. Toujours aucun résultat. J’évite soigneusement, évidemment, de m’adresser aux particuliers arborant un air plutôt méfiant et agressif – ce n’est pas la majorité, mais quand même.

14 h 15 : Je retourne au stand pour calmer l’énervement que cette attente interminable suscite en moi et pour profiter un peu de la présence de quelques amies qui nous rejoignent. Je chante « Rien à secouer » des Goristes pour attirer l’attention, mais sans résultat probant. Je ne crois déjà plus pouvoir rembourser Marjorie sans en être de ma poche, à cette désillusion s’ajoute la torture mentale que l’odeur des frites, saucisses, gaufres, crêpes et chichis que consomment les badauds imposent à mon organisme déjà fatigué et peu alimenté.

16 h 00 : Enfin une troisième cliente, en l’occurrence une bénévole du centre socioculturel de Guilers, qui donc me connait et se dit prête à me soutenir. Elle promet de parler de moi au bureau de l’association qui gère le centre, espérant me permettre de tenir un autre stand de caricature au cours d’un vide-grenier prévu pour bientôt et dont la plus faible envergure devrait me donner plus de chance. Affaire à suivre… Quinze euros d’encaissés, je peux rembourser Marjorie.

16 h 30 : Je décide de me dégourdir les jambes. On voit de tout, et je me dis que les filles peuvent se consoler : même les déballeurs mieux placés que nous n’auront sûrement pas tout vendu à la fin de la journée. Je me laisse aller à acheter, moyennant un euro, un album de B.D. collectif sur le père Noël, dont je vous reparlerai à l’occasion ; l’opus mérite ce petit investissement, mais je n’aurais pas acheté ce livre au prix fort. Je craque aussi pour un stand de crêpes, où j’achète avec joie une « beurre-sucre » et une autre au chocolat.

17 h 00 : En retournant au stand, je croise mes amis Mikaël et Émilie qui me cherchaient. Je tire le portrait, sur une seule et même feuille, de ce couple, ce qui lui revient moins cher. Je m’y retrouve tout de même, grâce à eux, je dégage enfin un bénéfice décent. Tout en dessinant, je discute avec Mikaël de nos projets communs, dont je vous entretiendrai ultérieurement.

18 h 30 : Beaucoup de déballeurs commencent déjà à rentrer la marchandise, dont ceux qui étaient placés juste devant nous. Nous profitons de la place vacante pour nous rapprocher du chemin. J’achète à Marjorie, pour un euro, un recueil d’Alphonse Allais en livre poche, édité par Siné. Julie désespère de trouver un acheteur pour son mannequin, malgré le bon mot qu’elle a trouvé pour le vendre, « qui veut d’un homme qui a des abdos et qui ne parle pas ? » À présent, j’ai de la lecture pour patienter.

19 h 00 : Julie a enfin vendu son mannequin, une jeune femme que Marjorie aiguille, elle et ses deux copines, vers moi. Elles se font tirer le portrait toutes les trois ; grâce à elle, j’aurai gagné vingt-cinq euros net sur la journée, chiffre que je ne peux pas m’empêcher de trouver décevant au regard de ce que j’attendais de cette initiative que tout le monde s’accorde à trouver originale, peut-être un peu trop pour le public de la foire Saint-Michel qui vient plutôt dans l’espoir de trouver la bonne occase.

19 h 40 : Julie me raccompagne jusqu’à l’arrêt où je vais attendre le bus qui me ramènera chez moi, Marjorie m’ayant promis de me ramener les chaises pliantes. Je me sens un peu comme dans Le trésor de Rackham le rouge, lorsque Tintin, quittant l’île où le trésor n’a pas été trouvé, dit au capitaine Haddock « Allons, capitaine, ne soyez pas déçu : après tout, nous ne rentrons pas complètement bredouilles ! » Julie dans le rôle de Tintin et moi-même dans le rôle de Haddock, ce qui nous va comme un gant.

Conclusion : Une fois rentré chez moi, ma mère me suggère, si je retente une initiative de ce style, de baisser mes prix : cinq euros pour une caricature, c’est peut-être excessif pour des gens qui ont de plus en plus de problèmes de pouvoir d’achat. J’en prends bonne note et je me promets que si je réessaie l’année prochaine, je passerai probablement la nuit sur place afin de trouver plus facilement un bon emplacement. Espérons que les travaux du tram auront suffisamment avancé pour rendre ce problème moins délicat à résoudre. De surcroît, je me permettrai davantage d’aller chiner de mon côte, puisque la clientèle potentielle m’en laisse le temps. De toute façon, je ne le ferai sûrement pas seul, ma plus grande satisfaction pour cette journée étant d’avoir pu le faire en compagnie de mes amies Julie et Marjorie. Enfin, qui vira verra… Allez, kenavo !


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