En 1999, alors que le lancement de la station spatiale Nouvelle Frontière a précipité le monde dans le chaos de la troisième guerre mondiale, un vaisseau spatial extraterrestre colossal s’écrase sur l’île de Macross, dans le Pacifique. Devant la perspective d’une invasion de la Terre par des êtres venus d’ailleurs, les nations se rassemblent sous une seule bannière pour mettre leurs efforts en commun afin de protéger le genre humain ; à cet effet, l’exploitation de la technologie de l’épave tombée du ciel devient une priorité.
Dix ans plus tard, en 2009, le navire extraterrestre remis en état et baptisé SDF-1 s’apprête pour son vol inaugural. C’est alors que surgissent les zentradiens, venus du fin fond de l’univers pour réclamer ce vaisseau qui leur appartient. Très vite, les événements s’emballent et l’Humanité bascule dans la première des trois Guerres Robotech qui bouleverseront le monde pour toujours…
Comme ceci arrive souvent dans le registre des productions de l’esprit, le projet Robotech trouve ses racines dans un concours de circonstances assez inhabituel. Si au départ ses créateurs souhaitaient distribuer uniquement The Super Dimension Fortress Macross (Noboru Ishiguro ; 1983) aux États-Unis, les chaînes locales, elles, ne permettaient pas sa diffusion en raison de son nombre d’épisodes trop réduit. Pour cette raison, Harmony Gold décida de combiner Macross avec plusieurs autres productions afin d’obtenir le nombre d’épisodes minimal requis. S’ils envisagèrent un temps de placer bout à bout les trois réalisations de la série « Super Dimension » – qui, outre Macross, comprend The Super Dimension Cavalry Southern Cross (Yasuo Hasegawa ; 1984) et The Super Dimension Century Orguss (N. Ishiguro ; 1983) –, le studio de doublage avec lequel ils se trouvaient en affaire, lui, avait obtenu les droits de Genesis Climber Mospeada (Katsuhisa Yamada ; 1983) dont la traduction était déjà bien entamée. Ainsi se vit écarté Orguss…
Mais combiner de la sorte trois productions au départ indépendantes exigeait de reconsidérer leur narration respective pour que le résultat final donne un récit cohérent, et surtout pas l’impression que les trois productions avaient simplement été mises bout à bout – comme d’ailleurs ses créateurs l’avaient envisagé pendant un temps en espérant que les chaînes de télévision n’y verraient que du feu… Voilà pourquoi les productions originales se virent plus ou moins considérablement altérées afin de s’intégrer aux deux autres, notamment à travers l’ajout de divers éléments absents des récits de départ – comme la Fleur de Vie et son fluide primal qui sert ici de carburant pour les mechas. Pour couronner le tout, et afin de ne pas choquer les parents du public cible, les personnages subirent une simplification aux allures de caricature, leurs noms furent américanisés jusqu’au ridicule, un narrateur se vit introduit pour expliquer des évidences, et bien sûr les passages violents disparurent en entier. Parmi divers outrages.Devant ce carnage, les fans occidentaux d’animes de l’époque, ou du moins ceux qui connaissaient leur affaire, c’est-à-dire des gens somme toute assez peu nombreux, hurlèrent bien sûr au scandale. Sans effet aucun. Les lois et les administrations avaient encore une fois écrasé la création artistique sous la bureaucratie et les copyrights, et le monde ne s’en était pas arrêté de tourner pour autant… À vrai dire, il s’était même plutôt enrichi : Robotech, en effet, et dans la continuité de plusieurs autres productions du moment, comme Voltron (plusieurs réalisateurs ; 1981) ou Transformers (Kozo Morishita ; 1984), parmi divers titres, contribua largement à la diffusion de la culture anime hors du Japon – pour cette raison au moins, ses détracteurs se plaignirent pour rien : le massacre, en fin de compte, avait eu pour résultat la concrétisation de leurs attentes. Robotech reste d’ailleurs depuis cette époque une production aux nombreux fans de par le monde, qui en conservent un souvenir ému et lui vouent encore une affection pour le moins enthousiaste.
Il faut bien dire aussi qu’en dépit des coupes et des ajouts, l’esprit original des productions de départ restait malgré tout assez intact, d’une part, et que ce qui faisait leur attrait auprès d’une audience jeune et masculine – action et mechas – demeurait tel quel, d’autre part. Sous bien des aspects, d’ailleurs, Robotech, s’affirmait comme une production hors du commun, et peut-être même sans pareil aucun dans le domaine de la science-fiction sur le petit écran. En dépit de certaines incohérences d’une époque du récit à l’autre, mais somme toute assez mineures, l’ensemble se montrait pour le moins surprenant dans son échelle temporelle qui étalait son récit sur plus de 30 ans en faisant se télescoper plusieurs générations de héros à travers une aventure épique transcendant les époques. Plus qu’une histoire, c’était une vision de l’Histoire d’un futur possible (1). Bref, du jamais vu jusqu’alors pour toute une génération de spectateurs habitués à des choses à la fois bien plus simples et répétitives – surtout dans le genre mecha.Et que l’ensemble conserve encore la plus grande partie de sa force, malgré une animation bien évidemment surannée, prouve bien que Robotech compte parmi les œuvres d’exception, voire peut-être même les classiques. Pour toutes ces raisons, n’hésitez donc pas à vous pencher dessus si l’occasion se présente à vous : de par son âge même, puisqu’elle date de cette époque où les distributeurs n’avaient pas les mains liées par les exigences des fans, Robotech reste un pan de la culture anime dans tout ce que celle-ci peut avoir de plus… inattendu.
Et puis, qui sait ? Cette production assez unique en son genre pourrait même vous plaire…
(1) à ne pas confondre avec une « histoire du futur », terme désignant une suite de récits qui dépeignent un avenir en évolution et dont chaque histoire permet d’en explorer un segment ; beaucoup d’écrivains de science-fiction ont produit des séries de ce type, tels qu’Isaac Asimov (1920-1992), Arthur C. Clarke (1917-2008) ou Robert A. Heinlein (1907-1988), pour citer les plus connus. ↩
Spin-off et séquelles :
Robotech: The Untold Story (Carl Macek ; 1986) se déroule durant les événements de Southern Cross, le segment central de Robotech. Bien que basé sur le film Megazone 23 (N. Ishiguro ; 1985), auquel furent ajoutées des séquences de The Super Dimension Cavalry Southern Cross, ce film se conclue sur des séquences réalisées juste pour cette édition américaine. Un échec retentissant aux États-Unis, ce film connut néanmoins beaucoup de succès dans divers pays tels que l’Argentine.
Robotech II: The Sentinels (Carl Macek ; 1986) devait au départ être une nouvelle série TV racontant l’odyssée du SDF-3 et de son équipage, commandé par Rick Hunter devenu amiral, vers le monde des Maîtres de Robotech pour y négocier la paix avec eux mais qui trouve cette planète aux mains des invids… Des circonstances boursières défavorables sont à l’origine de l’arrêt du projet dont seuls les trois premiers épisodes furent produits ; ceux-là furent mis bout à bout pour réaliser ce film.
Robotech: The Shadow Chronicles (Tommy Yune ; 2005) se déroule durant les tous derniers épisodes de la série TV originale dont ce film oriente la conclusion vers l’ouverture d’une nouvelle saga où l’alliance humains-haydonites – une race extraterrestre introduite dans les comics adaptant le projet avorté The Sentinels – révèle une menace sous la forme d’une espèce appelée « Les Enfants de l’Ombre ». On reste sans nouvelles à ce jour du projet de série TV que ce film devait amorcer.
Adaptations :
Si la licence Robotech échoua à s’incarner dans une nouvelle série TV, son exploitation dans le format comics prend de telles proportions qu’il semble assez illusoire de tenter d’en recenser toutes les productions. Nombre de celles-ci auraient pu se trouver citées dans le paragraphe précédent tant elles couvrent de sujets différents.
En jeux vidéo, on peut citer Robotech: Battlecry (2002) un TPS pour Xbox, PS2 et GameCube ainsi que Robotech: The Macross Saga (2002) un shoot them up pour GBA, mais aussi Robotech: Invasion (2004) un TPS/FPS pour Xbox et PS2. Robotech: The New Generation (2007), pour téléphones mobiles, est le dernier titre en date à ce jour.
À l’automne 2007, après le succès international du premier film Transformers, la société de production Maguire Entertainment appartenant à Tobey Maguire a déclaré avoir acquis les droits pour une adaptation de Robotech en long-métrage live action. On reste sans nouvelles à ce jour de ce projet qui semble en development hell…
En jeu de rôle sur table, sous le titre de Robotech: The Role-Playing Game, édité par Palladium Books et écrit par Kevin Siembieda pour la majorité des volumes. Si le premier livre de règle se concentre sur la période Macross, les diverses extensions se penchent sur les autres époques de la série TV originale ainsi que sur Shadow Chronicles et The Sentinels.
En une série de romans, écrits par Jack McKinney – en fait le nom de plume du duo James Luceno et Brian Daley (1947-1996). Si la série TV originale comprend 12 volumes, la période correspondant à The Sentinels en ajoute cinq de plus et un dernier conclue la saga d’une manière que de nombreux fans trouvent bien peu satisfaisante…
Notes :
Le titre Robotech est en fait une invention de la société Revell, fabricante de kits de modélisme, qui avait obtenu les droits de distribution hors Japon des maquettes tirées de Macross, Orguss, Mospeada mais aussi Fang of the Sun Dougram (Ryousuke Takahashi & Takeyuki Kanda ; 1981) : quand Harmony Gold voulut établir un partenariat avec Revell pour la distribution de la série TV aux États-Unis, le fabricant de maquettes leur imposa le nom de Robotech avec lequel il souhaitait vendre les jouets japonais. Pour plus de détails, le lecteur curieux se penchera sur l’article La Saga des kits Robotech chez Hobby Forever.
La vidéo qui accompagne ce billet est celle du générique français de la toute première diffusion de Robotech sur la Cinq en 1987, retenue ici pour son aspect nostalgique ; ceux d’entre vous curieux de savoir ce que donne le générique américain original peuvent l’écouter ici.
Robotech, Robert V. Barron, 1985
Déclic Images, 2002
85 épisodes / trois coffrets, env. 40 € le coffret (occasions seulement)
- le site officiel de Robotech (en)
- Robotech Comics Blog (en)
- l’avis de Kamehameha Japanime
- le guide des différences entre Robotech et les séries originales (en)