Être français devient un privilège monnayé
Aujourd’hui, nous allons découvrir un nouveau pan de la vie politico-économique française, la partie « arrière-boutique » où sont votées les lois qui permettent l’emballement de la ponction fiscale tous azimuts. Et cette fois-ci, nous allons découvrir dans un voyage glauque et humide une République qui s’asphyxie sous son propre poids.
Et ce voyage commence donc inévitablement sur une proposition de loi déposée récemment par le député Yves Nicolin et toute une clique de frétillants ponctionneurs présentés dans une liste facile à retenir et à ressortir un jour où des comptes seront demandés.
L’idée générale de cette loi est résumée dans les grandes lignes du titre : il s’agit d’une loi « visant à permettre la perte de nationalité pour les citoyens non domiciliés fiscalement en France. »
Comme le projet est relativement court, il est pour une fois facile d’en comprendre les tenants et les aboutissants : si un bi-national (cette engeance fourbe et chafouine qui n’a pas choisi clairement son camp, la traîtresse) venait bêtement à vivre hors de France et à n’y plus payer d’impôts, paf, la France le déchoit de sa nationalité moyennant un petit coup de tampon ici, là et là, signez en bas, merci, ces messieurs ici présents vont vous raccompagner et n’y revenez plus.
Eh oui, que voulez-vous : être Français, c’est un privilège qui se mesure, précisément, aux impôts payés. Ah oui, sur ce coup là, nos joyeux histrions de l’Assemblée Nationale se sont vigoureusement retroussés les coudes, pas de doute !
Vous me direz, ce n’est pas faux. Si la France a su exceller dans un domaine, c’est bien celui de ponctionner son cheptel de citoyens jusqu’à la plus petite fibre, du caoutchouc hypoallergénique de sa tétine jusqu’au bois éco-certifié FSC de son cercueil. Dès lors, si un Français ne paye plus d’impôts en France, ce n’est pas louche, ce n’est pas suspect, c’est forcément criminel, et doit être puni. D’où, paf, déchéance.
Le raisonnement des parasites ponctionneurs est donc parfaitement logique : tu payes de l’impôt, yabon français. Tu ne payes pas : tu dégages.
Attardons-nous quelques instants sur l’exposé des motifs : il est là, il est rigolo, ne boudons pas notre plaisir.
On y décèle, outre la charrette bien chargé d’hypocrisies républicaines et insupportables, ces deux propositions ma foi un tantinet autistes : d’une part, on y déclare que « l’impôt doit être juste et modéré », et d’autre part que « les évadés fiscaux bénéficient d’une fiscalité avantageuse à l’étranger ».
Mais dites-moi, messieurs Nicolin, Vanneste, Raoult et tous les autres petits profiteurs des largesses républicaines, si ces évadés fiscaux se sont enfuis de la prison France, pour bénéficier d’une fiscalité avantageuse à l’étranger, c’est bien parce que l’impôt n’est plus ni juste ni modéré, ne croyez-vous pas ?
Mais sans même s’attarder sur les contradictions internes des motifs, dont tout l’exposé suinte grassement la haine de ces gens qui ont réussi à se sortir des griffes du moloch fiscal (et qui montre au passage à quel point l’Etat est aux abois), la proposition de loi elle-même provoque une série de réflexions évidentes :
a. Puisqu’apparemment, ces petits suceurs de deniers publics lient directement la nationalité à l’imposition, allons jusqu’au bout de la manœuvre : si on refuse sa nationalité française, on doit pouvoir être complètement détaché des impôts français ! Mieux : si l’on est étranger vivant en France, puisque, par définition, on n’est pas Français, on n’est plus assujetti aux impôts français. Voilà qui va faire des heureux, tout d’un coup. On sent que cette question sera soigneusement évitée tant elle est bien plus motivée par l’appât du gain que par quelque recherche d’équité que ce soit.
b. Un Français bi-national (honte soit sur lui, qui n’a jamais violemment rejeté cette autre nationalité qui lui tache l’état-civil, pouah pouah pouah) qui vit hors de France — hors d’Europe, pour être précis — ne bénéficie à l’évidence d’aucun des magnifiques services que la France a à lui offrir. M’est avis qu’il ne s’en porte pas systématiquement plus mal, d’ailleurs, mais bref. Ne jouissant d’aucun de ces services (que le monde nous envie pourtant), pourquoi devrait-il payer ?
c. Et pour terminer, on pourra s’étonner (modérément, hein, les politocards nous ont habitué à ce genre d’étrons législatifs réguliers) du Deux Poids Deux Mesures que ce texte provoque : on se souvient de l’affaire Liès Hebbadj qui avait déclenché un tollé de la belle gauche lorsqu’il s’était agi de le déchoir de sa nationalité française. On se souvient aussi des cris stridents d’une partie de la majorité et de l’opposition lorsqu’il a en été question aussi pour les assassins de policiers.
Or, lorsqu’il s’agit de question d’impôts, personne ne moufte. Pas un petit bruissement à gauche. Pas un pet à droite. Ça se tient à carreau. Il faut dire que ça vit de ces impôts, justement. Que ça grignote du moutontribuable à longueur de journée.
Et surtout : assassiner un policier, ce n’est pas assez grave pour déchoir un individu de sa nationalité. Ne pas payer ses impôts français, en revanche, là, ça dépasse la limite de toutes les bornes.
Une fois ces quelques remarques mises à plat, l’exposé des motifs devient transparent, ne trouvez-vous pas ?
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