Ils se sont connus dans les années 80 à Paris après que Limonov a publié Les poètes russes préfèrent les grands nègres, quand il était un jeune écrivain branché qui collaborait à L’Idiot international de Jean-Edern Hallier, passait chez Ardisson, s’habillait avec des vareuses de l’armée rouge...
Il a eu une trajectoire agitée, Edouard Limonov. Fils de tchékiste du KGB, successivement petit voyou russe, poète, star de l’underground soviétique, clochard à New York, valet de chambre, écrivain branché parisien, guerrier pro-serbe, fondateur et directeur d’un parti d’extrême-droite russe, le Parti national-bolchévique.
Carrère l’a choisi comme sujet de cette biographie-roman parce qu’il pense que son destin révèle quelque chose sur l’Histoire. Il a raison.
Limonov, hanté par l’idée de devenir un héros, s’est collé à beaucoup d’événements importants du dernier demi-siècle. Dans le livre, il sert d'illustration à plusieurs moments historiques. Sa vie éclaire le communisme soviétique, le libéralisme US, la guerre des Balkans, la Russie elstinienne ou le système Poutine.
C’est cette fonction de révélateur, les anecdotes autour de cette trajectoire, l’écriture de Carrère aussi, vivante et maîtrisée, qui rendent le livre palpitant. Il est ambigu aussi.
En le lisant, on ne peut qu’admirer l’énergie d’Edouard Limonov, sa vitalité, son désir accompli d’être toujours du côté des plus faibles, pas par
Mais il y les vidéos sur youtube. Je vous mets ci-dessous celle où on voit notre Russe écouter respectueusement Karadzic devant Sarajevo. Le moment intéressant, qui a d’ailleurs fasciné Carrère, est celui où Limonov tourne autour d’une mitraillette et finalement s’installe pour lâcher des rafales sur Sarajevo. Qu’il ait visé des civils ou qu’il ait tiré en l’air, comme il se justifiera plus tard, a certes une importance cruciale.
Mais ce qui ressort surtout de ces images, c’est que ce type qui s’est voulu un héros toute sa vie, un surhomme, un dominant, donne l’image d’un petit gamin admiratif fasciné par la puissance et les outils de morts: un type finalement assez minable.
Emmanuel Carrère, Limonov, P.O.L.