Parce que j'en ai honte. Je n'ai pas été élevé à faire de la sous-traitance dans ma maison. À y installer une relation d'affaires.
Quand j'étais jeune, il y avait des familles, dont la maman était officiellement femme au foyer, qui se faisait venir une dame afin de faire le ménage chez elles. Ce que je ne comprenais pas, c'est que ses mères restaient souvent sur place afin de superviser le travail de l'employée engagée pour le faire. J'avais un relatif mépris pour Madame G. que l'on voyait par la grande fenêtre de son salon. Elle lisait sa revue, assise dans son divan, et levait les pieds pour laisser son employée passer la balayeuse. Exactement comme certains hommes de l'époque la faisait et qui étaient hautement méprisé de le faire avec leur femme. Ce n'est pas DSK qui a inventé le mépris pour la bonne. Je ne voyais à l'époque que le sadisme d'une femme qui, à défaut d'avoir une emprise sur quoi que ce soit dans la vie, se plaisait à se faire vengeance et à faire travailler quelqu'un tout en engraissant dans le divan. Quelques fois sa fille me disait qu'elle montait se faire une beauté à l'étage pendant que l'étrangère faisait du ménage. Comme si le cygne devait se distinguer du vilain petit canard au moment précis où celui-ci entrait dans la cabane.
"Ta mère est elle malade? a-t-elle des problèmes de dos?"
"Non, elle aime juste pas ça faire le ménage"
Si ça c'était limité à elle, je n'aurais pas eu d'autres pensées sur la ménagère. Mais c'était courant dans ma rue pseudo bourgeoise de Sillery, presque toutes les maisons sauf la nôtre avait leur petite madame qui venait faire le ménage. Quelque fois le samedi! quand les enfants couraient partout avec leur cornets qui coulaient sur le plancher de la cuisine et avec leur vélos plein de bouette dans l'entrée qui mène au sous-sol "juste pou' voir si je suis capable de descendre les marches en bécyk sans me péter la gueule" (not). J'avais pitié de ses femmes, bien souvent des femmes d'origines étrangères. Je me demandais si elles méprisaient leur employeur. Quand les Houdes ont étés volés par les frères de Conchita, leur femme de ménage, mon idée était pas mal faite sur l'étranger dans ma maison qui fait ce que je peux faire, que j'immisce dans notre intimité, que je paie parce que je suis riche et un peu fainéant et que j'exploite.
Par association amoureuse toutefois, j'y ai été plongé. J'avais bien dit à la belle de ne jamais installer un(e) étrangèr(e) dans notre couple mais, ayant des limites plus tolérantes que les siennes, elle a craqué et a engagé en secret une femme d'origine mexicaine il y a 3 ans. Je l'ai su tout de suite dès la première semaine car les choses étaient mal redisposées dans la maison et j'ai fait semblant que je n'en savais rien pour ne pas créer de chicane avec la belle dans la cabane. "Oui mais tu le fais pas!" m'aurait-elle répondu. "Oui je le fais quand je le remarque et que ça m'agace mais ça m'agace jamais avant toi" j'aurais répondu et gnagnazzzzz! je me serais endormi avant la fin de ma phrase, me pensant marié.
Quand j'ai commencé à travailler à partir de chez moi c'est devenu exactement l'irritant anticipé. Je craignais que l'on trouve qu'elle ne travaille pas à notre goût. Je craignais qu'elle ne passe pas au moment où nous voulions qu'elle passe. Je craignais que nous ne retrouvions pas nos affaires quand elles les déplaceraient. Je craignais qu'elle nous brise des affaires. Je craignais qu'une relation d'affaires dans la maison de l'amour ne vienne polluer notre existence. Je craignais surtout que l'on apprenne à nos enfants à ne jamais se rammasser "parce que de toute façon la F de M passe demain". Je le craignais tellement que je gardais l'existence de cette femme parfaitement cachée à mes enfants. Exactement comme l'amoureuse l'avait fait avec moi. Avec le même succès. Rapidement les enfants ont vu cette femme qui rentrait chez nous n'importe quand et le mots femmes de ménage ne sont plus restés aussi tabous que je l'aurais souhaité chez moi.
De plus, il est tout à fait difficile pour le travailleur à la maison de négocier avec tout ça. Il est strictement défendu, dans la construction de mon être, de rester à la maison si elle y travaille. Donc à son arrivée je décrisse. Je me trouve des choses à faire pendant deux heures hors de la maison. Bibli/épicerie et autres errances commencent. Je brûle du pétrole.
Tout, tout, tout tout tout et plus encore, ce que je craignais c'est confirmé. On s'est embourgeoisé, elle est terrible dans "son" travail, pas fiable du tout et ça pollue notre existence.
L'amoureuse, à bout de patience, a appelé le 27 pour la faire remplacer. Maria devait passer ici depuis jeudi, le 15 septembre dernier.
C'est moi qui courait après le double de la clé qu'on lui avait laissé.
Des gens de son entourage viendront peut-être me voler avant que nous changions d'adresse.
Après tout sa partenaire occasionnelle... a-t-elle un double elle-aussi?
Il y avait un lourde odeur de fumier qui émanait de ma salle de bain dans l'entrée.