Sur le fond cette idée de mobiliser l’armée chère à M. Ciotti et aussi chez des gens comme Ségolène Royal participe de la même démarche simpliste : l’autorité est la valeur première. Il faut mater les récalcitrants. Il faut leur faire peur – la crainte de la sanction sera la meilleure des préventions avance-t-on pour justifier un droit pénal de sanction à l’acte – ; il faut les cadrer, y compris par en faisant preuve d’autorité. Et puis il faut leur inculper quelques valeurs qui leur aurait échappé : l’honneur, patrie, la nation, le drapeau.
On vient de voir en Norvège combien ce discours mal digéré pouvait être dangereux.
Jean-Pierre Rosenczveig, juge des enfants
Encadrement militaire des délinquants : pourquoi ne pas demander aux éducateurs de piloter des chars d'assaut ?
Le Groupe SOS réagit à la proposition de Madame Ségolène Royal d'expérimenter l'encadrement militaire des jeunes délinquants. Dans un contexte politique d'enchères sécuritaires, la question de la prise en charge de la délinquance des mineurs revient au cœur des enjeux électoraux. Pourtant, de l'encadrement militaire à la responsabilité pénale des parents, à droite comme à gauche, démagogie ne rime pas avec efficacité.
L'expérimentation proposée par la Présidente de la Région Poitou Charente n'est pas nouvelle. De 1986 à 2003, par exemple, les Jeunes en équipes de travail - "stages de rupture" à l'intention des jeunes délinquants, encadrés par l'Armée de Terre - ont fait face à deux sources d'opposition : les éducateurs du Ministère de la Justice, et l'Armée elle-même ! L'avenir de cette illusion et de cette confusion des rôles n'a fait que leur donner raison : ces dispositifs ont cessé leur activité et présentent un bilan très mitigé, de l'avis même de leur concepteur. Pourquoi vouloir relancer une expérimentation coûteuse et inefficace alors que des solutions ont fait leurs preuves ?
Comme l'ensemble des professionnels et des associations au service de l'enfant, le Groupe SOS a fait sien le principe de l'ordonnance de 45 : faire primer l'éducation sur la répression. Fort de ses 15 ans d'expérience dans l'éducatif via l'association SOS Insertion et Alternatives, le Groupe SOS dispose aujourd'hui de 11 structures d'accueil de mineurs en difficulté.
Mis en place depuis 1996, les CER sont des structures qui prennent en charge les mineurs délinquants récidivistes, sur décision du juge des enfants, du juge d'instruction ou du tribunal pour enfants. Accueillant jusqu'à 8 jeunes placés au titre de l'ordonnance du 2 février 1945 pour des sessions de 3 à 6 mois, les CER créent une rupture physique et psychologique avec leur environnement naturel. Eloignement, déconditionnement, rupture : le triptyque du CER constitue un outil pédagogique de qualité. SOS Insertion et Alternatives complète ce mode de prise en charge avec 5 unités d'hébergement diversifié qui poursuivent le travail engagé dans les CER par un accueil en famille-relais ou en logement autonome. Grâce à un accompagnement éducatif renforcé, les jeunes peuvent se construire un avenir. Ces modalités de prise en charge donnent des résultats encourageants et garantissent une insertion durable, par l'accès au logement, à l'emploi ou à l'activité. Nous invitons le personnel politique à connaître et à faire connaître ces différentes actions qui, additionnées, concourent efficacement à la prévention et au traitement de la délinquance des mineurs.
Les grandes idées censées régler le problème de la délinquance ont peut-être l'effet médiatique recherché à l'approche d'une échéance électorale. Elles occultent cependant la vraie question : celle des moyens octroyés au dispositif de protection de l'enfance, à l'aide sociale à l'enfance, à la prévention spécialisée, aux juges des enfants, à la protection judiciaire de la jeunesse, aux associations habilitées par le Ministère de la Justice. Il faut donner aux professionnels les moyens de faire leur travail. Il faut que les politiques cessent de faire croire à l'opinion que le traitement de la délinquance des mineurs ne serait que l'affaire des forces de l'ordre et des magistrats. Sans même parler des militaires.
L'éducation n'est pas l'affaire des militaires, c'est d'abord l'affaire des parents. Quand ceux-ci sont empêchés, c'est l'affaire des professionnels de l'éducation. Il n'existe pas de réponse magique dont pourrait se réclamer un candidat à une élection. L'éducation des mineurs délinquants est une affaire bien trop sérieuse pour la confier à des institutions dont ce n'est ni la mission, ni le métier.