On sait que sous des airs de mythe, les All Blacks ne sont pas particulièrement philanthropes. Ou, pour être tout à fait exact, leur fédération.
L'annonce, par la NZRU, d'un possible boycott de la prochaine édition de la Coupe du monde, ne doit donc pas étonner. Le motif invoqué par la fédération réside dans le manque à gagner que la participation de son équipe fanion à la compétition lui occasionne. La faute au réglement draconien de la RWC Limited, société privée chargée par l'IRB de superviser l'organisation de l'événement. Pour simplifier, les fédérations nationales et leurs équipes ne peuvent faire de la publicité pour leur compte (avoir ce qu'on appelle délicatement leurs propres "parraineurs"). La faute, également, au calendrier qui prive les All Blacks de lucratifs matchs de Tri-Nations et de tournée automnale.
Les difficultés financières de la NZRU ne sont pas nouvelles. Ce sont elles qui ont conduit la fédération à accepter de la publicité sur le sacro-saint maillot des All Blacks. Plus récemment, elles ont motivé un lobbying très fort de sa part sur les membres de l'IRB pour que lui soit confiée l'organisation de la Coupe du monde 2011.
L'absence de l'équipe de Nouvelle-Zélande lors de l'édition 2015 serait évidemment une catastrophe, non seulement pour le pays organisateur, mais aussi pour le rugby lui-même. On objectera que l'Afrique du Sud, autre mythe ovale, n'a pas disputé les deux premières éditions. Mais les motifs étaient autrement plus graves et légitimes. De surcroit, appâté par l'odeur de l'argent, les Australiens seraient eux aussi près à boycotter l'événement en 2015. Pour le coup, le trophée William-Webb-Ellis perdrait absolument toute légitimité à porter le titre de "coupe du monde".
Les moyens de pression dont disposent les deux fédérations sont apparemment importants. Sauf qu'on ne voit pas bien ce que pourrait leur rapporter un tel boycott si l'IRB tenait bon. En maintenant la coupe du monde, l'instance internationale priverait de fait l'Australie et la Nouvelle-Zélande de tournée d'automne en Europe, très lucratives. Quant au Tri-Nations, il serait possiblement rallongé de deux journées, ou même quatre, pourquoi pas. Mais pour quelle plus-value financière ? Il n'est pas certain que les droits télévisuels seraient préservés.
Quant à modifier les dates de la coupe du monde, notamment pour permettre à la SANZAR d'organiser son Tri-Nations sans l'amputer de ses journées tiroir-caisse, cela reviendrait à faire disputer la compétition mondiale plus tard dans l'année, dans des conditions climatiques dégradées.
Il n'est pas du tout certain que l'IRB soit la plus mal placée dans la négociation, dès lors que les fédérations Australienne et Néo-Zélandaise sont des géantes sportives mais des naines économiques.
Aussi paradoxal que cela paraisse, le mythe All Black ne rapporte pas suffisamment au regard de ce qu'il coûte. Il faut payer les internationaux, sous contrat avec la NZRU, et toute la belle machinerie mise en oeuvre à leur service. Quant au rugby australien, il souffre de n'être qu'un sport secondaire sur l'Ile-continent. Les stades ne sont pas pleins et les télévisions ne paient pas autant que souhaité. Aussi, quand bien même les All Blacks constituent le produit d'appel de la boutique RWC, se priver de la coupe du monde, vitrine mondiale de l'ovalie, qui plus est organisée en Europe, là où se trouve l'argent, reviendrait pour eux et leur fédération à se tirer une balle dans pied. C'est sans doute ce que ne manqueront pas d'avancer les dirigeants de l'IRB lorsque les négociations débuteront.