Allongé dans l’herbe
Quoi, tout cela, ce mirage de fleurs,
Chatoiement de couleurs d’une prairie d’été,
Ce ciel tendu d’un bleu tendre et ce chant d’abeilles
Ne serait que d’un Dieu
Le rêve haletant,
Cri vers la délivrance de forces inconscientes ?
De même au loin la belle ligne des montagnes
Hardiment tracée dans l’azur,
Ce ne serait qu’un spasme,
Sauvage sursaut d’une nature en gésine ?
Rien que tourment, souffrance, élan désespéré,
Inlassable, à jamais ignorant du bonheur ?
Non, non, fuis loin de moi, ô rêve maléfique
De la douleur du monde !
Des moucherons dansant dans les rayons du soir,
Ou l’appel d’un oiseau te compensent,
Ou ce souffle de vent qui rafraîchit mon front
De sa caresse.
Loin de moi, antique malheur des hommes !
Que tout soit deuil, que tout soit souffrance et ténèbres,
Mais pas cette douceur d’une heure ensoleillée,
Pas ce parfum de trèfle rouge,
Pas la profonde et tendre volupté
Baignant mon âme
Im Grase Liegend
Ist dies nun alles, Blumengaukelspiel
Und Farbenflaum der lichten Sommerwiese,
Zartblau gespannter Himmel, Bienensang,
Ist dies nun alles eines Gottes
Stöhnender Traum,
Schrei unbewusster Kräfte nach Erlösung?
Des Berges ferne Linie,
Die schön und kühn im Blauen ruht,
Ist denn auch sie nur Krampf,
Nur wilde Spannung gärender Natur
Nur Weh, nur Qual, nur sinnlos tastende,
Nie rastende, nie selige Bewegung?
Ach nein! Verlass mich du, unholder Traum
Vom Leid der Welt!
Dich wiegt ein Mückentanz im Abendglast,
Dich wiegt ein Vogelruf,
Ein Windhauch auf, der mir die Stirn
Mit Schmeicheln kühlt.
Verlass mich du, uraltes Menschenweh!
Mag alles Qual,
Mag alles Leid und Schatten sein -
Doch diese eine süße Sonnenstunde nicht,
Und nicht der Duft vom roten Klee,
Und nicht das tiefe, zarte Wohlgefühl
In meiner Seele.
(1913)
Hermann Hesse, Poèmes choisis et traduits par Jean Malaplate, édition bilingue, José Corti, 1994, pp. 77 et 76
Bio-bibliographie d’Hermann Hesse