Deuxième débat pour la primaire PS : convergences Valls-Bayrou et Montebourg au top

Publié le 28 septembre 2011 par Sylvainrakotoarison

Débat essentiellement économique qui a montré de profondes divergences entre les candidats. Sur la forme, Arnaud Montebourg a surpassé les autres candidats mais sur le fond, Manuel Valls a présenté les mesures les plus réalistes.

Le deuxième débat qui opposaient ce 28 septembre 2011 les six candidats à la candidature socialiste à l’élection présidentielle a duré plus de deux heures trente et a été animé par Arlette Chabot dans le cadre d’une collaboration Europe 1, LCP, i-Télé et "Le Parisien".

Comme le premier débat, il a été d’une bonne tenue mais a été un peu plus dynamique avec plus d’interactions entre les candidats. Il a été essentiellement consacré à l’économie et la fin s’est partagée sur des questions concernant la sécurité, l’immigration et la morale dans la vie politique. Jean-Michel Baylet a cependant trouvé saugrenu de coller ensemble les deux thèmes sécurité et immigration si bien que les journalistes lui ont assuré la main sur le cœur que c’étaient évidemment des thèmes… indépendants.

Sur la forme

Seule Ségolène Royal a décidé de porter des vêtements de couleur éclatante avec une veste rouge vif et a retiré son collier un peu grossier du premier débat en laissant nu son cou. Les autres étaient plus classiques sur des couleurs sombres.

Mais l’éclat de Ségolène Royal s’est arrêté à son tailleur, car elle a été sans doute la moins bonne dans l’expression orale, récitant par cœur de nombreuses phrases aux pas cadencés. Jean-Michel Baylet aussi semblait peu à l’aise au début avec quelques maladresses oratoires mais a su bien reprendre de l’assurance au cours de l’émission.


Les quatre autres étaient très professionnels dans leur communication. François Hollande a cherché à rester en retrait, avec souvent la possibilité de conclure (par le hasard des tirages au sort), ce qui lui a renforcé son air présidentiel même si son sourire (surtout au début) paraissait un peu niais. Sa posture mitterrandienne a cependant quelques loupés, car la qualité de son expression était loin d’égaler celle de François Mitterrand. J’ai noté quelques maladresses de langage comme « voire même » ou encore cette phrase vers la fin : « C’est ce souffle-là que je soufflerai le moment venu. ».

Question performance, sans nul doute que celui qui a été le mieux à même de convaincre fut Arnaud Montebourg avec un discours bien rodé et une aisance orale assez remarquable. Le second plus performant fut également l’autre "jeune" de la "bande", Manuel Valls, qui a su approfondir sa cohérence sur le champ économique et social.

Quant à Martine Aubry, toujours à l’aise dans les débats des idées, elle a émis des signaux contradictoires sur l’économie et sur la sécurité, se montrant parfois rétrograde parfois moderne, ce qui rendait son message assez confus. Elle s’est même égarée dans la démagogie en proposant, comme première décision présidentielle à prendre, de baisser de 30% la rémunération du chef de l’État et des ministres, gadget fort plaisant peut-être mais qui ne fait pas avancer la France dans la sortie de crise.

Manuel Valls s’est lui aussi aventuré sur une pente populiste en dénonçant dès les premières phrases l’ingérence du politique dans la justice pour les affaires qui minent la cohésion de la République et a eu l’intelligence d’annoncer que sa première décision présidentielle, ce serait évidemment de nommer un Premier Ministre, en insistant : « un vrai Premier Ministre qui gouvernerait ».

On pourra toujours dire que la forme importe peu, c’est celle-ci qui détermine l’aisance d’un candidat dans une campagne et sachant que la communication passe autant dans la gestuelle que dans le sens des paroles, la capacité à convaincre est directement liée à cette fameuse forme, même si elle ne doit pas se substituer au fond.

Ainsi, on pourra noter un clivage entre les candidats qui ne cessent de prendre physiquement des postures (Ségolène Royal, François Hollande et, dans une moindre mesure, Arnaud Montebourg avec son déhanché d’homme trop grand) et ceux qui ont gardé dans la discussion leur naturel (Manuel Valls, Martine Aubry et Jean-Michel Baylet).

Sur l’économie et le social

On a pu observer deux fronts assez opposés se former sur les questions économiques, comme la gauche archaïque face à la gauche moderne, la seconde gauche.

Les premiers (Martine Aubry, Ségolène Royal et Arnaud Montebourg) croient encore à l’importance de la régulation étatique et aux "yaka" tandis que les seconds (Manuel Valls et Jean-Michel Baylet, un peu moins François Hollande) sont clairement dans une logique réaliste pour relancer la production industrielle.

Certes, les six candidats n’ont cessé de tous vouloir relancer l’industrie, aider les PME et favoriser ainsi les emplois, mais leurs méthodes divergent complètement.

On a pu palper très clairement cette ligne de fracture à l’intérieur du PS entre la social-démocratie et le socialisme étatique, une ligne qui existait déjà en mars 1983 entre Jacques Delors et Jean-Pierre Chevènement, par exemple.

Ségolène Royal n’a pas hésité à parler de blocage des prix de l’essence et des produits de première nécessité et du retour à la retraite à 60 ans.

Martine Aubry a défendu ses 300 000 emplois jeunes en donnant un exemple dérisoire pour l’économie (il y a besoin d’emplois pour faire un bilan énergie dans les habitations), thème repris d’ailleurs avec la révolution verte d’Arnaud Montebourg qui, en plus des 300 000 emplois jeunes, voudrait recruter 500 000 emplois pour réduire les pertes d’énergie dans les logements (oubliant que les remises aux normes des habitations ont un coût énorme probablement supporté uniquement par les propriétaires). Martine Aubry a également annoncé le blocage des loyers (les propriétaires auraient-ils vraiment intérêt à voter socialiste ?!).

François Hollande s’est de nouveau opposé à Martine Aubry sur les emplois jeunes et a présenté de nouveau ses contrats de générations, toujours des emplois aidés pour favoriser l’emploi des jeunes et des "vieux".

Tout ce petit monde oubliait d’ailleurs qu’une loi permet maintenant à n’importe quel salarié de rester dans son emploi jusqu’à 70 ans.

Ces contrats de générations ont été combattus par Martine Aubry (ça ne marche pas, ça a déjà été fait !) et par Manuel Valls (ça coûte trop cher) et même par Arnaud Montebourg qui a considéré que lorsqu’une entreprise recrute, c’est qu’il y a une nécessité pour l’entreprise et qu’il serait coûteux de générer des effets d’aubaine.

Sur l’intervention de l’État, Arnaud Montebourg n’y est pas allé doucement puisqu’en premières mesures présidentielles, il a promis la mise sous tutelle des banques et le droit de veto de l’État au sein de leurs conseils d’administration (ce qui supposerait de nombreux agents de l’État comme administrateurs).

Arnaud Montebourg a ensuite loué les vertus du protectionnisme européen, considérant que les Américains et les Chinois faisaient pareil contre les produits européens.

D’une perspective diamétralement opposée, Manuel Valls a repris la philosophie de François Bayrou en disant que les problèmes ne sont pas extérieurs à la France mais bien à l’intérieur. Il n’a donc pas hésité à ressortir son augmentation de TVA de 1% (ce n’est plus 2% comme au premier débat) au grand grincement de dents de Martine Aubry entre autres.

Jean-Michel Baylet non plus ne voudrait pas toucher à la TVA mais voudrait alléger les entreprises qui embauchent en basant les cotisations sociales non pas sur la masse salariale mais sur la valeur ajoutée.

Quant à Ségolène Royal, au-delà du blocage des prix, s’emmêlant un peu les notions en disant que les régions devraient pouvoir entrer dans le capital des entreprises d’intérêt national (après, elle s’est reprise en parlant de l’État !), cela semblait de la surenchère pour l’étatisme en voulant interdire les licenciements boursiers (quels sont les critères ?), en rétablissant l’archaïque autorisation administrative de licenciement et en croyant que les usines de sidérurgie pourraient être ainsi sauvée en Moselle.

Aux mesures judiciaires de Martine Aubry et aux mesures administratives de Ségolène Royal contre les entreprises en bonne santé qui licencient, François Hollande a opposé les sanctions financières qui, seules, auraient de l’effet dans le comportement de ces entreprises.

Ce à quoi Martine Aubry a répondu sur le plan moral en disant que l’argent ne peut pas tout, qu’il n’y a pas que l’argent. Ségolène Royal a défendu son bureaucratisme économique en disant que les décisions judiciaires étaient trop longues pour sauvegarder les emplois (six ans pour les salariés de Lu) et que l’interdiction administrative serait plus efficace.

Au cours de la discussion, le téléspectateur s’est d’ailleurs aperçu avec angoisse que pour Martine Aubry, on était "senior" dès l’âge de 45 ans pour qui elle a réclamé un bilan de compétences systématique !

Arnaud Montebourg a présenté aussi une règle de partage dans des secteurs protégés (comme la grande distribution) selon laquelle lorsqu’il y a cent euros qui sont versés pour les actionnaires, cent euros seront versés également pour les salariés. Principe dont François Hollande a judicieusement rappelé l’appellation : l’intéressement !

En terme de leadership sur ce débat économique, il y a eu incontestablement d’un côté, Arnaud Montebourg et son protectionnisme étatique, et de l’autre, Manuel Valls et ce besoin de flexibilité de l’économie pour libérer les énergies entrepreneuriales.

Sécurité, immigration et morale en politique

Les trois derniers thèmes ont été vite abordés faute de temps.

Sur la sécurité, il y a eu un clivage entre François Hollande et Ségolène Royal à propos de l’encadrement militaire des jeunes délinquants.

Sur l’immigration et la question des régularisations des sans-papiers, tous les candidats étaient d’accord pour affirmer qu’il ne faudrait pas généraliser et prendre des décisions au cas par cas, mais un clivage s’est installé sur la "générosité" des régularisations prônée par Arnaud Montebourg et la fermeté de Ségolène Royal et de Manuel Valls sur cette question.

Sur la morale dans la vie politique, il y a un choc frontal entre Martine Aubry et Arnaud Montebourg à propos de l’affaire Guérini et un autre front entre Jean-Michel Baylet et Ségolène Royal, cette dernière proposant une inéligibilité à vie pour les élus condamnés et le président du PRG refusant toute mesure définitive qui interdirait le droit de se racheter.

Conclusion des candidats

Dans sa conclusion, François Hollande a été le seul candidat à rappeler la victoire socialiste aux sénatoriales et a rembrayé sur sa "Présidence normale" en qualifiant le quinquennat actuel de « Présidence anormale ».

Quant à Martine Aubry, si elle s’est montrée finalement assez effacée durant ce débat, c’est elle qui a prononcé la meilleure conclusion, qui n’est pas une propagande apprise par cœur mais quelques points auxquels elle semblait y croire.

Dans ce deuxième débat, seuls Manuel Valls et Jean-Michel Baylet semblaient être suffisamment lucides sur la situation économique, ont montré de réelles convergences avec les idées de François Bayrou et ont rejeté toutes les fausses recettes étatiques proposées par leurs concurrents et qui n’ont jamais marché.

Entre les emplois aidées de François Hollande et de Martine Aubry, le protectionnisme et l’interventionnisme bancaire d’Arnaud Montebourg et le blocage des prix de Ségolène Royal (ainsi que le blocage des loyers de Martine Aubry), on avait le sentiment qu’on était encore au début des années 1970…

Pub médiatique

Cette campagne de la primaire est une période particulière dans la vie politique. Elle a permis à deux "seconds couteaux" (Manuel Valls et Arnaud Montebourg) de s’affirmer dans la cour des grands et à Jean-Michel Baylet de bénéficier d’une tribune politique comme jamais n’en aurait eu son petit parti radical de gauche depuis plusieurs décennies.

Ces débats constituent aussi une belle opération promotionnelle pour les socialistes eux-mêmes en faisant de la publicité de leur primaire à la télévision. Mais rien n’empêchait les autres partis d’en organiser de la sorte.

Le troisième (et dernier) débat de la primaire du PS aura lieu sur BFM (entre autres) le mercredi 5 octobre 2011 à 20h30.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2011)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Le premier débat de la primaire socialiste.
La primaire et l’esprit des institutions.
François Hollande.
Martine Aubry.
Ségolène Royal.
Manuel Valls.
Arnaud Montebourg.
Jean-Michel Baylet.