Magazine

Max | Rencontres incertaines

Publié le 28 septembre 2011 par Aragon

amarina_clavier(1).jpgMon clavier c’est mon râtelier : des crocs et des molaires plein sa bouche, parfois très incisif. Je l’astique avec mes doigts. Deux brosses à dents non remplaçables et bien vaillantes :  le majeur de la main droite et l’index de la gauche.

L’écran si pâle au début s’enfle et déborde, s'emplit de phrases, crache les mots comme noyaux de pitchoulines mais bave pas. La souris de marque "Sweex" a la forme d’une langue. C’est bon comme ça, très bon. Il peut ouvrir sa gueule mon portable.

Sur la table de la cuisine, calé dans un fauteuil de mon salon, sur celui approximatif de Bucéphale ma 4L, assis au pied d’un arbre, je le trimballe en tous lieux, à tout va et à tous crins. Mon vieux carnet fait la gueule car mon ordi le supplée trop souvent à son goût, se fout de lui. "T’es dépassé" lui jacte-t-il sans retenue, "T’as pas comme moi ni les clés multi G, ni la mémoire" et mon carnet me fait la gueule… Suis désolé mon vieux copain, suis désolé mais un portable ça a du gnac, c'est l'avenir ! Mon carnet a cependant de la répartie car il a balancé à mon ordi la phrase qui tue, qui se veut pas vacharde mais qui te laisse sur le flanc : "Tu ferais mieux souvent de tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler..." L'a rien pu dire mon ordi, c'était béton.

Je me jette sur mon ordi par facilité, par commodité, parce que c'est fluide me disais-je, c'est léger, y'a tout dedans et c'est moderne. Mon ordi a tenté de bafouiller pour répliquer " Je sais ce que je fais, ce que je dis..." et l'autre lui demande encore de réfléchir à ce qu'il va dire avant de balancer dans l'univers toutes les scories de mon cerveau. L'univers de mon carnet c'est la poche qui le contient. Ma poche. Les mots de mon ordi iront par contre boulevarder sur la Fifth' avenue, baguenauder dans les rues de Dax, magasiner rue Sainte Catherine, crapahuter sur le Larzac, se perdre dans les steppes du côté d'Oulan-Bator ou de Chibougamau...

"Fais gaffe mec, fais gaffe à ces rencontres virtuelles, ces amis qui n'en sont pas, puisqu'ils n'existent pas physiquement, déchets bitiques ils sont tes potes..." et mon ordi de répliquer : "Tu me les casses espèce de vieux sac à papier, le monde entier est ma maison et ces gens qui me répondent, que je sens vivre, que je sens geindre, que je sens s'éclater, que je sens aimer, je les connais sans les connaître, mais je les connais..." L'autre, encore : "Tu connais rien à rien tant que t'as pas mis ta main dans ta propre poche pour te connaître et te savoir, pour TOUT savoir... tes bits, tu peux te les mettre là où je pense espèce de robot domestique..." Depuis cette prise de bec mon ordi déprime grave, il se demande qui sont ces gens et ces rencontres incertaines.

J'ai pris le taureau par les cornes, je leur ai demandé à tous les deux qui était le patron, qu'ils n'avaient rien à dire l'un et l'autre, qu'à la fermer, qu'à obéir, qu'ils n'étaient pas en concurrence, qu'ils avaient chacun leur utilité, que je voyais toujours la ligne d'horizon, que je savais ce que je devais écrire. Ils se sont écrasés mais avant de la boucler ils ont lancé tous deux comme en duo à Médrano : "Tu es certain de ces rencontres incertaines ?"



Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Aragon 1451 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte