Depuis plusieurs mois, une vague de protestation s'élève en Bolivie, contre un projet routier qui menace de détruire le parc national Isiboro Secure, réserve écologique d'1 million d'hectares et terre ancestrale pour 50.000 indiens d'Amazonie.
La diffusion sur les chaînes de télévision de l'arrestation musclée d'hommes, de femmes et d'enfants mobilisés pour défendre leur patrimoine culturel et environnemental, a écoeuré l'opinion, bien au-delà des frontières boliviennes.
Malgré la décision prise par le gouvernement bolivien de suspendre la construction de cet axe routier qui devait traverser la forêt amazonienne, le conflit social bolivien a viré à la crise gouvernementale. En effet, trois ministres ont démissionné en 48 heures. D'abord, le ministre de l'Intérieur Sacha Llorenti a présenté sa démission deux jours après la répression policière, dimanche à Yucumo, une ville du Nord-Est, d'une marche d'un millier d'indiens amazoniens, parmi lesquels des femmes et enfants, opposés au projet routier. Lundi, c'était au tour de la ministre de la Défense Cecilia Chacon de présenter sa démission pour dénoncer l'intervention de Yucumo. Enfin, mardi, c'est le vice-ministre de l'Intérieur Marco Farfan qui a démissionné, contraint et forcé par l'ouverture de l'enquête sur Yucumo. En effet, le ministre de l'intérieur Llorenti l'accusait d'avoir agit "sur suggestion de commandants de police", sans demander l'autorisation de la présidence ou du ministre de tutelle.
Le chef de l'Etat Evo Morales était intervenu dans les médias lundi soir, évoquant des incidents "impardonnables" et annonçant la suspension du projet de route, dans l'attente d'une consultation populaire. Mais ses déclarations n'ont pas suffit à calmer les foules, choquées par cette répression inhabituelle. Les indigènes se sont dits résolus à reprendre leur marche de protestation vers La Paz, dont ils avaient déjà accompli la moitié. Mais avant de redémarrer leur marche, "la première chose est de nous aider à retrouver nos frères disparus" suite à la dispersion chaotique d'un millier de personnes dimanche à Yucumo, a déclaré à l'AFP le député amazonien Pedro Nun, un des dirigeants du mouvement.
Au pouvoir depuis 2006, Evo Morales a sérieusement entaché sa cotte de popularité auprès de son électorat majoritaire, les indiens. Si son peuple est très engagé pour la défense de son patrimoine environnemental, Evo Morales a démontré qu'il ne l'était pas réellement. Pour l'instant, c'est le peuple qui gagne.
Alicia Muñoz