Après la débâcle, les bonnes leçons de Docteur Sarkozy

Publié le 28 septembre 2011 par Letombe

Lundi, la Sarkofrance avait la gueule de bois. La perte de la majorité sénatoriale était le nième épisode de la déchéance politique du Monarque. Sarkozy a rapidement reçu Fillon et Copé. Mais il fallait masquer.
Il alla parler à un colloque sur l'université... la veille d'une grève dans l'éducation nationale. S'affranchissant parfois de son texte, le bon Docteur Nicolas prodigua ses conseils de bonne gestion et de courage politique à une assistance castée et silencieuse.
Comme toujours. 
La débâcle
Politiquement, la perte de la majorité sénatoriale est une belle épine dans le pied déjà nu de Nicolas Sarkozy. Et qu'importe de savoir qui présidera la haute assemblée après le scrutin de samedi. Exit la règle d'or dans la constitution. Sarkozy n'a plus aucune chance de convaincre les trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès à Versailles pour voter sa mal nommée règle d'or. Un Sénat à gauche sera également moins rapide à adopter les dernières (rares) réformes sarkozyennes, ou le projet de loi de finances pour 2012. On s'imagine aussi que ce nouveau Sénat sera peut-être plus prompt à lancer des commissions d'enquête sur quelques fâcheuses affaires du moment.
Comme chaque lundi matin, le Monarque a reçu François Fillon et Jean-François Copé. L'UMP comptait ses blessés. Chantal Jouanno, échaudée par le manque de soutien élyséen depuis plusieurs mois, a préféré démissionner du gouvernement pour le Sénat. David Douillet lâche son poste d'agent recruteur auprès des électeurs français de l'étranger pour reprendre le poste. Gérard Longuet, réélu sénateur, s'accroche à son maroquin. On notera l'hypocrisie de l'élu qui s'est ainsi garantit un poste de sortie (sénateur) en cas d'alternance en mai prochain.
Le Figaro s'inquiétait déjà d'un éventuel grand Chelem de la gauche en 2012:  « À moyen terme, dans l'hypothèse d'une victoire du PS à la présidentielle, suivie selon toute vraisemblance d'un succès aux législatives, la gauche pourrait, non seulement, appliquer son programme législatif, mais aussi adopter toutes les révisions constitutionnelles qu'elle jugerait bonnes. François Mitterrand lui-même n'avait pas eu une telle liberté ». Après près de 10 ans de majorité UMP sans contrôle, la remarque prête à sourire.
Les banques
Lundi, on s'attendait au pire. Au Sénat, la messe était dite, même si le clan Sarkozy paraît sonné. Mais sur les marchés financiers, rien n'est réglé. On attendait l'ouverture des bourses avec inquiétude.
Dimanche, le JDD relançait la rumeur d'une prochaine recapitalisation des banques françaises. C'est un véritable feuilleton. Il y a 3 semaines, Chirstine Lagarde au FMI prévoyait un nécessaire réajustement des fonds propres des banques européennes et françaises. Puis elle dut démentir. Puis un vice-président de la commission européenne confirma le besoin, en marge d'une rencontre du G20. Démenti officiel français.
Puis voici qu'une réunion « secrète » se serait tenue dimanche 11 septembre à la direction du Trésor, à Bercy, pour traiter du sauvetage des banques françaises. Le JDD, qui révélait l'information le 24 septembre dernier, dans le plus grand secret, évoque « une réunion de crise entre son directeur, Ramon Fernandez, et les dirigeants de BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole, Banque populaire-Caisse d’épargne et le Crédit mutuel ». Toujours selon l'hebdomadaire, le gouvernement aurait « proposé de soutenir les banques françaises de la même manière qu’en 2008. Le schéma consistait à injecter cette fois entre 10 et 15 milliards d’euros d’argent public pour renforcer leurs fonds propres ».
Le gouverneur de la banque centrale, Christian Noyer, a démenti (« Il n'y a aucun plan »), tout comme Valérie Pécresse (« Il n'y a pas de plan de recapitalisation des banques ») et même l'Elysée ! Il n'y a peut-être pas de plan, mais il y a des soucis. Lundi matin, les Echos rappelaient que la banque Dexia, nationalisée en septembre 2008, a encore quelque 20 milliards d'actifs dits toxiques à céder sur les marchés. Faute de quoi, il faudra fermer boutique: « La chasse aux liquidités est donc une guerre quotidienne pour éviter à Dexia le "cauchemar de 2008", confirme une seconde source ». L'Etat prépare donc le démantèlement de la banque. Certaines communes, surendettées à cause de sales manipulations, s'apprêtent à porter plainte, telle Rosny-sous-bois.
Plus important, le commissaire européen Olli Rehn a promis, le même jour, que le fonds de soutien européen pourrait être doté d'instruments supplémentaires.
Lundi, les bourses européennes se sont reprises. En France, le CAC40 progressait d'un timide 1,75%. A l'Elysée, à Matignon, comme à Bercy, on respirait.
Pendant ce temps, Carla et Nicolas...
Carla Bruni fit encore parler d'elle. Elle s'est confiée à son amie Christine Ockrent sur la BBC et a raconté ses premiers moments avec Nicolas Sarkozy: «Quand je l'ai rencontré, on marchait dans les jardins de l'Elysée, et il m'expliquait tout sur les tulipes et les roses (...) Je me suis dit : 'Mon Dieu, mais il faut que j'épouse cet homme. C'est le chef de l'Etat et il sait tout sur les fleurs également. C'est incroyable'.» D'ici quelques jours, on attend un grand évènement, la naissance du petit dernier, annoncée quelque part au moment des primaires socialistes.
Pour la rentrée universitaire, Nicolas Sarkozy avait choisi de s'exprimer dans un colloque organisé par l'institut Montaigne sur un thème prétendument prometteur « 15 ans de réforme de l'université ».
Le Monarque avait les traits tirés, mais il souriait. L'assistance était calme. Aucune interruption n'était à craindre pendant les 41 minutes de son monologue. « L'intitulé de ce débat appelle une remarque immédiate: 15 ans de projets de réformes, c'est sûr ... 15 ans de révisions à la marge, c'est sûr... 15 ans de tentatives d'adaptation à la réalité de plus en plus complexe, c'est certain... Mais 15 ans de réformes... n'exagérons pas.»
L'argument était planté. Les 39 minutes qui restaient seraient à la gloire du Monarque.
Tout ça pour ça.

« On peut tout dire... sauf que le monde universitaire... allez, ... même sur les 30 dernières années... a été balloté de grandes réformes en grandes réformes... On a parlé des réformes... On a débattu des réformes... Mais il y a une raison à cela... Mise à part la période de Claude Allègre... Je ne dis pas cela parce qu'il est présent mais parce qu'il avait compris qu'il y avait une nécessité à adapter nos universités au contexte européen... les ministres des universités n'ont pas pu... et ce n'était pas leur faute... ils ont voulu... qu'ils soient de gauche ou de droite... Mais ils n'ont pas pu mener leur projet de réforme...»

Ah... l'hommage à Claude Allègre... Sarkozy livra ensuite son explication sur l'erreur de ses prédécesseur: le ministre des universités était historiquement un « fusible » chargé de gérer les ennuis et de sauter quand ceux-ci arrivaient. Mais, grâce à lui, tout ceci n'était que passé. Avant de louer sa propre « réussite », Sarkozy dressa un rapide historique presque inquiétant des 40 dernières années universitaires: explosion démographique, changement social, délocalisation géographique... Sarkozy avait les yeux rivés sur son texte pour accabler le passé. Pensez-vous... Avant sa présidence, on n'osait pas « formuler » la réalité des problèmes ou les inégalités de facto entre universités. « C'est là qu'on oyait que le malade était bien atteint ... car il ne pouvait même pas entendre le diagnostic. (...) La situation était si bloquée qu'on ne pouvait même pas poser le diagnostic ».
Heureusement, le bon docteur Sarkozy est arrivé avec « l'autonomie », c'est-à-dire « faire confiance au milieu universitaire ». Tiens, aurions-nous raté une étape ? Le passage à la cogestion généralisé ? Des réductions de postes par dizaines de milliers dans l'enseignement « amont » (primaire et secondaire) faciliteront la surcharge des classes et renforceront l'écrémage. L'autonomie fera le reste.
Nicolas Sarkozy espère même la révolution permanente, ... « Je milite pour un système universitaire qui se réformerait en continu ». Evidemment, au passage, il s'est inquiété de la hausse des droits d'inscription. Il n'a rien contre, mais pas partout, cela ferait tâche... Ce serait « une très mauvaise idée que toutes les universités décident d'augmenter leurs droits d'inscription », cela donnerait l'image d'une «barrière économique».
«Ne laissez pas caricaturer notre réforme».
Ne laissons pas Nicolas Sarkozy se caricaturer.

Sarkofrance

Sarkozy perd son Sénat.