En cette période d’Octobre Rose, la polémique fait rage autour du dépistage organisé du cancer du sein. Un livre va en effet sortir , intitulé « no mammo » écrit par Rachel Campergue, kiné de son état et qui, semble-t-il remet en cause l’intérêt de ce dispositif mis en place depuis 2004 en France. Avouez que la date de sortie a été merveilleusement choisie par l’éditeur ! Parallèlement ce matin Madame Nora Berra, la ministre chargée de la santé, et la Présidente de l’INCa, Madame Agnès Buzyn, lançaient la nouvelle campagne en faveur de ce dépistage qui a comme slogan : « le dépistage du cancer du sein, parlez en aux femmes que vous aimez ». Deux discours totalement opposés qui vont certainement semer encore plus le doute dans l’esprit des femmes qui sont déjà très réticentes à aller faire leur mammographie !
QUELQUES CHIFFRES
Je n’ai pas lu ce livre et pour cause puisqu’il qui sort la semaine prochaine mais, les détracteurs du dispositif sont pléthores. Les raisons évoquées pour la plupart tournent autour du chiffre de sur-diagnostic induit par ces mammographies. Entre 5% et 10% de cancers seraient dépistés alors qu’ils n’auraient pas évolués et mis en danger la vie des femmes concernées. D’où une incidence galopante du cancer du sein (53 000 femmes cette année) face à une mortalité qui ne bouge presque pas. Les contres avancent par ailleurs, que la petite baisse de la mortalité (1,3% entre 2000 et 2005 contre 0,4% entre 1980 et 2 000) peut s’expliquer en partie par les progrès des traitements et en aucun cas par la mise en place du dépistage organisé. . Mais quand on sait que ces mêmes traitements n’ont pratiquement pas changé depuis 20 ans, on est en droit de s’interroger quand même. ! Le dernier chiffre est éloquent : on estime l’impact du dispositif à 3 000 vies sauvées par an ! A mon avis, même si le nombre de décès évités était moindre, même s’il ne concernait que quelques centaines de femmes, cela justifierait quand même de persévérer.
Alors le dépistage sauve-t-il des vies ? Le discours aujourd’hui à la conférence de presse était résolument différent et me plaît d’avantage : « le dépistage permet de diagnostiquer un cancer du sein plus tôt et donc d’éviter des traitements trop lourds ». Il est à noter quand même une belle bourde de notre ministre qui , investie de son rôle et pas assez concentrée a dit que « le dépistage pouvait prévenir les cancers du sein ». Dépister les cancers déjà installés oui, Madame la Ministre, pas les prévenir ! Il faut cesser de confondre dépistage et prévention !
LA CAMPAGNE
Quoi qu’il en soit, si cette nouvelle campagne n’est pas une réponse directe au livre de Mme Campergue, (ils n’ont pas eu le temps ) j’espère qu’elle aura plus d’impact auprès de la population concernée. Cette année il s’agit de faire jouer la solidarité puisqu’elle tente de mobiliser les proches afin qu’ils rappellent à leur mère, sœur, amie … l’importance de faire cette fameuse mammo.
Elle s’articule autour de deux axes majeurs : la télévision avec les chaînes de France télévision, et ce qui est un peu plus nouveau, internet et les médias sociaux.
Vous allez pouvoir voir tout au long du mois d’octobre des personnalités de la télé, (Nagui, Sophie Davant, Michel Cymès et d’autres), dans de mini spots publicitaires vantant l’intérêt du dépistage.
Sur la page facebook de l’INCa, ainsi que sur leur site internet, les internautes vont essayer de créer le plus grand ruban rose virtuel. En cliquant sur l’application, chaque personne pourra faire avancer le ruban visible sur google maps et google street view. Alors à vos clics !
L’INTERVIEW
Enfin, pour clore ce long billet, j’ai eu la chance de pouvoir interviewer Madame Agnès Buzyn qui a gentiment et brièvement répondu à mes questions :
CC : L’INCa se mobilise une fois de plus en faveur du dépistage organisé, que répondez-vous à ses nombreux détracteurs ?
A.B : Culturellement il y a une grande défiance dans notre pays vis à vis des grandes politiques de santé publique. Les messages passent mal. Il faut y répondre par l’information et les chiffres, par l’éducation et la compréhension des enjeux. Posons les problèmes y compris celui du sur-diagnostic. Quoi qu’il en soit, le calcul du bénéfice/risque est en faveur du dépistage.
CC : « le dépistage, un moyen d’agir contre le cancer du sein » est la première phrase que l’on peut lire sur votre communiqué de presse, quid de la prévention ?
A.B : La prévention touche d’autres champs de la santé publique notamment d’autres cancers. En matière de cancer du sein, il y a des facteurs sur lesquels on ne peut pas agir (hérédité, dates des premières règles et des grossesses…), d’autres si, comme le tabac ou le surpoids. Il faut bien sûr informer les gens, mais on ne connaît malheureusement pas encore les vrais facteurs de risque de ce cancer.
CC : Enormément de femmes ne rentrent pas dans la cible du dépistage organisé, notamment des femmes jeunes, que proposez-vous pour elles ?
A.B : C’est une vraie réflexion. Il faut que les chiffres démontrent l’intérêt d’abaisser l’âge du dépistage. C’est très probablement le cas pour les 45/50 ans. Mais il faut la preuve scientifique que le bénéfice est supérieur au risque et nous ne l’avons pas.
CC : Enfin pourquoi ce choix d’internet comme l’un des supports privilégiés de la campagne ?
A.B : Nous voulons toucher un public le plus large possible y compris les jeunes. En utilisant internet nous espérons qu’ils en parleront à leurs mères et grands-mères etc….
Bref une polémique qui sort à point nommé pour alimenter les réseaux sociaux et faire un travail de sape qui risque fort d’avoir un impact négatif sur la participation déjà faible à ce dépistage organisé. Le gouvernement a certainement été pris de court face à la sortie de ce livre, sa campagne préparée de longue date suffira-t-elle a contrer le buzz? A suivre ….
Catherine Cerisey
A lire :
- La parisienne cancer du sein polémique autour du dépistage généralisé
- Le Figaro : cancer du sein le dépistage systématique en question