Le 9 octobre prochain, quelque sept millions de Camerounais, d'après les chiffres d'ELECAM, se rendront aux urnes afin d'élire la personne qui incarnera les institutions nationales au cours des sept prochaines années. Rendez-vous politique d'une importance capitale s'il en est, surtout dans un contexte sociopolitique caractérisé par un régime présidentialiste oppressant. Pour le prochain scrutin, ils sont vingt-trois qui caressent l'espoir de présider aux destinées du Cameroun, vingt-trois candidatures au profil hétéroclite, où l'on trouve des personnes ayant le profil de l'emploi, mais également des candidats, dont le seul objectif est de faire partie de la liste, sans doute pour l'Histoire et pour des raisons alimentaires. Ces derniers, comme on peut le constater n'ont pour programme politique que le remplacement de l'actuel président de la République, alors que ce dernier, plus que jamais décidé à poursuivre son bail à la tête du pays, est présenté par ses partisans comme étant « le meilleur choix ». Où se trouve donc la vérité ? Certes, après trois décennies au pouvoir et un âge respectable, soixante-dix-huit ans, ce qui confère quasi automatiquement le vénérable statut de patriarche, Paul Biya aurait pu normalement se retirer des affaires, et jouir d'une paisible retraite, car à cet âge, on doit légitimement aspirer à un repos mérité, qu'à être actif, et de quelle façon, à diriger un pays aussi complexe que le Cameroun.
Opérer le meilleur choix.
C'est vrai que si Paul Biya nous avait écoutés, il serait en train d'organiser actuellement une transition politique en douceur, que de se donner d'autres défis, plus difficiles encore, le passage des « grandes ambitions » aux « grandes réalisations ». De toutes les façons, il n'est pas tard pour que le président sortant dont la réélection le 9 octobre 2011 ne s'inscrirait pas dans le registre des surprises, pourra toujours organiser sa succession, afin de préserver justement la paix et l'unité nationale, deux maîtres mots abondamment utilisés par le parti au pouvoir depuis le lancement de la campagne. Ceci a fait dire à des langues inamicales que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) n'a pour seul programme de société que la paix. C'est vrai que cette paix est précieuse et nous tient à cœur. Sauf que les Camerounais qui ont besoin de travailler, d'aller à l'école, de se soigner convenablement, de manger à leur faim, méritent qu'on apporte des solutions appropriées à leurs problèmes, tant il est vrai que la paix ne saurait résoudre les problèmes vitaux dont ils font face. La paix oui et toujours, mais, le travail, l'éducation, la santé, la liberté, le développement, le progrès social, bref, le bien-être de manière générale, c'est encore mieux.
Parce que diriger le Cameroun n'est pas un jeu, l'on peut s'étonner que pour une élection présidentielle, qu'on ait enregistré plus de cinquante candidatures. Quelle que soit la raison avancée pour justifier cette ruée sur Etoudi, admettons que ce nombre est trop élevé pour vingt millions de personnes vivant dans un espace de moins de cinq cent mille kilomètres carrés. En réalité, même les vingt-trois candidatures finalement retenues sont pléthoriques. Mais, il faut faire avec, du moment où le Conseil constitutionnel, seule institution régalienne habilitée à se prononcer sur la recevabilité des candidatures à l'élection présidentielle les a consacrés. Depuis le lancement de la campagne électorale le 24 septembre dernier, le Cameroun ressemble à une pièce de théâtre, où chacun des « présidentiables » pour ne pas dire, chaque artiste incarne un rôle. La différence avec le théâtre classique étant que dans cette tragi-comédie à la camerounaise, chacun veut incarner le même rôle, celui d'acteur principal qui aurait pour mission de sauver les Camerounais et le Cameroun. Il n'en fallait pas plus pour qu'on entende toutes sortes de promesses, et dont certaines, chimériques et purement illusoires, ne sauraient même convaincre un enfant ayant fait une bonne classe de la maternelle. Mais passons, c'est la propagande électorale. Ainsi va le Cameroun avec ses comédiens et ses amuseurs publics, surtout qu'au fond de toute cette « sollicitude » à servir « patriotiquement » les Camerounais, se trouve quand même un joli pactole de trente millions de francs CFA. Ne vous méprenez pas. Les gens ne sont pas dupes...
Vendeurs du vent.
Il faut reconnaître qu'en ces temps de vache maigre, très peu de compatriotes cracheraient sur une telle manne tombée du ciel. Après avoir payé la caution fixée à 5 millions de francs CFA, le reste de l'enveloppe peut aider nos « présidentiables », qui, à construire une maison, qui, à s'acheter une voiture, ou à monter une « affaire » qui pourra lui assurer des revenus substantiels. Comme on peut le constater, être candidat à l'élection présidentielle au Cameroun est pour beaucoup, une occasion de rente. Tant pis pour vos encombrants projets de société. L'on se rend à l'évidence que cet appétit grandissant pour la fonction suprême à d'autres motivations, car, ces patriotes de dimanche pour la plupart, veulent plutôt résoudre le problème de leur panse, que de vouloir se mettre résolument au service de leurs concitoyens comme ils clament sur tous les toits. Depuis le début de la campagne électorale, les Camerounais vivent une toute autre ambiance bien que ceux-ci éprouvent toujours autant de difficultés pour survivre. Mais, ceux d'entre eux qui ont un peu de temps à perdre pour suivre les interventions des candidats ou de leurs partisans se rendent rapidement compte de la vacuité des programmes, des messages creux et redondants qui donnent le sentiment d'avoir à faire à des marchands d'illusions à la recherche d'un hypothétique positionnement.
Qu'on le veuille ou pas, être candidat à la fonction présidentielle nécessite un minimum de compétences et de connaissances dans la gestion des affaires de la cité. Ce qui veut dire en d'autres termes que ce n'est pas à n'importe qui de briguer la magistrature suprême. Si la politique est un jeu démocratique, diriger un pays ne saurait être un jeu. Peut-être qu'à l'avenir, à défaut d'égaler ou de dépasser les pays comme le Sénégal où la caution à l'élection présidentielle est fixée à 65 millions de francs CFA, il faudra peut-être revoir cette caution à la hausse, non pas forcément pour en favoriser les plus nantis, mais, pour autant soit peu, décourager certains apprentis sorciers dont la participation à une élection présidentielle n'est motivée que par des considérations mercantilistes et alimentaires, en lieu et place d'un programme politique susceptible de servir d'alternative à la politique actuelle. Si chacun des candidats a reçu la première avance de l'enveloppe de la campagne, la loi aurait été plus juste, si elle avait prévu que l'autre moitié ne serait reversée qu'aux candidats ayant obtenus au moins 2 % de suffrages valablement exprimés.
Sur les vingt-trois mousquetaires en lice, seulement cinq d'entre eux pourraient atteindre ce seuil symbolique. Souhaitons qu'à l'avenir, qu'il y ait une meilleure codification pour les candidats à l'élection présidentielle, parce que la fonction présidentielle ne mérite pas une telle désacralisation. Il s'agit d'une fonction noble dont le premier vendeur du vent ne devrait même pas y briguer. Maintenant que le mal est déjà fait, souhaitons à tous les larrons en foire, bonne campagne et que le meilleur gagne pour que les lendemains meilleurs pour tous les Camerounais.
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